AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,74

sur 450 notes
Le dernier Claudel ne m'inspirait déjà pas comme sujet et étant déçue à la lecture de son dernier livre je n'avais pas grande envie de le lire. Mais une critique négative , eh oui , m'a donnée envie d'y aller voir moi-même. Perso j'appellerais ce genre de comportement « maso » quand on a une PAL plus haute que la tour de Babel 😁.
On est dans un pays imaginaire, au début du siècle dernier ?,dans le « trou du cul du monde », où il y a un curé, un imam, des bonhommes aux noms à connotations arabes, slaves, germaniques ( Lev Kako, Ludwig Neubaum…), la tête couverte de toques, de turbans, de chapeaux à rabats,des mines de sel (Pologne ?)…..un minestrone 😁. Donc un pays où Monsieur Claudel n'a jamais mis les pieds 😁. À mon avis déjà mal parti, si on n'est pas dans la SF, ou autres genres similaires. le curé y est assassiné, un « Policier » qui engrosse sa femme chaque fois que ses pulsions sexuelles deviennent incontrôlables même lorsqu'il est en service, s'occupe de l'affaire.

D'emblée j'aimerais préciser que les descriptions sexuelles crues agrémentées des fantasmes pédophiles incessantes du Policier sur une gamine de 13 ans m'ont écoeurée et beaucoup dérangée.On se croirait chez les bêtes, même eux ont plus de dignité et sur cela Claudel est d'accord avec moi, mais dans un tout autre contexte 😁. Il en rajoute avec un Innocent qui montre son sexe à toute occasion, et chaque fois la verge est précisément décrite. Je suis curieuse du pourquoi Claudel insiste sur ce sujet de cette façon immonde, est-ce l'âge 😵‍💫? Un déballage sexuelle bestial qui n'a pas grande importance sinon remplir des pages, et dont il aurait pu largement en économiser même s'il l'utilise ultérieurement à bonne fin. Il se perd aussi dans des descriptions vestimentaires , de paysages ou autres, interminables qui finissent par alourdir la prose. Il essaie d'y mettre de la profondeur avec des détails comme allier un événement avec une fable connue , le cri du Vicaire et la fable du joueur de flûte, où perso je n'ai saisi aucune subtilité. Des réflexions insipides , « …peu lui importait l'intelligence de l'Adjoint, car se penser environné d'idiots permet de savourer sa propre intelligence , qui n'est nullement une valeur absolue tant elle est, fondamentalement, relative. »???? Quand au coeur du sujet de l'histoire, l'intrigue du meurtre prétexte pour traiter des tensions raciales et religieuses manipulées à des fins extrêmement tragiques d' Émigration, de Pouvoir, Dictature, Guerre, Chaos sanglant …., Danger de la folie des masses ( mieux vaut lire Elias Canetti à ce sujet ),”La Vérité efficiente”, l'ensemble largement réduit à des clichés , se noie dans les digressions. Les personnages antipathiques , insipides par commencer par le Policier ,l'Adjoint mi-monstre,mi-poète, le Rapporteur personnage qui arrive comme un cheveu sur la soupe , écrivain sans public,consacrant peu de temps pour son vrai travail pourtant un bonhomme très efficace (???) … les femmes réduites à des proies sexuelles sans importance d'âge , et le ton cynique et froid employé résultent en un livre pénible à lire. Tout y est laid, froid, obscur, repoussant, menaçant, …..Crépuscule , oui ! Ne tient la route que le titre qui correspond à son contenu ! L'idée de départ pourtant semblait intéressante mais l'écrivain en a fait une fable grossière et grotesque, mal ficelée ! Monsieur Claudel entreprend la grande tâche de la révélation de la Vérité par la Littérature , une tâche noble mais qui malheureusement le dépasse largement à mon avis. Car comme dans L'Archipel du Chien , se posant en grand moralisateur , il traite un sujet très grave très superficiellement à travers une fable, l'intoxicant jusqu'à la fin avec l'obsession sexuelle pervers d'un Policier, le personnage central . Il essaie de se rattraper avec une fin en beauté de justice divine et autres, et cela devient encore plus grotesque. A part L'Archipel du Chien, j'avais aimé tout ses livres lus, ici même sa prose m'a saoulée.
Grosse déception !

