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Il est rare de faire la connaissance d'un personnage aussi fort, beau et complexe, que celui de Titus, ex-agent du FBI devenu presque par accident shérif d'un comté rural de Virginie, élu sur un programme progressiste. Premier shérif noir du comté, il évolue dans un no man's land de gris entre des gens qui croient en lui, d'autres qui le considèrent comme un traître à sa communauté et d'autres encore qui le haïssent pour sa couleur de peau.

Lorsque le fils d'enfant est abattu par la police après avoir assassiné un professeur adulé de tous, la suite des événements font cruellement voler en éclat le précaire équilibre qu'il s'était créé pour parvenir à naviguer dans la fange sans y sombrer.

Le point de départ est assez classique, et pourtant, S.A.Cosby est parvenu à construire avec brio une intrigue totalement maîtrisée qui envoie du très lourd avec ses multiples ramifications parfaitement imbriquées qui bouillonnent sous beaucoup de peur, de tension et de sang en fusion : la traque d'un mémorable tueur en série, une histoire sur la persistance du racisme sudiste, une dénonciation sans concession d'un fanatisme religieux favorisant le statu quo, et enfin l'exploration d'un traumatisme intime. le récit crépite à chaque nouvel indice, à chaque nouvel obstacle, à chaque irruption de nouveaux personnages, à chaque nouvelle scène décisive.

Dans ce polar sombre et profond, tout le monde porte un masque. La petite ville semble calme en surface, mais en dessous, il y beaucoup de haine, à commencer par celle des suprémacistes blancs célébrant l'histoire confédérée de la ville avec nostalgie et rage. Comme chez Dennis Lehane ou R.J.Ellory, la réalité des lieux explose de vérité tant ils sont décrits avec beaucoup de grain et de texture.

Ici, dans un comté dont le sol est imbibé du sang et des larmes des crimes racistes du passé, de l'esclavage, de la guerre de Sécession, de la ségrégation, « seuls les noms, les dates et les visages changent – et encore pas nécessairement. Parfois, quand on ferme les yeux, ce sont les mêmes visages qui apparaissent. Les mêmes visages qui vous attendent dans l'obscurité. » le passé ne passe pas et finit toujours par se rappeler de la pire des manières, comme si le racisme était une maladie qui contaminerait jusque dans les tréfonds ce Sud américain. Sur fond de dangereuse religiosité sudiste, les péchés du passé pèsent sur le présent comme un funeste présage.

Si le nombre de morts est élevé et l'action quasi ininterrompue avec ses tournures inattendues, comme dans un thriller, S.A.Cosby laisse exister ses personnages. On est au plus près de leur ressenti et de leurs émotions. Par touches, l'auteur distille les informations importantes qui révèlent leur parcours et leur personnalité, ceux du jeune abattu au début du roman, ceux de ses parents, du père ou du frère de Titus, du tueur, des pasteurs locaux, et bien évidemment ceux de Titus lui-même dont on découvre les secrets qui le tourmentent et le font porter une longue pénitence durant quasiment tout le récit. Jusqu'à la libération apportée par un superbe épilogue qui résonne fort avec tout ce qui a conduit jusqu'à lui.

Ce roman a l'évidence d'un futur classique, à la fois très actuel par ses thèmes et intemporels par ce qu'il dit de la condition humaine, et par la maitrise des codes du polar rural noir que l'auteur se réapproprie brillamment.

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Ayant adoré le précédent roman (« La Colère ») de cet auteur qui a le mérite de figurer sur la « Summer reading list » de Barack Obama depuis deux étés consécutifs, je n'ai pas hésité un seul instant à me jeter sur cette nouvelle petite perle éditée par Sonatine !

