La femme dans le film noir est associée à la ville. Si l'ambition sociale de l'homme s'épanouit dans la cité, son désir sexuel rencontre la séductrice, fantasme misogyne où le mâle projette ses peurs et ses instincts agressifs. C'est pourtant l'homme qui est au centre du récit criminel - détective, policier ou gangster - la femme n'existant qu'en marge, alors que dans le mélodrame (surnommé à juste titre le "Woman's Picture") c'est elle qui, victime souffrante, domine la fiction. L'homme est faible et la femme peut se révéler forte, résistante et prête à tout. Il y a bien sûr, les femmes au foyer, épouses fidèles conformes au modèle dominant d'une société patriarcale. Mais il y a surtout les prédatrices, ces mantes religieuses qui attirent irrésistiblement l'homme car, dans l'univers du film noir, l'expression de la sexualité est incompatible avec l'institution du mariage.
Là encore les titres de films s'alignent pour signifier le rôle majeur joué par la femme: Un si doux visage, Adieu ma belle, Gilda, La Dame de Shangaï.
Toute une tradition judéo-chrétienne exerce ici son influence, qui remonte au symbolisme décadent, au romantisme noir, au thème de la Belle Dame sans Merci et, plus essentiellement encore, à la Bible, où Salomé et Dalila dansent avec leurs sept voiles et manient le couteau pour mieux castrer le mâle en lui coupant la tête ou les cheveux.
Le cinéma naît en 1895, au moment même où la frontière de l'Ouest se ferme, où les espaces vierges ont fini d'êtres explorés et conquis, où l'espoir d'un territoire en expansion continue s'évanouit. Même si pendant quelques années le western est contemporain de Hollywood (Los Angeles n'est pas loin de certains lieux mythiques de la saga de l'Ouest, tels l'Arizona ou le Nouveau Mexique), il devient très vite un genre lié au passé et teinté de nostalgie, représentant une Amérique aux valeurs élémentaires.
En revanche, le film criminel apparaît avec le développement de la vie urbaine, il s'identifie toujours au présent du pays dont il reflète les soubresauts. Il faut attendre Les Fantastiques Années vingt (1939) de Raoul Walsh pour que le cinéma criminel jette un premier regard rétrospectif sur l'époque des gangsters, et ne soit plus exclusivement synchrone avec les évènements qu'il relate.
Chapitre premier - Crimes en silence
L'objet, si important dans le film criminel, prend chez Hitchcock une valeur symbolique, comme il sied à cet ancien élève des Jésuites : les cymbales de L'Homme qui en savait trop, le collier de Sueurs froides, le verre de lait de Soupçons, le briquet de L'Inconnu du Nord-Express. Mais la gravité qui domine en général le film criminel est chez lui toujours teinté d'humour.