Un grand merci aux éditions Stock et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre dont je ne regrette nullement la lecture !

#Crépuscule #NetGalleyFrance




Commenter  J’apprécie          13875
Sortez les sous-pulls.
Tant pis pour la tête de prépuce mais Crépuscule fait partie de ces romans dont la lecture vous donne l'impression de participer à l'effort collectif d'économie d'énergie.
Y'a pas à dire, Philippe Claudel pourrait faire passer Frank Bouysse pour un Géo du Club Med à Agadir. Prix Mister Freeze 2023. Avec eux, pas de réchauffement climatique.
Ambiance gothico-austéro et gelado dans un bourg isolé d'un Empire d'Europe Centrale. L'époque est non datée mais le récit évoque le temps des archiducs des Balkans, moustaches au balcon, et prénoms avec trait d'union.
Comme si la météo pourrie et les paysages tristes ne suffisaient pas, le curé est retrouvé le crâne fracassé aux abords de l'église. Difficile de faire plus près du seigneur pour un voyage sans escale mais ce fait… d'hiver va rompre l'équilibre fragile qui régnait au sein de la petite ville perdue au milieu de nulle part.
L'enquête est menée par un policier ambitieux et opportuniste qui est dévoré par des pulsions lolitiennes assez nauséabondes et par son adjoint, Baraj, gentil géant qui n'a pas la lumière à tous les étages mais dont l'innocence et la candeur réchauffent le roman. Très rapidement, les autorités locales instrumentalisent le meurtre et attisent les rumeurs qui accablent la petite communauté musulmane du bourg. le bénéfice du doute ne s'applique pas aux étrangers.
Derrière la noirceur policière, le recherche du coupable est presque secondaire. Les fans d'Agatha Christie peuvent continuer leur partie de Cluedo et ignorer ce roman. La force de ce récit ne repose donc pas sur son intrigue mais sur son atmosphère onirique et sur le déchainement de passions que le crime va déclencher au sein de la population. J'ai lu ce livre comme on observe un vivarium, fasciné par la sauvagerie qui s'empare des hommes dans un espace clos. Derrière les apparences de la civilisation, surgissent les démons, comme un tableau animé de Jérôme Bosch. Sacré coup de peinture pour un vendeur de perceuses.
Philippe Claudel ambiance son roman comme un conte lugubre, qui donne l'impression au lecteur de partager un songe cotonneux… ou un lendemain de cuite mais c'est beaucoup moins poétique.
Inutile également d'être pourvu d'un master en voyance option charlatan pour lire entre ces lignes les outrances de notre temps. La morale, c'est qu'il n'y pas de morale dès que les temps se gâtent. Un pour tous et chacun pour soi. Les fantômes du passé sont toujours à l'affût et prêts à s'aérer les draps dès que le sang coule.
Les personnages féminins sauvent un peu la face de l'humanité dans ce roman alors que l'auteur ne désigne les hommes que par un métier ou un titre pour les désincarner ou les emprisonner dans des caricatures.
Si je suis un peu avare d'étoiles, c'est que malgré la précocité du crime, l'installation des personnages traine en longueur et frise la langueur. Il faut attendre les funérailles du curé, déneigeuses du récit, pour que l'intrigue s'anime vraiment, et autorise le lecteur à se passionner pour ces destins oniriques.
Autre petite réserve, les répétitions. Autre petite réserve, les répétitions. Autre petite réserve, les répétitions. C'est pénible non ? Bon, un obsédé, par définition, ressasse ses lubies et a tendance à se répéter mais les montées de sève du policier dégoutent autant qu'elles lassent au fil des pages.
La prose de Philippe Claudel reste très visuelle, les paysages sont raccords avec les personnages, âmes grises au coeur lourd et cet auteur parvient une nouvelle fois à créer une dimension parallèle qui délivre les passions les plus sombres.
La lecture de certaines critiques de presse évoque une dimension cathartique et un imaginaire qui magnifie la profondeur de propos. Mouais, je sais qu'il ne faut pas trop froisser un juré du Goncourt mais pour ma pomme, le sol était trop froid pour que je réussisse à creuser la profondeur du propos.
Bon, on va rallumer la cheminée.
Commenter  J’apprécie          12612
Premier coup de coeur de cette rentrée d'hiver !

