Jeffrey Colvin a effectué vingt années de recherches pour mener à bien son projet littéraire. Ce dernier se voulait particulièrement intéressant et instructif : mettre en lumière la petite communauté urbaine afro-canadienne du quartier d'
Africville, située pas très loin d'Halifax en Nouvelle-Ecosse. Fondée au milieu du 18ème siècle par des descendants d'esclave affranchis voire des Marrons et d'autres personnes originaires de la Jamaïque, ce livre possédait tous les atouts pour captiver l'attention de celle ou de celui qui s'intéresse à l'histoire de ses semblables.
L'Histoire débute en 1930 à
Africville. A cette époque, les femmes noires ne peuvent prétendre qu'à des emplois de domestique, quant aux emplois des hommes, ce n'est guère mieux. La vie pourtant s'organise sans l'eau courante, sans l'électricité mais un grand sens de la solidarité comme des commérages structure ce village. La petite communauté prie à l'église baptiste tenue par le révérend Steptoe. Aucun service public ne dessert
Africville, bien au contraire, c'est à
Africville que se construisent un abattoir, un dépôt d'ordures, en un mot, tout ce que ne souhaite pas supporter la communauté blanche.
Kath Ella Sebolt naît en 1918. Dès son plus jeune âge, elle désire ardemment enseignée, il n'est pas question que sa destinée s'arrête à
Africville. Devenue femme, Kath Ella se retrouve enceinte de son flirt Omar qui décède dans un accident de camion. Seule avec son petit garçon à la peau blanche, prénommé Omar, elle fait la connaissance, à Montréal, de Timothée, canadien blanc et si j'ai bien compris d'origine italienne, qui adopte l'enfant sous le nom d'Etienne Omar Georges Peletier. C'est le récit de cette lignée sur trois générations que nous relate l'auteur. le lecteur suit ensuite l'existence d'Etienne qui se passe aux Etats-Unis, en Alabama, juste au moment où le combat pour les droits civiques des noirs fait rage. Adepte du « passing », (se faire passer pour blanc lorsque l'on est noir). Il efface de sa mémoire sa branche maternelle. Il donne naissance à Warner qui lui, découvrant ses origines, part en quête de son identité et cherche à se réconcilier avec sa famille maternelle.
On peut aisément imaginer les sujets qui vont être abordés, le racisme, le passing, la quête identitaire et de ses racines, la peur de la discrimination, la difficulté de trouver sa place, quelle place le regard des autres vous assigne-t-il, pour les blancs vous êtes noir, pour les noirs, vous êtes blanc ou bien « Etre noir, on ne fait pas avec, on est noir, un point c'est tout ».
Et il y a l'histoire d'
Africville, sa création, la Sierra Leone, le sud des Etats-Unis, en un mot, un véritable gisement d'informations!
Ce livre aurait pu être passionnant si ce n'est sa construction qui nuit beaucoup à son intérêt. le fond est d'une grande importance mais le style est confus. Il n'y a pas de liant, pas de ciment entre les chapitres, nous passons du coq à l'âne et pour corser le tout, il y a énormément d'intervenants qui surgissent dans le récit sans que nous ne puissions savoir d'où ils viennent, qui ils sont. Maîtriser les retours en arrière n'est pas aisé, l'intrusion subite du passé dans une narration doit se faire sans questionnement pour le lecteur, sans surprise. Si au début on effectue des retours en arrière pour tenter de comprendre, au bout d'un moment, cela devient lassant et c'est péniblement que l'on parvient à la fin du récit.
Je dois avouer que c'est la première fois que je termine un livre frustrée. J'attendais beaucoup de cette lecture. L'écriture de
Jeffrey Colvin n'est pas désagréable, elle peut même dégager de la sensibilité malgré la confusion. Mais hélas, on a parfois la sensation d'une plume trop hâtive dans ce récit, une nécessité de vouloir tout écrire en très peu de temps : c'est vraiment dommage.
Je tiens à remercier les Editions Harper Collins et Babelio de m'avoir adressé ce livre qui m'a permis de découvrir
Africville et son histoire.