J'avais adoré
La tresse, 1er roman de
Laëtitia Colombani. J'ai tout autant apprécié
Les victorieuses. Ce livre m'a bouleversée.
Emportée dès les 1ères lignes par la simplicité de son écriture, j'ai suivi l'histoire de Solène, brillante avocate. le roman débute lorsqu'à l'issue d'un procès perdu, son client décide de mettre fin à sa vie. Burn-out. Ce petit roman raconte la lente reconstruction de Solène.
Selon les conseils de son psychiatre, il faut sortir de soi, s'intéresser aux autres, faire quelque chose pour les autres, se sentir utile. Elle tombe justement sur une petite annonce : assurer des permanences dans un foyer pour femmes en tant qu'écrivain public.
Les débuts sont âpres ; le foyer, c'est un monde dont elle ne connaît pas les codes, elle, petite fille privilégiée par la vie. Ces femmes au destin douloureux la déroutent tout autant que leurs premières demandes insolites. Désillusions, doutes, envie de fuir... elle apprivoise ce monde, cette précarité, cette misère qui malgré toute la souffrance contenue, va l'aider à panser ses blessures intérieures et va lui permettre de se réaliser. "Si Solène avait connaissance, intellectuellement, de cette réalité, elle vient de la prendre en pleine face aujourd'hui, au milieu du palais."
Des fragments de vies abîmés sont offerts : Binta et la reconquête de son fils laissé en Guinée, Cvetana et la reine d'Angleterre, Viviane la tricoteuse, Renée la dame aux cabas, Iris et sa lettre au prof de zumba et enfin la colère de Cynthia, l'écorchée vive si ...
Malgré toute cette misère, la sororité se hisse et ressort Victorieuse, enfin pas pour toutes. Mais peut-on parvenir à sauver tout le monde ?
Eprouver l'émotion des autres permet à Solène de reprendre possession de son corps, de ses emotions, de sa vie.
Enfin il y a Lily, la sans-abri en bas de chez elle : des mots justes pour décrire le regard de la société ... notre regard : "Aborder la jeune sans -abri, cela veut dire créer du lien, ouvrir la voie de l'empathie. engager la discussion, c'est reconnaître l'autre dans son humanité. [...] Elle se sent honteuse de ne pas franchir ce pas. Elle aimerait trouver des excuses, prétendre qu'elle est pressée [...] Ce n'est pas vrai. Ce qui la retient, c'est autre chose, un sentiment qu'elle a du mal à nommer: la crainte de se sentir obligée. [...] de l'ouverture à la fermeture de la boulangerie, elle se tient là, à genoux, sur le pavé. A genoux, comme une pénitente. Comme une condamnée.
Une femme dans la rue, cela devrait choquer le monde entier. Cela n'émeut personne, ou si peu."
Parallèlement à la vie de Solène, on suit également l'histoire de Blanche et Abin Peyron, couple qui a oeuvré corps et âme, dans les années 20, pour créer ce foyer afin d'aider et de protéger les femmes qui se retrouvent dans la rue ; ce foyer dans lequel Solène assure des permanences.
Qu'importe si ce roman comporte quelques clichés, tout est si bien écrit, exprimé avec simplicité, avec vérité. Ce livre, c'est la philanthropie à l'état pur, une "ode à la sororité." C'est un livre qui fait du bien car il met en lumière des valeurs éloignées de notre société individualiste.