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Critique de Gruizzli


Maudits sauvages est le premier roman que j'ai lu de Bernard Clavel. le dernier de sa saga le royaume du nord, mais qui peut être lu de façon indépendante comme la plupart des autres. Cependant, la lecture des autres livres rajoutera une autre dimension à l'ouvrage, puisque nous découvrons ici les amérindiens qui étaient absents de tout les premiers livres. Et c'est justement ce qui frappe d'autant plus.

La lecture de ce livre m'a fait aimer Bernard Clavel, parce qu'il parle toujours à sa façon de choses qu'il aime en y laissant traîner le spectre de la réalité. La plupart de ses livres finissent par la mort, qui est toujours là pour tout le monde. Mais la plupart de ses livres parlent aussi et surtout de la vie. Ces morts finales ne sont que là pour souligner l'importance d'autant plus grande du reste. Et l'écriture de Bernard Clavel est puissante, elle se permet de nous faire ressentir pleinement la vie et le monde. Il y a dans son oeuvre un véritable talent de conteur, d'ensorceleur. Et que j'aime ça ...

Bernard Clavel est aussi un homme qui aime la nature. Non pas pour sa bonté, puisqu'il se permettra souvent de nous rappeler sa cruauté involontaire, son injustice ou sa force, mais pour souligner sa beauté. Et pour nous montrer à quel point l'homme doit y être sensible.
Lorsque j'ai lu ce roman, je ne connaissais rien du style de l'auteur et je me suis contenté de le lire, sans rien savoir. J'ai été happé alors par les descriptions qu'il nous fait du grand nord Canadien, de ces espaces semi-sauvages et de cette faune et cette flore. Il parle avec amour d'un cours d'eau, nous décrivant ce qui s'apparente à un personnage du récit. Si les descriptions vous barbent, ne tentez même pas la lecture : elles sont nombreuses et forment le coeur du récit, puisque avant tout ce sera la mise en avant de ce monde, de ce paysage. Et une fois le décor planté, il introduira l'humain.

L'humain ici, c'est l'amérindien. Ce natif, celui qui était là avant nous et qui aujourd'hui encombre. Il encombre les tribunaux, à cause des lois, mais aussi le terrain, où l'on voudrait pouvoir faire quelque chose de moderne. Il encombre aussi les esprits, avec une image qu'il a donné, peut-être vraie peut-être fausse, mais qu'il n'a pas voulu. Et tout cela passera par la figure du chef des Wabamhigans, Mestakoshi. Lui sera le dernier à se dresser face à cela, à montrer la voie qu'ils ont toujours emprunté. Mais aussi à revenir sur les erreurs, à montrer que si le passé ne revient pas, on peut au moins le regarder avec lucidité.
Ce roman est une déclaration d'amour à ces peuples, mais avec une justesse de propos assez remarquable : Bernard Clavel ne se contente pas de faire un plaidoyer larmoyant expliquant leur disparition, il nous la fait ressentir. Il nous met dans la peau de ces amérindiens dont la société va disparaitre, et qui a aujourd'hui disparu. Rien ne sera manichéen, et il suffira de constater la réalité de ce monde.
Ce livre m'a fait poser beaucoup de questions : sur nous et sur notre société en premier lieu, mais aussi sur eux et leurs société. Qu'avaient-ils donc pour qu'aujourd'hui ils soient si encensé par les mouvements new age ? Pourquoi est-on si peu objectif à leurs propos ? Quelques éléments de réponses se trouvent dans ce livre, et j'ai beaucoup aimé la tendresse qui se dégage de ces pages, la mélancolie face à un monde qui disparait.
A ces égards, le titre est évocateur : les sauvages maudits, c'est ceux que l'on ne veut plus, qu'on encourage à disparaitre, mais aussi ceux qui sont victimes d'une malédiction, qui disparaissent sans que l'on ne puisse rien y faire. Et le terme "sauvage" est lourd de sens, face à celui de "civilisé". Et pourtant, Bernard Clavel nous montre un monde sauvage dans lequel ils sont à leurs place, à contrario d'un monde civilisé qui les prive de leurs vies et de leurs énergie. Des masses d'indiens assis devant un supermarché et jouant au loto est-elle la résultante d'une civilisation selon nous ?

A travers ce livre, Bernard Clavel nous parle d'une disparition, de la fin d'un peuple. Et ce thème est l'un de ceux qu'il abordera souvent. Ses personnages sont souvent les derniers d'un peuple, d'un métier ou d'un endroit. Il raconte à travers beaucoup de ses livres la fin des campagnes françaises, la disparition de métiers et de façons de vivre. C'est un auteur qui a un amour pour un monde en voie de disparition, et cela se sent dans chacun de ses livres. Celui-ci touchera surement plus parce que le sujet est plus intéressant aux yeux de beaucoup de monde, et justement cela m'interroge : pourquoi est-ce plus intéressant lorsque c'est plus éloigné ? La disparition des amérindiens semble avoir plus d'impact que celles de nombreuses civilisations qui existaient chez nous et qui sont également remplacées aujourd'hui par une "civilisation" résolument moderne. Et cela me fait réfléchir à tout ce qui est perdu chez nous aussi, et que ce livre met en lumière parce qu'on le voit mieux chez les autres. Encore une histoire de paille et de poutre, tout ça ...
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