Dans une ambiance d'emblée sombre, où l'inconfort est le lot du quotidien, le froid, l'obscurité, et la menace permanente d'un danger possible, à une époque et dans un lieu que l'on situera progressivement au fil des indices semés dans le texte, l'Adjoint officie auprès de son supérieur, dans une petite ville où les faits graves sont rares. Or, le Curé vient d'être découvert mort dans la rue, et l'observation même rapide de la victime allongée au sol ne laisse planer aucun doute sur la nature criminelle du décès du prêtre. le crime en lui-même est odieux mais de plus il met en place les conditions d'un conflit social aux conséquences potentiellement graves, dans cette communauté où chrétiens et musulmans cohabitent avec prudence.

Les personnages sont particulièrement bien campés : celui du Policier, ambigu, tour à tour figure de la stabilité et de la rigueur puis moins fiable lorsqu'on découvre les démons qui l'obsèdent, et même carriériste et prêt à vendre son âme pour une promotion. Tout cela en fait un être qui suscite toute une palette de sentiments évolutifs. L'Adjoint est beaucoup plus constant dans son comportement, mais ne serait-il pas plus malin que ne le laisse penser le mépris de son supérieur.
Et puis la figure lumineuse de la jeune Lémia, qui a découvert le corps, vient à la fois illuminer les pages et susciter des craintes pour sa sécurité.


D'emblée dès les premières lignes, on est saisi par la force de la narration, à la fois par la façon dont le décor est planté et l'intensité des personnages. On est bien sûr happé par l'intrigue autour de la mort du curé et des conséquence prévisibles mais en filigrane le contexte politique et religieux est passionnant. Ce polar historique à haute valeur littéraire est porté par une écriture sublime, qui rend l'oeuvre très addictive.

Jamais déçue par les précédents romans de Philippe Claudel, celui-ci risque fort de figurer en tête de mon classement personnel, jusqu'au prochain ?


352 pages Stock 4 janvier 2023
#Crépuscule #NetGalleyFrance

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          1124
Avec Crépuscule de Philippe Claudel, nous voilà dans un village d'une province reculée située dans un empire imaginaire qui ressemble un peu à l'empire austro-hongrois, au début du XXe siècle.
L'histoire se déroule en hiver, sous un climat rude, un hiver qui semble sans fin.
Ce village presque arriéré est composé d'une majorité de chrétiens 1378 habitants et d'une petite communauté musulmane qui compte cinquante-quatre âmes, les deux religions cohabitant pacifiquement.
Deux enfants découvrent un cadavre, celui du curé retrouvé la tête fracassée par une pierre. Aussitôt la tension devient palpable…
Le binôme, constitué du capitaine Nourio aux pulsions sexuelles récurrentes et de son adjoint Baraj, deux hommes plutôt mal assortis aussi bien physiquement que moralement, est chargé de l'enquête.
Mais que peut-il se passer lorsqu'un prêtre, celui qui incarne la religion dominante d'un village, un de ses membres éminents, est assassiné ? C'est à cette question que tente de répondre Philippe Claudel.
L'auteur nous offre avec Crépuscule, à la fois un roman policier, un roman psychologique, un roman social, un roman noir, très noir, mais surtout, sous l'aspect d'un roman historique, un roman qui nous parle d'aujourd'hui.
Alors que de l'autre côté de la frontière, se trouve un pays dont la bannière est ornée d'un croissant d'or, bouillonnant de force vive, il est intéressant de voir, comment cet Empire qui commence à décliner, à s'éteindre, va prendre le prétexte de ce fait divers sanglant pour éradiquer de son sein cette petite communauté musulmane, naissante mais active, et la massacrer.
On assiste à la faveur du meurtre du curé, à la montée de la violence, de la haine, dans un engrenage irréversible et on découvre le comportement abject et corrompu du Maire, du Rapporteur de l'Administration, du Notaire, du Conservateur des archives, des trois Maîtres d'école, du Receveur, etc... Une scène de chasse à l'ours particulièrement épique met en avant leur complicité.
Impossible de ne pas voir dans ce mécanisme de la haine qui se met en place et cette recherche de bouc-émissaire des échos avec la période dans laquelle nous vivons, où on instrumentalise certains faits que l'on retourne, détruisant ainsi la vérité historique pour aller dans la direction souhaitée.
Dans Crépuscule, Philippe Claudel ne se borne pas à écrire une énigme policière, il raconte la fabrique d'une contre-vérité, une mécanique millénaire tellement actuelle, à savoir, trouver un ennemi commun, ce qui va souder la communauté.
Comme avec le rapport de Brodech, La petite fille de Monsieur Linh, Les âmes grises (Prix Renaudot 2003) ou L'archipel du chien, je me suis à nouveau régalée avec la lecture de ce roman magistral et envoûtant, à l'atmosphère terriblement inquiétante, qu'est Crépuscule. de suspens en rebondissements, il m'a tenue en haleine du début à la fin, fascinée par ce questionnement on ne peut plus d'actualité.
Dans ce monde crépusculaire qui est décrit, le texte très visuel de Philippe Claudel permet une magnifique approche des personnages, des animaux et de la nature.
Les personnages sont solidement dépeints et leurs caractères finement analysés.
Si j'ai trouvé trop présentes et répétitives les pulsions sexuelles de Nourio, j'ai beaucoup apprécié son Adjoint, ce géant maladroit et méprisé par son Capitaine, déjà maltraité et moqué dans son enfance, le seul à ne pas courber l'échine, poète à ses heures mais dont les vers s'effacent au fil de leur création…
Crépuscule de Philippe Claudel est une sorte de fable politique, une réflexion remarquable, profonde et troublante, sur la nature humaine et sur la fabrication de la vérité historique.
De ne pas nommer précisément, ni le lieu où se déroule l'histoire, ni l'époque à laquelle elle se déroule, est une manière d'élargir le propos et de le rendre universel, une manière de dire : cela pourrait se passer ailleurs, aujourd'hui ou demain… Inquiétant...

