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Critique de Rolienne


 
Le capitalisme est-il immoral ? Pour répondre à cette question, l'auteur propose un mécano de 4 ordres qui dépendent des uns des autres comme dans un jeu de dominos :
 
Ordre n°1 :
Les sciences et les techniques, dont l'économie, sont amorales.
Efficacité, performance, rentabilité, sont leurs enjeux.
Innovation, prise de risque, investissement, rationalité, preuve, la compétence, en sont les moyens.
Ces activités relèvent plus de la nature que de la culture et restent donc incertains, variables et imprévisibles.
On ne commande au marché qu'en lui obéissant avec pertinence et en manifestant sa crédibilité.
 
Ordre n°2 :
Le corpus politico-juridique s'impose de l'extérieur à l'ordre n°1 pour le limiter ou le libérer.
La communauté, le peuple, le groupe y expriment leurs intérêts et leur volonté dans un jeu de rapports de force.
L'outil de la loi formule et finalise les compromis, consensus et conciliation adéquates et nécessaires.
L'ordre n°2 peut ainsi intervenir sur un système qui permet la faute ou révèle une dérive : pourquoi cette erreur d'appréciation sur la sécurité ? Comment corriger ? Ou bien concernant la spéculation outrancière, quel garde-fou envisager ?  (On retrouve ici l'orientation de l'agence de notation VIGEO de Nicole Notat).
 
Démontrant d'une façon toute churchillienne que, comme la démocratie, le capitalisme est le pire des systèmes créateurs de richesse à l'exception de tous les autres, mais considérant que tout n'est pas marchandise, le but de l'action de cet ordre n°2 est de mettre en place une économie de marché, et non pas une société de marché.
Aussi faut-il distinguer par exemple la libre concurrence des groupes pharmaceutiques sans que le droit à la santé soit remis en cause.
C'est cet ordre n°2 qui est aujourd'hui le plus sollicité : la mondialisation et les technologies de l'information notamment font sortir le juridique et le politique des limites nationales et hiérarchiques qui les fondèrent.
 
Ordre n°3 :
La morale relève de la responsabilité strictement individuelle, de ses choix de conscience, du sens donné à sa mission.
Elle s'incarne dans la personne qui, seule, relève les défis du bien et pose la question du mal, et ce dans le contexte des ordres n°1 et n°2 auxquels elle se trouve confrontée.
Ainsi, idéalement, un cadre courageux  fera-t-il preuve de discipline et exercera sa liberté d'esprit.

La corruption est le fait d'individus corruptibles, et non pas la décision du système.
Un chef d'entreprise malveillant est d'abord un homme personnellement malveillant. 
Pas d'en-soi moral des fonctions.
 
Ordre n° 4 :
L'amour, finalité qui ne se commande pas et n'obéit pas. On n'aime pas par devoir.
Un comportement éthique est dicté par un désir.  On peut faire une charte éthique.
Mais sans adhésion intime, c'est au mieux un système de contraintes, au pire une supercherie.
Le travail pour gagner sa vie –bien sûr- mais aussi comme source de convivialité, projet collectif, utilité sociale, épanouissement.
Pas d'amour : pas de joie, pas d'enthousiasme, pas de carburant ?
 
Ordre n°5 : la religion dont on peut dire la même chose que pour l'amour.
 
è è Problématique de la substitution d'un ordre de réalité par un autre :
Angélisme : un client qui préfère un vendeur bon qu'un bon vendeur risque de ne jamais faire un bon achat. Faire descendre la primauté de l'ordre de l'amour n°4 jusqu'au primat de l'ordre économique du marchand n°1 est ridicule et inefficace. Pas de satisfaction client, pas de profit, et vice versa.
De même, les initiatives humanitaires non rentables ne font pas un humanisme fiable. On ne sauve pas de la misère avec les « restos du coeur ». La création étatique de petits boulots ne résout pas le chômage endémique.
è La solidarité bien comprise des intérêts des acteurs économiques (actionnaires, clients, salariés, producteurs) est le moteur du capitalisme. Pas la générosité. Pas la gratuité.
 
Barbarie : le communisme  a eu tort de mélanger le politique, l'économique et la morale, en prônant la vertu de l'adage « à chacun selon ses capacités et ses besoins ». Faire ainsi monter le primat de la création de richesse n°1  à la primauté des ordres n°2  et n°3 est vain et dangereux : l'entreprise qui ne crée pas de plus-value ne saurait non plus garantir à terme de la valeur humaine. le régime soviétique a dramatiquement illustré cette confusion.
è C'est l'humanité qui fait la dignité, pas le travail. Mais sans travail, pas de richesse.
 
Le pharisien est celui qui formate la foi à la loi, l'ordre n°5 de la religion à l'ordre n°3 de la morale sans passer par l'ordre n°4 de l'amour. Manque de flexibilité, de résilience, de négociation.
è Même en entreprise, pas de lettre, sans esprit et/ou sans coeur.
 
Le Tartuffe , le pur concupiscent, est celui que formate la foi, l'ordre n°5 de la religion, à l'ordre n°1 économique : chute des ordres de l'esprit (n°5) , du coeur (n° 4), de la morale (n°3), et même de la loi (n°2) qui représente toujours l'intérêt collectif. 
è Notre temps est-il victime de la tyrannie des bons sentiments  et de leurs « tartuffes » médiatiques ?
 
Conclusions
Du déficit économique à la déficience humaniste, il n'y a qu'un pas vite franchi dès lors que la logique intrinsèque de chacun des 4 ordres et son articulation avec l'ordre descendant du possible et l'ordre ascendant du sens ne sont pas respectées. 
 
Chaque ordre requiert un template et mobilise une essence : les distinguer est une méthode de lecture des situations, une aide à l'interprétation des conflits, un éclairage des impasses.
èLa subtilité de leur examen et de leur convergence ouvre la voie à des applications et des solutions sur le terrain.

Patricia JARNIER 27 avril 2013
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