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EAN : 9782021447408
288 pages
Seuil (05/03/2020)
2.6/5   5 notes
Résumé :
Nous voyons les banquises fondre, les espèces disparaître, les inégalités s'exacerber : tout nous annonce que nos modes de vie sont condamnés à un " effondrement " qui vient. Nous savons la nécessité d'une mutationvertigineuse, à laquelle nous ne parvenons pas à croire.

Comment sortir de cette hantise – sans nier sa réalité nisubir sa fascination ? En multipliant les perspectives qui dévoilent une pluralité d'effondrementsdéjà en cours, plutôt qu'un u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un ouvrage particulièrement précieux pour s'y retrouver dans les représentations et analyses de l'effondrement, prospectives, spectaculaires marchandes ou idéologiques, et pour y discerner des chemins de changement encore praticables.


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/07/18/note-de-lecture-generations-collapsonautes-yves-citton-jacopo-rasmi/

Publié en mars 2020, quelques jours avant le premier confinement, dans la collection La couleur des idées du Seuil, l'ouvrage d'Yves Citton et de Jacopo Rasmi courait le risque de passer un peu trop inaperçu, ce qui serait fort dommage : il s'agit en effet de l'une des études les plus pertinentes qui soient sur la manière d'appréhender la place – ou plutôt les places, car beaucoup d'entre elles sont largement divergentes – que tient dans nos imaginaires contemporains la thématique de l'effondrement.

En analysant finement un vaste corpus de représentations contradictoires, en triant pour nous parmi les visions naïves, celles qui ressortent d'une étrange schadenfreude et celles qui sont tout sauf désintéressées (religions et idéologies étant ici plus que jamais à l'affût), les deux chercheurs – qui connaissent bien la manière dont s'organisent les storytellings contemporains, jusque dans leur foisonnement apparemment incohérent, comme en témoignent notamment, parmi les ouvrages précédents d'Yves Citton, « Mythocratie » ou « Médiarchie » – s'appuient sur un certain nombre de sherpas prestigieux et de défricheuses sérieuses, à limage, pour n'en citer que quelques-un(e)s, des logiquement incontournables Pablo Servigne ou Bruno Latour, des irrévérencieuses McKenzie Wark ou Corinne Morel Darleux, des expérimentées Isabelle Stengers ou Jean-Pierre Dupuy, des spécialistes des littératures de l'imaginaire que sont Ariel Kyrou, Yannick Rumpala ou Jean-Paul Engélibert, des points de vue décoloniaux tels ceux d'Achille Mbembe ou de Felwine Sarr, ou encore des précurseurs Michaël Foessel ou René Thom. Ils ne dédaignent toutefois pas, loin de là, celles et ceux qui s'aventurent aux limites de l'enveloppe des possibles (ou plutôt de l'appréhension de ces possibles) – quitte à provoquer alors des réactions plus sceptiques voire amusées -, voire certains francs charlatans, tandis que les opportunistes des développements personnels millénaristes seront pointés du doigt au passage, et que les agendas à peine cachés des plus enragés des survivalistes apparaîtront en pleine lumière.

Avec la curiosité presque illimitée qui caractérise la constitution de leur corpus de représentations (on appréciera tout particulièrement, pour illustrer superbement le néologisme collapsonautes, l'exhumation d'images – voir ci-contre – issues du film de 1975 d'Artavazd Pelechian, « Les saisons »), associant romans, films, séries télévisées, oeuvres issues des arts plastiques ou des performances théâtrales, publicités, les deux chercheurs nous offrent un travail salutaire à plus d'un titre, tonique et analytique, pour nous permettre, par un chemin différent de celui emprunté par Alice Carabédian et son « Utopie radicale », mais parfaitement cohérent avec celui-ci, de nous défaire de la sidération dystopique, d'aller nettement « par-delà l'imaginaire des cabanes et des ruines », et d'entamer le remontage du futur.

Lien : https://charybde2.wordpress...
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Je suis très déçue par ce documentaire.
