L’esprit est le premier à vieillir mais le dernier à mûrir.
Les rois livrent leurs guerres, et les marchands leurs marchandises.
- Je ne sais plus que croire. Qu’est-ce qui te semble le plus probable : que deux Tisserands soient en lice pour les Terres du Devant ou qu’un seul, le nôtre, tire les ficelles des deux côtés ?
Yaella prit le temps de réfléchir. Aucune de ces deux hypothèses ne tenait franchement debout, toutes les deux lui paraissaient vaguement possible.
- Que devons-nous faire ?
- Je ne sais pas. Je n’ai pas envie de courir le risque d’en parler au Tisserand mais, s’il a un concurrent, il devrait en être informé.
- A toi l’honneur, fit-elle.
- Lâche, répondit-il en souriant.
Les circonstances, les difficultés ou les excuses m’importent peu. Nous faisons partie d’un grand, d’un important mouvement, un mouvement capable de balayer les Eandi hors des Terres du Devant et de mettre enfin un roi qirsi au pouvoir. Notre peuple rêve de ce jour depuis celui où nous avons posé les pieds sur ce royaume. Il y a neuf siècles, la trahison d’un homme nous a condamnés à la persécution et à l’esclavage. Aujourd’hui encore, comme toi, les nôtres sont contraints de servir ou divertir des hommes aux capacités limitées. Aujourd’hui encore, les Tisserands vivent dans la peur d’être découverts et exterminés. Tout cela à cause de Carthach, le traître. Depuis les Anciennes Guerres, nous n’avons jamais été aussi prêts de réaliser notre rêve. Et pourtant, aujourd’hui même, l’échec d’un seul d’entre nous, homme ou femme, peut tout remettre en cause. Je me fiche des circonstances. Les difficultés ne m’intéressent pas. Chacun d’entre nous a une mission. La destinée de notre mouvement, son succès reposent entre les mains de tous.
- Ces morts sont injustes, fit le garçon en secouant la tête.
- De quoi parlez-vous ?
- Je l’ai frappé dans le dos, répondit Xaver en regardant le Qirsi. Et vous avez tué un homme désarmé. Ce n’est pas comme ça qu’on fait.
- Xaver…, soupira Fotir en fermant brièvement les yeux avant d’aider le jeune homme à se relever, nous ne sommes pas dans un tournoi. C’est la guerre. On tue comme on peut, et on fait ce qu’il faut pour rester en vie.