On essaiera de mieux comprendre en quoi nos environnements conditionnent notre attention, individuelle et collective, et en quoi nous conservons toujours une certaine puissance d'agir sur notre destin, dès lors que nous entreprenons de reconfigurer ces environnements. D'une certaine façon, notre attention est ce qui nous appartient le plus en propre. Et pourtant, nous n'en disposons que pour l'aliéner - dans les appareils de capture où nous immerge le capitalisme consumériste, comme dans les expériences esthétiques où nous nous plongeons avec le plus de passion.
Un livre consacré à l'épuisement de nos ressources attentionnelles est une contradiction incarnée: il vous explique pourquoi vous n'aurez pas le temps de le lire.
Corollaire de rivalité: la somme d'attention attribuée à un certain phénomène réduit la masse d'attention disponible pour considérer d'autres phénomènes.
Le seul fait de regarder ensemble les mêmes choses au même moment produit des effets de valorisation commune.
Tel est le défi de toute pédagogie et de toute esthétique : n'est véritablement utile que ce qu'on aura su rendre agréable ou exaltant.
C'est bien de cette capacité à remarquer ce qui est là - qui est important mais qu'on avait jusque-là négligé - que Joseph Jacotot et Jacques Rancière font le ressort d'une pédagogie dirigée vers l'émancipation intellectuelle. La fonction essentielle de leur maître (potentiellement ignorant) n'est pas d'expliquer des contenus, mais d'exercer l'attention des élèves, que ce soit par un commandement imposé à leur volonté ou par la stimulation de leur désir. C'est bien vers "une habitude et un plaisir pris à remarquer" que doit tendre toute expérience d'enseignement.