Il était censé faire un pas de côté face à l'angoisse de l'effondrement. Finalement, c'est une sorte de dissertation qui reprend les théories existantes.
Mais son plus grand défaut, selon moi, c'est le style. C'est très jargonnant, plein de mots complexes (et je précise que j'ai un bon niveau de vocabulaire), ce qui rend cet ouvrage hors de portée d'un large public.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Le moment actuel nous semble en effet être celui d’un basculement d’époque. Comme on le verra plus en détail dans un chapitre ultérieur, les prédictions d’un effondrement écologique du capitalisme consumériste ne datent nullement de l’été 2018. Notre avenir effondré a été décrit, voire quantifié, depuis plusieurs décennies au sein de cercles minoritaires qui s’attiraient au mieux les réfutations, au pire les sarcasmes des leaders d’opinion et des gens raisonnables. Le basculement actuel tient à ce qu’une accumulation de données de moins en moins réfutables fait pencher de plus en plus de gens raisonnables – à commencer par celles et ceux d’entre nous distingué•e•s par le terme de scientifiques – vers des conclusions de plus en plus préoccupantes sur nos conditions de vie à venir. À force de s’entendre dire que, contrairement aux promesses multiséculaires de la modernité, la vie de nos enfants serait moins prospère que celle de leurs parents, lesdits enfants commencent à descendre dans les rues pour faire de leurs vendredis une école buissonnière qui ressemble à une grève de croissance.
Ce basculement s’écrira ici à quatre mains et à deux générations. Un sortant (58 ans) et un entrant (28 ans) tenteront de comprendre ensemble, l’un par l’autre, ce qu’il peut y avoir à dire et à faire dans ce monde aussi étonnant qu’inquiétant où l’effondrement annoncé fait l’objet de « c♥︎ups de cœur ». L’un de nous, fonctionnaire bien assis, commence à compter les années qui lui restent à vivre, se demandant qui, de son corps ou du milieu, s’écroulera le premier. L’autre, récemment doctoré, commence à se faire un place dans une société précarisée, où rien ne saurait être garanti. Même si le plus âgé a statistiquement moins de probabilités de voir le système actuel s’écrouler de son vivant, nul ne sait lequel de nous deux est le plus préoccupé par la hantise d’un effondrement prochain. Ensemble, nous nous situons à l’articulation centrale de cette « logique sociale de désillusion collective », bien analysée par Luc Semal, « qui se nourrit d’une rencontre inédite entre, d’une part, la génération pionnière de l’écologie politique qui arrive en fin de carrière militante en dressant un bilan à l’arrière-goût d’échec et, d’autre part, une jeune génération primo-militante qui se politise en acquérant la certitude qu’adviendront de son vivant de grandes ruptures écologiques ».
Ni pionniers ni blancs-becs, nous partageons le sentiment de faire partie de deux générations différemment mais communément affectées par cette hantise – deux générations collapsonautes, qui se sentent exposées ensemble au danger d’un délitement traumatique de leur mode de vie actuel, mais qui « veulent surtout apprendre à vivre avec ». Les collapsonautes pensent à l’effondrement, souvent avec angoisse, parfois avec obsession, ils parlent, elles calculent, militent, avertissent, dénoncent, débattent – mais le problème premier des collapsonautes est de parvenir à naviguer ensemble à travers les flots tumultueux des tempêtes présentes et à venir. Davantage que des certitudes à partager, nous avons deux perspectives existentielles à croiser, que nous espérons complémentaires, sur un désarroi commun. De ce partage, nous espérons dénicher quelques principes d’orientation, quelques voies d’avenir navigables et désirables, sur l’océan houleux où nous plongent les désastres environnementaux en cours.
