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Critique de Gustave


Mon professeur d'anglais en classe prépa avait chaudement recommandé Conrad. Ayant terminé il y a quelque temps mon premier Conrad, je dirais sans hésiter qu'il était de fort bon conseil.


Pour ma part, j'ai discerné deux niveaux de lecture dans ce roman:
-un premier, propre à son contexte historique, à savoir le colonialisme et ses conséquences sur les rapports entre Occidentaux et colonisés.
-un second, plus universel, que l'on pourrait transposer au monde actuel, applicable aussi bien aux immigrés qu'aux expatriés: le dilemme de l'étranger, qui n'ose revenir dans son pays natal sans avoir réussi dans le pays où il a émigré, et qui du coup perd tout lien avec le premier.


Ces deux niveaux de lecture sont bien entendu intimement inbriquées entre eux. Nous voilà donc en présence d'un colon néerlandais, Kaspar Almayer, échoué sur l'île de Bornéo, dans ce qui était alors une partie des Indes néerlandaises (devenues depuis l'Indonésie). Celui-ci s'est marié, plus jeune, à une Malaise qui était la fille adoptive de son patron, le capitaine Lingard. Celui-ci, en échange du mariage, avait promis de retrouver et partager avec son beau-fils un trésor se trouvant au coeur de la jungle. Or Lingard disparaît subitement, et durant des décennies, Almayer court après ce trésor dont on se demande s'il a réellement existé un jour...


A vrai dire, Almayer lui même éprouve un certain découragement par rapport à cette entreprise. Ce qui l'empêche néanmoins de retourner aux Pays-Bas, c'est d'une part le refus de rentrer au pays en homme ayant échoué, mais aussi le désir d'assurer l'avenir de sa fille Nina, enfant unique née de son mariage avec sa femme malaise.


La pression lui dictant de réussir est d'autant plus forte qu'en tant que Blanc dans une société coloniale, il se doit de montrer l'image de l'homme arrivant à ses fins (lisez la nouvelle "Shooting an Elephant" de Georges Orwell, c'est éloquent en la matière: même si vous ne le trouvez qu'en anglais sur Internet ça ne fait pas plus de 2-3 pages), et d'autre part, pour permettre à sa fille métisse de se faire une place dans la société coloniale, une fortune suffisante est nécessaire pour faire oublier ses origines en partie malaises.


Même si le racisme actuellement est bien moins marqué qu'au temps du colonialisme triomphant, il n'en demeure pas moins que le rapport d'Almayer avec Nina illustre bien ce phénomène par laquelle toute expatriation, toute immigration distend les liens avec le pays d'origine: ayant fait sa vie dans le pays d'accueil (parce qu'on y a eu son ou ses enfants comme Almayer, par exemple), l'étranger ne parvient plus, même lorsqu'il est en passe d'y connaître des échecs, à rompre avec ce dernier.


A vrai dire Nina est précisément la seule personne pour laquelle Almayer donne tous ses efforts et son amour paternel. Mais bien entendu, comme rien ne se termine bien...Je vous laisse découvrir la fin.
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