Écrit sous un nom de plume par le duo Daniel Abraham et Ty Frank, tous deux inconnus pour moi, ce livre est ma très bonne surprise du moment. Si vous aimez le space op et supportez de lire en anglais (pas de miracle coté traduction) (EDIT: le livre est depuis sorti en français), c'est un livre que je vous recommande chaudement.
Jim Holden est commandant en second à bord du modeste convoyeur de glace Canterbury, détruit devant ses yeux par un vaisseau non identifié lors d'une mission de sauvetage du vaisseau en détresse Scopuli. Il ne peut que s'échapper à bord de leur navette avec quelques membres de l'équipage et une furieuse envie de justice mâtinée de vengeance.
Miller est flic pour la société privée qui gère la sécurité sur l'astéroïde, devenu gigantesque station, Cérès. Son nouveau boulot, trivial en apparence, est de mettre la main pour ses employeurs sur Julie Mao, fille rebelle d'une très riche et très puissante famille de la Terre. Et membre de l'équipage du Scopuli.
Leurs chemins finiront par se rencontrer sur fond de guerre entre la Terre, Mars, et l'Alliance des Planètes Extérieures, trop heureuse de la première occasion venue pour tenter de prendre le contrôle de la puissance industrielle et économique des stations de la ceinture d'astéroïdes. Et comme il se doit, tout ça n'est rien à coté de la vraie menace d'outre-espace ! (ne vous inquiétez pas je vous spoile rien, on sais ça dès le chapitre d'introduction)
Cette histoire de science-fiction à un aspect terriblement et délicieusement old school, ça rappelle
Heinlein et
Asimov, en mieux. Un genre de remake moderne d'un space op des années soixante-dix. Un flic de film noir cynique en fin de course qui tire trop sur la bouteille, un jeune capitaine idéaliste dans une quête pour la Justice™ et la Liberté™, des mégacorporations aux intentions maléfiques « pour votre bien », des gouvernement centraux qui surtaxent le malheureux citoyen, des mineurs de la ceinture qui rêvent d'indépendance, le Far-West de l'espace, des batailles spatiales, des space marines à l'abordage, etc… tout y est. Un univers à la science tout à fait réaliste : l'humanité n'a guère conquis que le système solaire, et encore, pas les coins les plus reculés, pas de moteurs impossibles (quoi que sacrément efficaces, sans offrir pour autant le moindre détail), ni de gravité magique. Les vaisseaux et les stations ont le bon-goût de respecter les lois basiques de la physique et de l'ingénierie, c'est toujours appréciable. Réaliste, mais seulement suggérée, sans long passage explicatif ni détails techno-croustillants, si vous êtes y allergiques vous ne ferez pas d'overdose. Pour les amateurs de la chose, ce n'est pas très grave, ce n'est pas le point de ce récit.
Si l'aspect technique du bouquin tiendrait sur un post-it, l'aspect social de cet univers, en revanche, est fantastiquement détaillé. Ça a l'air incroyablement réaliste, ces relations tendues entre la Terre, Mars et les colonies plus lointaines, ce créole des stations, mélange improbable d'anglais, d'allemand, d'espagnol et d'une douzaine d'autres langues à l'accent incompréhensible. Cet état d'esprit, cette obsession maladive des systèmes de support vie. Ce racisme anti-terrien aussi, ces curieux australopithèques trapus qui vivent à 1g, qui doivent surement devenir fou en pensant que seule la gravité empêche leur air de s'échapper dans l'espace… Les martiens n'ayant guère plus la côte auprès des habitants de la ceinture et des planètes extérieures. le tout agrémenté d'excellentes impressions de la vie en société au sein de ces gigantesques stations troglodytes, on s'y croirait.
Le bouquin fait un peu plus de 500 pages, les chapitres alternant les deux protagonistes principaux et soulignant leurs différences de point de vue, mais ça s'enchaine à une vitesse folle, et, si la logique des méchants en titre derrière l'élément déclencheur du récit, reste certainement quelque peut chancelante (ce en quoi ils respecteraient cette inspiration old school, c'est d'un alambiqué et d'une improbabilité digne du vilain d'un James Bond période
Roger Moore, ou, si vous êtes mauvaise langue, d'un épisode de Scooby-Doo), les auteurs nous mènent par la suite régulièrement dans des directions absolument inattendues, le développement étant tout à fait excitant et les personnages souffrant a plusieurs reprises du fameux Syndrome Game of Thrones du décès prématuré au moment le plus improbable. Personnages par ailleurs bien écrits et définis, qu'il s'agisse de Miller et Holden ou des personnages secondaires (la camaraderie bourrue d'Amos étant particulièrement a-do-ra-ble), aux motivations et aux réactions plausibles malgré les situations extraordinaires auxquelles ils font face, avec quelques très bons dialogues.
Le roman se termine d'une manière tout à fait satisfaisante pour ceux qui veulent en rester là, mais il y'a déjà deux suites parues, et deux nouvelles, sur un total de neufs romans (trois étaient initialement prévus mais le livre a semble-t-il rencontré un certain succès) et cinq nouvelles prévues en tout.
J'attaque le suivant dès que je peux.