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          928
Qui a tué le curé que deux enfants viennent de découvrir en cette nuit d'un hiver glacial ?

Personne ne sait, mais la rumeur jette l'opprobre sur la communauté musulmane dont l'un de ses membres affolé s'enfuit … amplifiant les soupçons … car une fuite n'est elle pas un aveu ?

Aux médisances succèdent les incivilités puis les agressions … qui font place nette.

Savoir qui a tué le curé n'a aucune importance car la vérité, dans l'empire, doit être efficiente et répondre aux voeux (aux ukases) de l'empereur et de ses gouverneurs. Et ceux ci apprécient les fonctionnaires dociles, serviles, prêt à tout pour gagner une décoration, une promotion, une invitation à une chasse et contrôler un peuple espionné par les « mille oreilles » d'un big brother orwellien : « L'Empire qui était un monstre à 100 têtes et à 100 corps savait que du contrôle de la moindre de ses provinces reculées dépendait sa survie. Aussi, les élites qui le gouvernaient avaient-elles favorisé depuis des temps anciens des canaux de surveillance reposant d'une part sur les structures feuilletées de l'administration, mais aussi sur une entité plus officieuse baptisée, on ne sait par qui, les Mille Oreilles, grâce à laquelle était écouté et transmis tout ce qui pouvait se dire dans les bavardages des rues, les cafés, les marchés les ports ou le réseau encore embryonnaire des chemins de fer. »

Débutant comme un polar, ce roman dérive vers un essai politique sur la mort des empires, l'emprise de la pensée unique, et la stigmatisation des indésirables ; vaste programme !

