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Critique de ODP31


ODP31
08 février 2023
Sortez les sous-pulls.
Tant pis pour la tête de prépuce mais Crépuscule fait partie de ces romans dont la lecture vous donne l'impression de participer à l'effort collectif d'économie d'énergie.
Y'a pas à dire, Philippe Claudel pourrait faire passer Frank Bouysse pour un Géo du Club Med à Agadir. Prix Mister Freeze 2023. Avec eux, pas de réchauffement climatique.
Ambiance gothico-austéro et gelado dans un bourg isolé d'un Empire d'Europe Centrale. L'époque est non datée mais le récit évoque le temps des archiducs des Balkans, moustaches au balcon, et prénoms avec trait d'union.
Comme si la météo pourrie et les paysages tristes ne suffisaient pas, le curé est retrouvé le crâne fracassé aux abords de l'église. Difficile de faire plus près du seigneur pour un voyage sans escale mais ce fait… d'hiver va rompre l'équilibre fragile qui régnait au sein de la petite ville perdue au milieu de nulle part.
L'enquête est menée par un policier ambitieux et opportuniste qui est dévoré par des pulsions lolitiennes assez nauséabondes et par son adjoint, Baraj, gentil géant qui n'a pas la lumière à tous les étages mais dont l'innocence et la candeur réchauffent le roman. Très rapidement, les autorités locales instrumentalisent le meurtre et attisent les rumeurs qui accablent la petite communauté musulmane du bourg. le bénéfice du doute ne s'applique pas aux étrangers.
Derrière la noirceur policière, le recherche du coupable est presque secondaire. Les fans d'Agatha Christie peuvent continuer leur partie de Cluedo et ignorer ce roman. La force de ce récit ne repose donc pas sur son intrigue mais sur son atmosphère onirique et sur le déchainement de passions que le crime va déclencher au sein de la population. J'ai lu ce livre comme on observe un vivarium, fasciné par la sauvagerie qui s'empare des hommes dans un espace clos. Derrière les apparences de la civilisation, surgissent les démons, comme un tableau animé de Jérôme Bosch. Sacré coup de peinture pour un vendeur de perceuses.
Philippe Claudel ambiance son roman comme un conte lugubre, qui donne l'impression au lecteur de partager un songe cotonneux… ou un lendemain de cuite mais c'est beaucoup moins poétique.
Inutile également d'être pourvu d'un master en voyance option charlatan pour lire entre ces lignes les outrances de notre temps. La morale, c'est qu'il n'y pas de morale dès que les temps se gâtent. Un pour tous et chacun pour soi. Les fantômes du passé sont toujours à l'affût et prêts à s'aérer les draps dès que le sang coule.
Les personnages féminins sauvent un peu la face de l'humanité dans ce roman alors que l'auteur ne désigne les hommes que par un métier ou un titre pour les désincarner ou les emprisonner dans des caricatures.
Si je suis un peu avare d'étoiles, c'est que malgré la précocité du crime, l'installation des personnages traine en longueur et frise la langueur. Il faut attendre les funérailles du curé, déneigeuses du récit, pour que l'intrigue s'anime vraiment, et autorise le lecteur à se passionner pour ces destins oniriques.
Autre petite réserve, les répétitions. Autre petite réserve, les répétitions. Autre petite réserve, les répétitions. C'est pénible non ? Bon, un obsédé, par définition, ressasse ses lubies et a tendance à se répéter mais les montées de sève du policier dégoutent autant qu'elles lassent au fil des pages.
La prose de Philippe Claudel reste très visuelle, les paysages sont raccords avec les personnages, âmes grises au coeur lourd et cet auteur parvient une nouvelle fois à créer une dimension parallèle qui délivre les passions les plus sombres.
La lecture de certaines critiques de presse évoque une dimension cathartique et un imaginaire qui magnifie la profondeur de propos. Mouais, je sais qu'il ne faut pas trop froisser un juré du Goncourt mais pour ma pomme, le sol était trop froid pour que je réussisse à creuser la profondeur du propos.
Bon, on va rallumer la cheminée.
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