En effet, même si le climato-négationnisme reste vivace (et abondamment financé) dans certains milieux, notre problème le plus grave n’est pas tellement à situer du côté de cercles cyniques ou machiavéliques qui nient activement des menaces que tout semble malheureusement corroborer. Il nous semble plutôt venir de notre acceptation passive de savoirs bien établis, que nous peinons dramatiquement à traduire en actions concrètes qui soient à la hauteur des défis du moment. Pour le dire avec l’humour de McKenzie Wark, il semble désormais avéré que le mouvement politique le plus irrésistible du XXIe siècle – plus puissant encore que tous les populismes dénoncés (et nourris par nos médias de masse – sera le Front de libération du carbone (FLC). Rien ne paraît capable de l’arrêter dans sa progression séculaire exponentielle.
Comment reconnaître que nous allons subir des effondrements en chaîne, sans pour autant nous résoudre au pire ? Comment échapper à la paralysie et à l’inertie, tandis que nous occupons simultanément, ou alternativement, les places du lapin ébloui par les phares et du conducteur grisé par la vitesse ? Comment regarder en face ce qui est sur le point de nous écraser, alors que ce sont nos espoirs et nos rêves de prospérité qui s’effondrent sur nous ?
Davantage qu’à répondre à de telles questions, notre effort visera à les défléchir. En croisant nos regards, nous espérons faire émerger d’autres façons de voir et de penser les effondrements qui nous menacent. Non tant pour les conjurer que pour en esquiver les pires effets – voire pour y trouver des occasions de rebonds salutaires. La sensibilité effondriste, telle qu’elle s’affirme dans le débat contemporain, constituera pour nous un prisme – observé par de multiples perspectives – à travers lequel repérer et discuter les nœuds, les trajectoires et les possibles de notre époque hantée par la question écologique.
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Pour celles et ceux qui ne se complaisent pas dans la nostalgie, le déclinisme ou la fuite en avant techno-souverainiste, le remontage du futur est plutôt à concevoir comme un bricolage artisanal, hasardeux et incontrôlé. Avant de programmer un menu bouffi de bonnes intentions, il commence par compter (sur) les ingrédients et les amitiés qui sont à portée de main, dans un art convivial d’accommoder les restes. Même si un nombre intolérable de Terrestres souffrent actuellement de manques et de maltraitances imposées par les chaînes de montage et d’approvisionnement héritées du Plantationocène, nous avons d’ores et déjà – tou•te•s ensemble – largement de quoi satisfaire nos vrais besoins. Avant de se demander que faire, les commensaux de cette table de remontage du futur chercheront à savoir aux côtés de qui et avec quoi. « Ce qui sera (fait) » dépend de ce que nous avons et partageons avec nos coexistant•e•s – non de ce qui frustre nos rêves de pouvoir.
Ceci est du montage. Le graffiti tagué sur la voiture de Santiago vaut aussi pour l’ouvrage qui s’achève ici, sur la reconnaissance de son évidente incomplétude. Nous avons dû nous mettre non seulement à deux, signataires de ce livre, mais à des dizaines d’auteur•e•s, cité•e•s en chemin, pour nous repérer dans les annonces d’effondrement qui nous entourent, nous habitent et nous hantent. En pratiquant les arts du montage sur ces citations hétérogènes, parfois contradictoires entre elles, nous avons espéré sortir par le haut du plan-séquence de la collapsologie, en multipliant les coupes et les raccords, en diversifiant les focales et les angles de vue, les sensibilités et les croyances – au-delà de toute prétention à la souveraineté individuelle ou collective.
Le livre qui en résulte – notre coup monté – ne prétend qu’à « la richesse d’une précarité qui va de main en main, comme une caresse ». Sa vérité, s’il en porte une, tiendra moins à nos intentions d’auteurs qu’à « ce qui en sera (fait) », qu’à ce qui en sera remonté par la coexistence de nos attentions plurielles. Ce remontage d’un futur commun à nos générations collapsonautes, si étonnamment avides de choisir nos c♥︎ups de cœur dans ce qui nous donne des crises cardiaques, nous poussera à chérir ce qui nous reste, plutôt qu’à regretter (par avance) ce qui nous manquera – à aimer les faiblesses qui nous unissent, plutôt que les souverainetés qui nous enlisent. Nous ne naviguerons par temps d’effondrements qu’en apprenant à faire tenir ensemble nos incomplétudes partagées.