Mais l'intrigue souffre de longueurs, sombre dans le manichéisme en encensant les musulmans et en vilipendant les chrétiens et se délecte des viols du policier pédophile. D'où une déception d'autant plus grande que les romans précédents de Philippe Claudel m'avaient enchanté et comment apprécier une intrigue dont aucun acteur n'est sympathique ?
Commenter  J’apprécie          917
En se plongeant dans ce conte cruel qui sonde la noirceur des hommes, Philippe Claudel nous entraîne sur des chemins d'abîme avec un réel talent de conteur. J'aime la prose et l'imagination de l'auteur et j'avoue avoir pris beaucoup de plaisir à dévorer cette histoire sombre.
Tout commence par un meurtre, celui du vieux curé d'une ville reculée dans une Province perdue aux confins de l'Empire. du nom de cette cité et de son pays, on n'en saura pas plus, tout au plus qu'ils se situent dans les Balkans.
Qui a bien pu tuer le curé Pernieg dans une ville où chrétiens et musulmans vivent en harmonie ? C'est le Policier Nourio, et son adjoint, un bon géant plutôt naïf, qui sont chargés de l'enquête.
Très vite, on s'enfonce dans les turpitudes des hommes. Et si ce crime réveillait de mauvais démons, comme le craint l'imam ?
Les personnages sont pour la majorité, des hommes : notables, religieux, petits nobles, représentants zélés de l'Administration Impériale. On s'épie, on s'observe, on feint de bonnes relations mais dans les têtes bouillonnent vanité, vices et désir de puissance.
Les femmes quant à elles, sont peu représentées. On croise l'épouse du Policier, d'elle on ne connait pas le nom mis on sait que, chargée d'une nombreuse marmaille, elle doit subir en femme soumise les coïts frénétiques de son époux. Et puis il y a Lémia, la jeune fille qui a découvert le cadavre et reste le seul témoin du crime. La féminité naissante de cette fillette à l'âme pure et au sourire de madone éveille les bas instincts du Policier.
Et puis, il y a l'hiver, rude, long, trop long, qui façonne le caractère des habitants et les pousse à s'enfermer chez eux. La « rudjia », mélange de brouillard, neige et grésil, est suffocant.
« Ce météore singulier a aussi pour effet de rouler sans fin les pensées des hommes dans la plus poisseuse des morosités, et les enferme à double tour dans la prison angustiée de leur crâne, sans possibilité jamais de les voir s'en échapper. »
Dans cette atmosphère glaciale et angoissante, on suit les soubresauts de l'enquête qui va errer et s'infléchir pour s'accorder avec la vérité prônée par l'Empire tout puissant.
L'humour n'est pas absent de cette sombre épopée, et on y trouve une partie de chasse digne de Tartarin de Tarascon, rôle endossé par le Policier embringué bien malgré lui dans une chasse contre celui qu'on ne nomme pas : le « puissant aux mains griffues », le « grogneur », le « lécheur de miel »
« Crépuscule » est une fable effroyable qui raconte les arrangements de l'Histoire avec la vérité, la déchéance d'une humanité cupide et veule et l'exaltation des âmes pures. La puissance évocatrice de l'écriture de Philippe Claudel sert à merveille ce grand roman que j'ai adoré.



Commenter  J’apprécie          884
Mon premier coup de coeur de l'année ...
Le nouveau roman de Philippe Claudel est dans la même veine que le Rapport de Brodeck, ce magnifique et bouleversant roman, publié en 2007 .

Une bourgade aux confins d'un empire que l'on imagine être l'Autriche-Hongrie à la veille de grands chamboulements , vit tranquillement , n'ayant principalement à déplorer qu'un temps hivernal long et glacial la coupant pendant de longs mois du reste du monde.

Cette relative quiétude est brusquement interrompue par le meurtre du curé . le policier, Nourio, un homme orgueilleux, arrivé d'une autre province voit là l'occasion de montrer son savoir-faire et par là même prendre la place de son supérieur plus âgé , mais qui pouvait en vouloir au prêtre dont le cadavre a été découvert par Lemia, une jeune fille de 13 ans et son petit frère, l'enquête s'avère difficile et piétine

La petite communauté musulmane qui jusque là vivait pacifiquement au coté des catholiques s'inquiète car en l'absence de coupable évident , tous les regards se tournent vers elle et les actes de malveillance, les propos désagréables et les brimades prennent peu à peu de l'ampleur.

Nourio , le policier , s'il a un sens du devoir développé , se laisse malheureusement mené par des pulsions sexuelles irrépressibles qui prennent souvent le dessus et la jeune Lemia devient l'objet d'une obsession maladive .
Lemia est le seul personnage féminin avec la femme du policier , Lemia est l'image même de la pureté à cette période si particulière où elle sort de l'enfance sans se sentir femme mais déjà l'objet des convoitises mâles, alors que la femme du policier représente , elle, toutes les femmes soumises .

Il est secondé par l'adjoint, Baraj, un homme doux, un bon géant, que l'on prend pour un être à l'intelligence limitée mais qui a dans sa tête des bouts de poèmes qui passent comme des nuages qu'il ne peut retenir , qui aime la propreté, la nature et ses deux chiens, Mes Beaux.
Alors que le policier sent bien que la haine monte envers la communauté musulmane et tente , par un subterfuge de désigner un coupable pensant ainsi mettre fin à l'orage qui gronde, il reçoit des ordres supérieurs pour protéger à tout prix les intérêts de l'Empire . Il découvre , à sa stupéfaction, qu'il n'est lui-même qu'une marionnette et que les masques des notables qu'il côtoyait, pensant faire partie de leur milieu, tombent.

