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Critique de berni_29


« Un été avec... », c'est le charme d'un rendez-vous radiophonique plaisant et érudit que peut nous offrir une radio tous les matins, durant quatre minutes.
Chaque été, France Inter nous invite à ce rendez-vous qui nous fait entendre la pensée d'un écrivain, d'un poète, d'un philosophe... décryptée par un contemporain.
La saison suivante voit l'exercice radiophonique prendre la forme d'un livre rassemblant les chroniques quotidiennes.
Un été avec Pascal, par Antoine Compagnon, ne déroge pas à la règle.
Ce fut pour moi l'occasion de venir à la rencontre de Blaise Pascal, difficilement classable, mathématicien, physicien, philosophe, théologien, brillant avec génie dans chacune de ces disciplines.
Rien ne me donnait cependant envie d'aller vers sa pensée. Il est vrai qu'il affirmait qu'en dehors de Dieu, il n'y a que "vices, misères, ténèbres et désespoir". Il est vrai aussi qu'il a souvent jeté des pierres dans le jardin de Montaigne, pour lequel j'ai une grande admiration. Il eut aussi ses détracteurs : Voltaire pensait que sa mélancolie l'avait perdu, et que sa conversion, quasiment mystique, de 1654 à Dieu s'expliquait par un début de folie.
Pour autant, les marxistes ont été fascinés par la pensée de Pascal, on ne peut guère les taxer d'amoureux de la théologie, il faut voir ici, nous dit Antoine Compagnon, une admiration pour le sens dialectique de la pensée de pascalienne...
Alors piqué par la curiosité, je me suis dit que celui que certains considèrent comme le « plus grand écrivain des Français », ne méritaient pas mon indifférence.
Mais il me fallait un guide, un passeur et ce fut Antoine Compagnon, tiens donc, n'avait-il pas justement produit Un été avec Montaigne quelques années auparavant ?
Antoine Compagnon, entre autres professeur au Collège de France, avec beaucoup de finesse et de propos brillants nous le fait apparaître sous un autre jour que l'austère, cérébral et bigot penseur. Ah, comme j'aurais aimé avoir un professeur de philosophie comme lui, durant mes études !
Ce furent tout d'abord trente-cinq chroniques radiographiques, le livre en compte six inédites en plus. Je me suis bien gardé de lire d'une traite ces quarante-et-un courts chapitres. Je les ai savourés pas à pas, déambulant, sautillant de l'un à l'autre, pas forcément dans l'ordre chronologique proposé. Je les ai dégustés comme des mises en bouche brillantes et intelligentes.
Antoine Compagnon nous dit que : « Pascal, c'est la recherche du bonheur. le départ de la pensée de Pascal est la recherche du bonheur, savoir où est le bonheur »...
Il nous dit aussi que c'est l'auteur le plus complet de la littérature française. Les auteurs français vont souvent par deux. Il y eut Voltaire et Rousseau, Sartre et Camus, Corneille et Racine, s'opposant, s'affrontant, entrant en résonnance, ils sont à la fois complémentaires et différents, mais Antoine Compagnon nous dit qu'on ne peut pas lire Montaigne sans lire Pascal.
On connaît tous quelques célèbres expressions ou maximes, entrées dans la mémoire universelle, ne sachant pas toujours qu'elle viennent de Pascal : « le nez de Cléopâtre », « le moi haïssable », « le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point », « L'homme est un roseau pensant », « Qui veut faire l'ange fait la bête », « La vraie éloquence se moque de l'éloquence », « le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie »...
Antoine Compagnon nous les remet ici à propos.
Et puis la crise du covid-19, qui nous a contraint durant deux mois à rester confinés chez soi, nous a offert l'occasion de disserter sur une autre citation de Pascal devenue célèbre dans ce contexte : « Tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. »
C'est à propos de divertissement que cette citation fut écrite par Pascal, elle a été peu tronquée, il conviendrait de la lire jusqu'au bout pour en comprendre tout le sens, comprendre la nécessité du divertissement comme pour se détourner de l'illusion de la condition humaine, le repos étant une manière de prendre le temps de se voir tel qu'on est, regarder notre existence sans concession. Terrible et toujours aussi fort, que ce soit dit en 1670 ou en 2020 !
Antoine Compagnon explique, met en perspective, n'extrapole jamais, rend actuelle la pensée de Pascal, même si j'ai regretté que parfois certaines chroniques laissaient beaucoup trop de place à l'engagement religieux de Pascal...
Nous avons été nombreux en cette période de confinement à avoir été confrontés à ces questions fondamentales, du sens de la vie que nous menons. Venir à Pascal, c'est venir à la philosophie de manière générale, c'est retourner à l'essentiel...
Antoine Compagnon évoque aussi le contexte politique hostile dans lequel Pascal a vécu pour comprendre une pensée pouvant être jugée parfois conservatrice ou cynique...
Et puis, dans ce cheminement, Antoine Compagnon évoque au tout début de l'ouvrage un moment intime qu'il a vécu à l'occasion de l'écriture de ces chroniques. Au moment des premiers enregistrements radiophoniques, la santé d'une personne chère se dégrada irrémédiablement. Antoine Compagnon lisait à cette personne ces textes avant de les enregistrer, lui donnant la primeur, Pascal fut ce compagnon consolateur dans cette épreuve.
Il est toujours touchant de voir comment les grands auteurs peuvent nous aider, nous accompagner dans nos vies intimes.
Je remercie Babelio dans le cadre de sa Masse Critique, ainsi que les Éditions des Équateurs, pour cette lecture inspirante et stimulante.
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