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Pour se lever le matin à 6 h 30 et passer quarante-cinq minutes dans les transports afin de s’enfermer dans un bureau pendant huit heures, il faut « croire » à un certain horizon socioculturel (basé sur le salariat, l’argent, le marché) qui n’est, dans l’absolu, ni évident ni nécessaire. Ce qui, pour certain·e·s, paraît absolument sensé dans le cadre d’une société particulière – du progrès, du travail rémunéré et de la marchandise – peut devenir incompréhensible et opaque, voire totalement absurde, pour celles et ceux qui, du fait de leur immersion en milieu effondriste, ressentent la crise de signification d’un tel univers, et se retrouvent à l’observer depuis l’extérieur.
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Prendre acte de l’effondrement des souverainetés pousse à au moins deux types de gestes pour qui souhaite se tenir du côté des undercommons. Le premier, brillamment esquissé par Fred Moten et Stefano Harney, invite à un partage de nos incomplétudes : le défi consiste ici à « ressentir plus intensément la physique de notre surround, notre esthétique sociale, notre incomplétude partagée ». Ce geste à fortes résonances franciscaines appelle à « libérer nos pensées en détachant ce que nous voulons de ce qui nous manque (want) », pour « habiter ici ». Ce choix de se tenir aux côtés du dénuement ne saurait être légitimement accusé de faiblesse : ce qu’il prône, c’est justement la méfiance envers le culte de la force (individuelle, nationale, compétitive), qui fait le chaudron des fascismes et des intégrismes de tous bords.
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Ainsi se trouve parfaitement résumée une certaine trajectoire dessinée, au cœur du monde occidental, par le progrès technologique, son application industrielle et les connaissances scientifiques qui s’y déploient : celle d’une émancipation des contraintes de nos milieux naturels – pour le meilleur (le confort dont on a profité gaiement) comme pour le pire (les dégradations qu’on a acceptées avec insouciance et qu’on voit avec angoisse revenir plomber notre avenir). Par ce processus, nos sociétés humaines ont pu s’installer au centre du jeu planétaire, reléguant les phénomènes naturels au statut de fond de scène. Le scénario de la crise écologique nous raconte ce qui se passe lorsque ces rapports (de mépris) atteignent un niveau insoutenable et que des spectres reviennent bousculer nos certitudes.
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Vidéo de Yves Citton
Nancy Murzilli invite Pierre Bayard & Yves Citton
Dans l'essai de Nancy Murzilli, la fiction est analysée sous le prisme d'une expérience de pensée. Raconter des histoires, jouer au pirate, interpréter un personnage de théâtre ou un rôle social, faire des projets, mentir, rêver, parler aux fantômes ou aux anges, communiquer avec le règne animal, lire l'avenir dans les tarots ou dans les astres, jeter des sorts, écrire des romans… Souvent perçues comme des échappatoires au réel, ces opérations mentales nous permettent de « savoir » et d'« agir » sans utiliser les moyens ordinaires d'information.
En avril et avec la complicité de la comédienne Anne-Laure Sanchez, Nancy Murzilli tirait les cartes à la Princesse de Clèves. Pour cette deuxième rencontre, elle invite deux « personnages » de son livre, Pierre Bayard et Yves Citton, chercheurs reconnus pour leurs travaux sur les fictions littéraires et sociales.
« Tout écrivain qui a discuté un peu longuement avec un lecteur attentif connaît cette expérience d'inquiétante étrangeté où il se rend compte de l'absence de correspondance entre ce qu'il a voulu faire et ce qui en a été compris. » Comment parler des livres que l'on a pas lus ?, Pierre Bayard
À lire – Nancy Murzilli, Changer la vie par nos fictions ordinaires, Premier parallèle, 2023 – Pierre Bayard, Et si les Beatles n'étaient pas nés ?, éd. de Minuit, 2022 – Yves Citton, Altermodernités des Lumières, Seuil, 2022 – Yves Citton, Faire avec. Conflits, coalitions, contagions, Les liens qui libèrent, 2021.
+ Lire la suite
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