Crépuscule est sous une forme romanesque une parabole de notre histoire récente . On assiste à la fabrique de la vérité , vérité officielle ou efficiente comme elle est appelée dans le roman, celle qui arrange le plus grand monde et d'abord le pouvoir et qui modèle L Histoire à son bénéfice, effaçant par son silence les massacres de communautés minoritaires qui servent bien souvent de bouc émissaire.
Et si on se penche un peu sur-soi-même, n'a t'on pas tendance à arranger la vérité à notre avantage, à accuser l'autre, l'étranger , ou le "différent" d'être à l'origine de nos tracas, c'est tellement plus simple que d'affronter nos erreurs ou nos limites ...

Un grand roman avec la plume si reconnaissable de Philippe Claudel , une alchimie superbe des mots , une écriture élégante, pleine de force qui entraine le lecteur dans le maelstrom de l'Histoire ancienne pour mieux dénoncer notre époque et ses travers . Un coup de coeur vous dis-je !

Je remercie vivement NetGalley et les Éditions Stock

#Crépuscule #NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          6313
Je ne sais pas quoi dire. J'ai peur de mal exprimer mes pensées. Ce livre est d'une telle beauté.
Les idées qu'il transporte d'une grande réflexion sur l'Homme et sur L Histoire. Sur la place de celui-ci et sur l'écriture de celle-là.
Je ne veux pas me tromper. Je veux vous inciter à parcourir ce roman, qui pour moi, est de la même veine, de la même trempe que le rapport de Brodeck. Si j'ai pleuré à la fin de ce roman, c'est parce que je savais qu'ailleurs Brodeck subirait les mêmes avanies. Et si j'ai pleuré à la fin de ce roman-ci, c'est parce que quelque part il peut y avoir de la bonté.

La vie, la mort, les hommes. Les hommes et leurs envies de grandeur, de pouvoir. Les hommes et leur lâcheté, leur haine, leur noirceur. Il y a tout cela dans Crépuscule. Mais il y a aussi des petits bouts de poésie, des petits bouts d'amour, des petits morceaux de bonheur.

Un univers très pictural de froid et de brouillard, une époque et un lieu embrumés eux aussi, et des personnages bien campés et stéréotypés teintent ce roman d'une touche d'onirisme. Mais ne vous y fiez pas, ce roman parle bien de nos sociétés actuelles avec la montée du racisme, la négation de génocides, la force de la religion ou son rejet, la perversion de certains dirigeants, la vérité et le mensonge comme armes de manipulation…

Un roman puissant qui se lit comme un conte. Mais attention à « il était une fois » !


Quelque part aux frontières de l'Empire, le mal est arrivé : le curé Pernieg a été assassiné. Et cette petite communauté, où chacun se connaît et tolère l'autre, est en proie au doute. Un doute distillé par des paroles se voulant anodines, mais accusant l'autre. Cet autre de confession différente.
Et voilà Nourio, notre policier gonflé d'orgueil, et de frénésie sexuelle, qui va enfin pouvoir montrer l'étendue de son intelligence grâce à cette affaire remarquable. Mais si l'enquête piétine, il va quand même devoir faire face à une certaine vérité…
Commenter  J’apprécie          5619
Voilà un roman que je referme le coeur gonflé et comme pris dans un barbelé rouillé.
Dans une petite bourgade nichée près de la Frontière de l'Empire, le Curé a été assassiné en pleine rue par une nuit de neige. le Capitaine et son Adjoint se chargent de l'enquête, mais ce meurtre suscite des tensions, entre les communautés chrétienne et musulmane qui vivaient jusqu'alors en paix, que semblent encourager les autorités impériales. Tout cela va mal finir.

