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Citations sur La folie Almayer (16)

Telles étaient les pensées d'Almayer, tandis que debout sur la véranda de sa maison neuve mais délabrée - ce dernier échec de sa vie -, il regardait la large rivière. Ce soir-là, ses eaux n'étaient pas teintées d'or, car, gonflées par les pluies, elles roulaient, sous son regard distrait, un flot tumultueux et boueux entraînant des débris de bois, de grands troncs morts et des arbres entiers déracinés avec leurs branches et leur feuillage, entre lesquels elles tourbillonnaient dans un grondement furieux.
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Nina, élevée sous l'aile protestante de Mme Vinck, n'avait même pas un petit morceau de cuivre pour lui rappeler l'enseignement passé. Écoutant le récit de ces festins sauvages, ainsi que l'histoire d'actes valeureux, bien que plutôt sanguinaires, où les hommes de la race de sa mère éclipsaient de loin les Orang-Blanda, elle éprouvait une irrésistible fascination et voyait, vaguement surprise, l'étroit manteau de morale civilisée dans lequel des gens bien intentionnés avaient enveloppé sa jeune âme glisser de ses épaule, la laissant frissonnante et désarmée comme au bord de quelque profond abîme inconnu.
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Insensible à l'agitation habituelle à chaque nuit de la mousson, le père dormait tranquillement, également oublieux de ses espoirs, de ses malheurs, de ses amis et de ses ennemis ; et, à la lueur de chaque éclair, la fille, debout, immobile, parcourait avidement la large rivière d'un lourd regard inquiet.
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Mais un homme absorbé dans la contemplation du naufrage de ses espoirs passés, à l'aube d'espoirs nouveaux, ne saurait avoir faim chaque fois que son riz est servi!
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Son rêve de puissance et de richesse l'absorbait et l'entraînait loin de cette terre où il avait vécu si longtemps, oublieux de ses luttes et de son amer labeur, dans la vision glorieuse d'une revanche totale.
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Au-dessus des brumes traînant sur la rivière et cachant le bateau et sa cargaison faite de jeune vie passionnée et de bonheur oublieux de tout, les étoiles pâlirent et une lueur d'un gris argenté envahit furtivement le ciel par l'est. Il n'y avait pas un souffle de vent, pas un bruissement de feuille, pas un saut de poisson hors de l'eau, pour troubler la sérénité du repos de toutes les choses vivantes sur les rives de la grande rivière. La terre, la rivière et le ciel étaient enveloppés dans un profond sommeil dont ils ne semblaient pas devoir s'éveiller.
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Que vaut la bravoure du plus grand guerrier en face d'armes à feu dans la main d'un esclave?
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Il se tenait bien droit, les épaules effacées, la tête haute, les regardant descendre la plage vers le canot, enlacés aux bras l'un de l'autre. Il suivait de l’œil la trace de leurs pas marqués dans le sable. Leurs formes se mouvaient dans le flamboiement brutal du soleil de midi, dans cette lumière violente et vibrante comme un appel de trompettes d'airain. Il voyait les épaules bronzées de l'homme, le sarong rouge noué à sa taille ; la haute et svelte silhouette de Nina appuyée sur lui, et l'éclat éblouissant de sa robe blanche, et les masses tombantes de ses longs cheveux noirs. Là, ils s'embarquaient, -- et il voyait le canot décroître dans l'éloignement, la colère, le désespoir et le regret dans le cœur ; il avait la paix sur le visage, comme une statue de l'oubli. Il se sentait déchiré, mais Ali, enfin réveillé et debout près de son maître, n'apercevait sur les traits que l'expression absente de ceux qui vivent dans le calme sans espoir de la cécité.
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[...] ...- "Tu pleures ?" demanda [la mère] d'un ton sévère à sa fille assise, immobile, le visage dans ses mains. "Lève-toi et prends la pagaie car [Daïn] a assez attendu. Et rappelle-toi, Nina, pas de pitié, et, si tu dois frapper, frappe d'une main ferme."

Elle déploya toute sa force et, se penchant au-dessus de l'eau, elle lança la légère embarcation loin dans le courant. Une fois remise de son effort, elle s'efforça en vain d'apercevoir la pirogue qui semblait s'être évanouie brusquement dans la brume blanche étirée au-dessus des eaux surchauffées de la Pantaï. Après avoir un moment tendu une oreille attentive en restant agenouillée, Mme Almayer se releva, poussant un profond soupir, tandis que deux larmes coulaient lentement le long de ses joues flétries. Elle se hâta de les essuyer avec une mèche de ses cheveux gris, comme si elle avait honte d'elle-même, mais ne put retenir un autre profond soupir car son coeur était lourd et, inhabituée qu'elle était aux émotions tendres, elle souffrait beaucoup. Cette fois, il lui sembla avoir entendu un bruit léger, comme un écho de son propre soupir et elle s'immobilisa, tendant l'oreille pour saisir le moindre son et scrutant du regard avec appréhension les buissons proches d'elle.

- "Qui est là ?" demanda-t-elle d'une voix incertaine, tandis que son imagination peuplait de formes fantomatiques la solitude de la berge. "Qui est là ?" répéta-t-elle timidement.

Il n'y eut pas de réponse ; seule la voix de la rivière s'élevant en un triste murmure monotone derrière le voile blanc parut se faire plus forte un moment pour s'éteindre à nouveau dans le doux chuchotement des tourbillons le long de la rive. ... [...]
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[...] ... - "Kaspar ! Makan !*"

Les accents stridents de la voix familière arrachèrent Almayer à son rêve d'un splendide avenir pour le replonger dans la réalité désagréable du présent. La voix était désagréable aussi. Depuis des années qu'il l'entendait, elle lui déplaisait chaque année davantage. Aucune importance ; la fin de tout cela était proche.

Mal à l'aise, il remua les pieds, mais ne réagit pas autrement à l'appel. Accoudé des deux bras à la balustrade de la véranda, il continua à regarder fixement la grande rivière qui coulait sous ses yeux, indifférente et pressée. Il aimait la regarder au coucher du soleil ; peut-être parce qu'alors, l'astre déclinant couvrait les flots de la Pantaï d'un reflet d'or luisant, et que l'or était souvent au centre des pensées d'Almayer ; l'or qu'il n'avait pas réussi à amasser ; l'or que les autres avaient amassé - malhonnêtement bien sûr - ou l'or qu'il saurait encore amasser pour Nina et pour lui-même par un labeur honnête. Perdu dans son rêve de fortune et de puissance, loin de cette côte où il habitait depuis tant d'années, il oubliait l'amertume du travail et de la lutte dans la vision d'une énorme et splendide récompense. Ils vivraient en Europe, sa fille et lui ; riches et respectés. Qui penserait au sang mêlé de la jeune fille devant sa grande beauté et l'immense fortune de son père ? Témoin des triomphes de Nina, il redeviendrait jeune ; il oublierait ces vingt-cinq années de lutte accablante sur cette côte où il se sentait prisonnier. Il touchait presque au but. Il suffisait que Dain revînt ! Et il ne pouvait manquer de revenir bientôt - dans son propre intérêt, pour avoir sa part. Plus d'une semaine de retard déjà ! Peut-être serait-il de retour cette nuit même.

* : terme malais signifiant "manger." ... [...]
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