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Critique de gabb


gabb
20 février 2022
C'est un tout petit livre, sobre et discret, un premier roman paru sans bruit l'an dernier.
C'est un texte profond mais plein de grâce, né de la plume nouvelle et singulière d'une jeune écrivaine bourrée de talent.
C'est en deux mots une exquise découverte et ça s'appelle : Mourir au monde.

Mourir comme s'oublier, mourir comme offrir sa vie, la consacrer tout entière à quelqu'un de plus grand que soit. C'est la voie qu'à choisie soeur Anne, elle qui entra jadis au couvent à l'âge vingt ans (contre l'avis de ses parents) et à qui la Mère Supérieure confie aujourd'hui la mission d'accompagner Jeanne, une jeune et guillerette postulante en passe de rejoindre la congrégation religieuse.
Entre les deux femmes se noue progressivement un lien d'une intensité folle, mais tandis que la novice chemine sereinement dans son discernement, Anne interroge sa foi et des failles se font jour, où par moment le doute s'insinue. Était-elle faite pour cette vie, ou s'est-elle trompée de voie ? Est-elle entrée dans les ordres par amour du Christ ou par peur du monde ?

Dans le même temps la vocation de Jeanne ne cesse de s'affirmer, et l'ensemble du roman est bâti sur cette très belle complicité, mystérieuse et d'une absolue pureté : Anne est comme une bougie qui se consume pour éclairer la route spirituelle de Jeanne, et la postulante aide son aînée à surmonter ses tourments intérieurs.

J'avoue avoir été un peu dérouté dans un premier temps par la forme un peu hachée du texte, fait de paragraphes courts et discontinus mêlant méditations personnelles, souvenirs, échanges de courrier ou scènes de vie au couvent sans véritable respect de la chronologie.
Heureusement le thème fascinant du roman, l'approche intimiste du grand mystère de la foi et le charme de l'écriture ont fini par me convaincre.
Quelle est cette force qui peut changer une jolie jeune femme tout juste sortie de l'adolescence en dévote recluse ? Qu'est-ce qui différencie la religieuse affligée de sa postulante bienheureuse ? "Après s'être dépouillée de tout, que reste-t-il d'une femme ?"
Autant de questions abordées avec finesse et pudeur par Claire Conruyt. Pour avoir passé une partie de sa scolarité dans un établissement tenu par des religieuses, elle a connu pour un temps la routine de cette vie communautaire rythmée par les offices, les repas, les temps de prières ou les travaux d'entretien divers, et reconnaît volontiers que la consécration de ces femmes l'a bouleversée ("il y a tant de beauté dans le don de soi"). Aussi décrit-elle décrit admirablement les troubles et les questionnements de ses personnages, la vigueur de leurs convictions et la confusion de leurs sentiments.

Mourir au monde est donc un premier roman très réussi, l'histoire émouvante de deux femmes qui se sont trouvées.
"Amantes qui ne connaissent pas la chair et soeurs qui ne partagent pas le même sang", Anne et Jeanne nous livrent deux témoignages poignants.
Que l'on s'accorde ou non sur leur vision du monde, voilà deux vies d'abandon et deux exemples de vocation qui invitent subtilement à la réflexion.
Et vous, "quelle est la nature de la lumière qui vous transporte ? En quoi espérez-vous ?"
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