Je sors meurtrie mais éblouie de cette lecture. Philippe Claudel y ravive l'écho douloureux du "Rapport de Brodeck". J'y ai retrouvé la même vilénie des hommes traversée d'éclairs de pureté, et l'étrange onirisme d'un lieu perdu dans un temps enfui. Dans cette ambiance de conte cauchemardesque, qui se situe au coeur d'une vieille Europe virile et brutale à l'orée du XXe siècle, l'auteur sonde les âmes. Celle, noire et puante du Capitaine, et celle, lumineuse et gracieuse de l'Adjoint ; mais toutes deux torturées, car Claudel ne se limite pas à dépeindre grossièrement ses personnages : il les nuance avec une humanité qui tord le ventre.
En outre, l'auteur instaure dès les premières pages une atmosphère pesante -on SAIT que quelque chose de terrifiant va arriver (mais quoi ? quand ? comment ?), et on craint le pire à chaque chapitre -suspense anxiogène. Encore traumatisée par le "Rapport de Brodeck" (pourtant lu il y a plusieurs années), j'appréhendais cette lecture, et elle m'a effectivement mise (très) mal à l'aise, mais j'étais également émerveillée par la beauté de l'écriture qui nimbe les paysages et certains protagonistes ; des lambeaux de poèmes aussi. Et puis, j'ai adoré les noms bizarres des personnages : Krashmir, Pakmur, Baraj, Hkanka..., et la façon de les appeler par leur fonction : le Rapporteur, le Policier, le Vicaire..., qui renforcent l'impression de fable pour grands enfants punis. Enfin, comment résister à des phrases telles que : "La vie est une si étrange aventure que pour la supporter certains d'entre nous ont besoin de se convaincre qu'elle possède un sens. Chacun fait comme il peut : agrégats d'atomes, nous nous croyons bien trop souvent physiciens alors que nous ne sommes que matière." Amen.
Cependant, malgré son extrême dureté, le récit n'est pas exempt d'humour -redoutable, certes, mais qui permet de reprendre un peu son souffle aux dépens d'un Evêque ou d'un Maire. Tout n'est pas si désespéré.

J'ai donc immensément aimé cette histoire affreuse narrée d'une manière aussi magnifique. Je l'ai trouvée parfaite à tous points de vue, un diamant aux bords ébréchés et coupants, qu'on ne peut lire sans souffrir. Je vous invite néanmoins à pénétrer à votre tour dans cet envoûtant "Crépuscule" des hommes.
Bon voyage à vous, bon courage surtout ! Vous en serez largement récompensés, je vous le promets.
Commenter  J’apprécie          5419
Crépuscule, c'est la fin de la journée mais c'est surtout la fin de ce roman. Une très belle fin au regard de cette atmosphère si lourde et glauque. D'ailleurs, de ce roman, je n'ai aimé que les 10 dernières pages. C'est embêtant pour un livre d'un peu plus de 500 pages.
Autant vous dire que ma lecture fut un vrai calvaire mais j'ai persévéré, espérant trouver dans ce roman ce qui m'était apparu comme un coup de génie dans le rapport de Brodeck.
En vain...
Le personnage de Nourio, le Policier, est bien trop présent pour moi. Alors qu'il est détestable au possible. J'aurais tant aimé que l'auteur s'attarde plus longuement sur des personnages comme Baraj, son Adjoint, géant doux et poète. Ou alors qu'il donne plus le point de vue de Lémia ou de la femme de Nourio. On ne comprend qu'à la fin pourquoi il ne l'a pas fait. Mais, bon, ce fut bien trop long à venir !

Car, cette histoire est avant tout celle des Hommes. Des hommes et de leurs plus mauvais penchants. Ambition, égoïsme, sectarisme, lubricité... J'en passe et des meilleurs... C'est bien simple, dans ce roman, les animaux passent pour des anges en comparaison au genre humain.
Ce n'est pas pour me déplaire. J'ai toujours considéré les animaux de façon bienveillante. Mais, tout de même, lire ce roman, c'est se décourager de croire en tout ce qu'il peut y avoir de beau dans l'humanité.
C'est trop démoralisant !

De toutes façons, j'ai toujours préféré l'aube au crépuscule.
Commenter  J’apprécie          420




Lecteurs (1003) Voir plus



Quiz Voir plus

Philippe Claudel

Philippe Claudel est professeur. Auprès de quel public particulier a-t-il enseigné ?

des aveugles
des prisonniers
des immigrés

5 questions
147 lecteurs ont répondu
Thème : Philippe ClaudelCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..