Le seul mérite que je me reconnaisse, c'est d'être encore envie, alors que beaucoup sont morts.
Les journalistes m'avaient surnommée la petite fiancée de Fréjus. Ils me traumatisaient. Ils s'acharnaient sur moi à tel point que c'en était devenu insupportable, invivable.
À 21h13, le barrage cède libérant une vague de 60 mètres de haut. 50 millions de mètres cubes d'eau se déversent d'un seul coup dans la vallée, projetant des rochers, de la terre et des énormes blocs de béton, arrachant les arbres, anéantissant les habitations, emportant tout sur leur passage. Dix kilomètres séparent Fréjus du barrage. La vague met 25 minutes pour les parcourir avant de se jeter dans la mer.
Ce n'est pas facile de trouver ses mots. C'est un peu indécent.
La prévention des catastrophes naturelles implique, de la part des élus, une intégrité surnaturelle.
L'élan de solidarité a été incroyable et nous n'avons manqué de rien.
C'est le barrage qui a craqué.
J'ai repensé au témoignage de la directrice de la maternelle, madame Legrand. À la rentrée des classes en janvier, juste après les fêtes de Noël, elle a fait l'appel des manquants. Ça l'a traumatisé à vie.
À l'époque, il n'existait aucune structure non gouvernementale.
[…]
Ce qui a manqué en revanche, c'est le soutien psychologique.
Par la suite, l'argent et la jalousie ont pris le dessus. Ça aussi, ça a été horrible. On entendait des réflexions de ce style : oui, tu te rends compte, il y en a qui n'avait rien et on leur a donné. Ça m'a énormément marquée ! La méchanceté des gens, ça a été quelque chose d'épouvantable.