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Critique de batlamb


Quand on veut humaniser les axolotls, il faut prendre garde de ne pas devenir axolotl soi-même. Si tu regardes longtemps dans l'axolotl, l'axolotl regarde aussi en toi.

J'aurais bien adressé cet avertissement à Cortazar si j'avais pu le connaître avant qu'il ne commette l'irréparable. Mais trop tard : rendu fou par les yeux dorés des amphibiens aux « visages aztèques », voilà qu'il leur sacrifie ses personnages, dont l'identité, et même l'humanité, se consument au contact de l'inquiétante étrangeté de ces idoles aquatiques ! A travers toute la géographie de ce recueil, de l'Argentine aux Cyclades, on observe le déchaînement de maléfices dionysiaques digne des Ménades, dans une orchestration frénétique et jubilatoire. Les dieux ont soif. Ils traquent leurs victimes à travers les rêves (qui deviennent indistincts de l'éveil)... et même le temps.

En effet, dans "Fin d'un jeu", le temps devient espace. Un banal accident de moto peut ouvrir une faille vers le passé et les sacrifices aztèques. le réel est écartelé à force de jeux de miroir, mises en abyme et autres métalepses, dont la nouvelle inaugurale "Continuité des parcs" est un exemple classique. S'il faut chercher un point de repère, c'est du côté des héros qui incarnent encore et toujours les innombrables possibilités de l'existence de Cortazar, à l'image de celles qu'il avait explorées avec son alter ego « Un certain Lucas » dans le recueil du même nom. Lucas devient ici Luc, dans « Une fleur jaune », belle nouvelle mélancolique sur l'enfance malade.

Malade, oui, et pas forcément pour des causes exogènes et inhumaines. Car dans "Fin du jeu", on observe aussi le basculement des jeux (pas si) innocents de l'enfance vers le monde des adultes. L'insouciance se dissout dans des jalousies plus ou moins marquées, pouvant donner naissance à une cruauté comparable à celles des dieux (aztèques ou autres) envers la fourmilière humaine : la boucle est bouclée !

Célébrée sans complaisance, l'enfance se pare néanmoins de beaux atours, de même que l'aube et les livres. A travers les nouvelles, la plume de paon se dépose tour à tour sur ces trois motifs, afin que la beauté continue de flotter au-dessus des abîmes.

« Le fleur était belle, il y aurait toujours une fleur pour les hommes futurs ».
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