Le typhus, c'est plein de choses : la fièvre pestilentielle, la fièvre putride, celle des pauvres, des armées, des bateaux... Quand on donne autant de noms à une maladie, c'est qu'elle tue beaucoup de monde.
D’ailleurs, en parlant de bondieuseries, je crois bien que le lourdaud qui s’approche est le curé du voyage. L’homme aussi haut que large, porte une soutane que sa bedaine interdit de fermer. Ses yeux en capote de fiacre, ses joues rosées de porcelet lui donnent l’air d’un bourgeois gavé de bombances arrosées. Son nez en garde les rougeurs. Sur son crâne, deux mèches en tire-bouchon se bagarrent avec le vent. Il a l’air soucieux, mais un sourire de jésuite illumine son visage quand il aperçoit Martin et Kate assis sur leur rondin.
Pourquoi a-t-il respecté la promesse qu’il lui avait donnée ? (à Kate)
Quelle force l’a poussé à venir se perdre dans ce pays majestueux où chaque arbre est un piège, chaque rivière un danger ? Ici, la violence coule en permanence. Dans ce territoire d’ours et de meutes, les hommes ne sont pas les bienvenus. Le loup qui le surveille toujours en est la preuve. Alors, pour se calmer, Martin récite un des passages de la lettre que Kate lui avait écrite et qu’il connaît par cœur.
Le silence qui s’installe entre eux ne les dérange pas. Pendant plus de six semaines, ils devront se serrer les coudes, chercher un peu plus de nourriture ou de l’eau propre pour espérer s’en sortir sans être contaminés. Trouver d’autres couvertures pour se protéger du froid humide de la nuit. Pour survivre. Parce que la mort est là, dans le ventre du Carrick. Les visages exsangues des embarqués ne laissent planer aucun doute : Le typhus est monté à bord avec nombre d’entre eux. Et le choléra, tapi dans la soute, attend de les mordre.
Les cancanières n'osent pas affronter cette négresse callipyge qui tient boutique de plaisirs d'homme, hantées par l'idée que le père de leurs enfants soit tenté d'en franchir un jour la porte.
Quand j’étais gamine, ma mère me disait toujours : « Apolline, il te faudra embrasser beaucoup de crapauds avant d’en trouver un qui se transformera en prince. » C’est comme ça, le désir n’attend pas.
Parce que là-bas, à l'autre bout de ce rocher de quarantaine, dans cet enfer d'excréments, de maigreur et de langues noires, la Grande Faucheuse joue aux quilles.
« Son visage est marqué de quelques rides dessinées par les croche-pieds de la vie. »
« Les hommes bâtissent des cathédrales pour trouver un sens à leur vie. Ici, ils construisent des chapelles ardentes pour aligner leurs morts. »
Ici, la violence couve en permanence. Dans ce territoire d’ours et de meutes, les hommes ne sont pas les bienvenus. Le loup qui le surveille toujours en est la preuve.