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Critique de annie


Trouvé un INÉDIT Par John Maxwell Coetzee
Possible que cela intéresse d'autres "fan"...


Décoloniser le roman
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Ce texte de John Maxwell Coetzee, inédit en français, a été publié par la revue Upstream, Rondebosch, Afrique du Sud, 1988.

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Je voudrais parler du roman et de l'histoire dans l'Afrique du Sud d'aujourd'hui, et en particulier de ce qui me semble une tendance, une tendance forte, peut-être même dominante : placer le roman en dessous de l'histoire, lire les romans comme ce que j'appelle vaguement des investigations imaginatives des véritables forces et des véritables circonstances historiques ;

et inversement traiter comme manquant de sérieux les romans qui ne se livrent pas à ce travail d'enquête (...).

En des temps de pression idéologique intense comme aujourd'hui, lorsque l'espace au sein duquel le roman et l'histoire coexistent ­ comme deux vaches dans le même pré, chacun s'occupant de ses propres affaires ­ se réduit à presque rien, le roman, me semble-t-il, n'a que deux options : la complémentarité ou la rivalité. Si le roman entend fournir indirectement au lecteur des expériences de vie de première main dans une période historique donnée en exprimant des forces en lutte à travers des personnages en lutte et en remplissant notre expérience grâce à une certaine densité d'observations, si tel est son but, pour le reste ­ pour ce que j'appellerai sa structuration principale, en fonction de son modèle historique ­, sa relation à l'histoire est de toute évidence une relation secondaire.

Que signifierait, par contraste, un roman qui occuperait une place autonome, que je définis comme rivale de l'histoire ? Il s'agit (...) d'un roman ayant ses propres règles, ses propres thématiques dans le cadre de propres conclusions, pas d'un roman qui fonctionne selon les règles de l'histoire et aboutit à des conclusions qui peuvent être vérifiées par l'histoire (comme le travail scolaire d'un enfant est vérifié par la maîtresse d'école).

Je pense à un roman qui élabore ses propres paradigmes et ses propres mythes, dans un processus (et c'est peut-être le point où commence la véritable rivalité, voire l'hostilité) qui va jusqu'à démasquer le statut mythique de l'histoire ­ autrement dit, démythifier l'histoire. Puis-je être plus explicite ?

Oui : un roman prêt à se bâtir en dehors des termes de lutte des classes, de conflit racial, de bataille des sexes ou de toute autre opposition à partir desquelles l'histoire et les disciplines historiques se construisent.

Pourquoi un romancier ­ moi-même ­ parle-t-il ici en termes d'hostilité au discours de l'histoire ? Parce que, comme je le suggérais plus haut, en Afrique du Sud la colonisation du roman par le discours historique avance à une vitesse alarmante.
C'est pourquoi je m'exprime ­ pour utiliser une image ­ en tant que membre d'une tribu menacée par la colonisation, une tribu dont certains membres ont été trop heureux ­ et c'était leur droit ­ d'embrasser la modernité, d'abandonner leurs arcs et leurs flèches ainsi que leurs huttes et d'emménager sous la voûte spacieuse des grands mythes historiques.-

source : http://www.monde-diplomatique.fr/2003/11/COETZEE/10662

autre site que j'aime assez :
http://www.librairie-compagnie.fr/afrique-sud/auteurs/coetzee.htm
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