« le sang des innocents » invite à suivre le quotidien tout sauf paisible de Titus Crown, ex-agent du FBI devenu le premier shérif noir de Charon County. Dans ce comté rural de Virginie où le racisme est quasiment héréditaire, la couleur de peau de ce représentant de la loi ne fait pas vraiment l'unanimité, ni chez les blancs, forcément, mais pas non plus au sein de sa propre communauté, où beaucoup le considèrent comme un traître. du coup, le jour où un professeur de géographie adulé de tous se fait abattre par un élève noir au lycée Jefferson Davis et que le meurtrier est ensuite descendu par les collègues blancs de Titus, il se retrouve subitement avec les deux communautés sur le dos et à la tête d'une enquête particulièrement explosive…

Mais quel talent, ce S.A Cosby ! Sa manière de planter une ambiance sombre et pesante en seulement quelques pages me fait penser à du R.J. Ellory, mais saupoudré d'une bonne petite sauce de « Black Lives Matter ». En situant son polar dans le Sud des États-Unis, l'auteur nous plonge immédiatement dans un endroit où les tensions raciales sont palpables… une partie des États-Unis où le sol est encore imbibé du sang et des larmes des générations précédentes et où l'équilibre entre les différentes communautés s'avère très précaire. de suprémacistes blancs arborant le drapeau confédéré avec nostalgie à l'élection d'un shérif noir, en passant par l'ombre d'un passé mêlant esclavagisme, ségrégation et guerre de Sécession, tous les ingrédients sont présents pour faire exploser cette cocotte-minute dont la pression monte à la moindre altercation.

C'est au coeur de cette atmosphère oppressante que l'auteur dépeint une région gangrenée par le racisme, la violence institutionnelle, le fanatisme religieux et la corruption… et il le fait souvent très habilement, juste une petite phrase teintée de racisme latent ici et là, un sourire en coin qui en dit souvent très long ou un regard de travers un peu trop appuyé… Eh oui, le racisme est quelque chose qui s'entretient malheureusement très facilement…

Et au milieu de cette fange nauséabonde, véritable terreau de haine ancestrale, S.A Cosby dresse le portrait d'un homme charismatique, d'une droiture à toute épreuve, qui tente de redorer le blason d'une police corrompue jusqu'à la moelle, habituée à caresser les blancs dans le sens du poil et à violenter préventivement les autres. Un personnage central foncièrement attachant, dont on découvre les démons intérieurs au fil des pages. Un homme certes tourmenté, mais entier, que l'on quitte avec grand regret une fois l'ouvrage refermé…

Immense coup de coeur !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Les racines de Titus.
Difficile de s'amouracher d'un bonhomme blazé comme un empereur romain (ou un doberman), sauf si on s'appelle Bérénice. Ce n'est pas du tout le sujet du roman de S.A Cosby chaud devant, puisque Titus est le premier sheriff noir élu du comté de Charon en Virginie.
Pour un ancien agent du FBaïe ! natif du coin, le job pourrait ressembler à un placard doré de préretraité mais le patelin est gangréné par des suprémacistes qui n'ont jamais fait le deuil des Consfédérés et du Général Lee (pas la voiture de Sheriff, fais-moi peur hélas !) qui s'opposent à la population noire à l'origine de l'élection du Sheriff.
La situation dégénère quand un professeur blanc et populaire du lycée est tué par un ancien étudiant, noir, abattu lui-même par les adjoints de Titus. Charon est stone (il fallait que je la fasse). N'ayant que son intégrité à opposer aux deux camps qui lui reprochent soit de couvrir une bavure, soit de protéger sa communauté, Titus va fouiner dans le passé pas joli joli du prof assassiné et il va se mettre en chasse d'un tueur en série local avec une population portée à ébullition. La ville est aussi infestée d'églises et de congrégations, mais compte très peu de saints. Comme le thon rouge, surpéchés et surprêche ont fragilisé l'espèce.
J'ai lu ce roman parce qu'il est à l'origine d'une pandémie de critiques sur Babelio et que je suis un garçon finalement très influençable. Dès que je vois une nuée d'étoiles, je suis tenté par une nuit blanche. J'avoue aussi que j'avais aussi vraiment envie de découvrir qui était le gars qui jouait à cache-cache sur la couverture très réussie du roman.
J'ai adoré ce « Country noir », ou polar rural mais je ne veux pas faire l'amalgame avec la série des meurtres à Pétaouchnok, mon Lexomil du Samedi soir. S.A Cosby ne fait ni dans le polar gratuit qui ne vaut que pour son intrigue, ni dans le polar camouflage au service d'une cause identitaire.
Le personnage tourmenté du shériff est attachant, le biotope de ces villes du Sud avec une bible dans une main, un flingue dans l'autre et des opioïdes dans la musette, est décrit de façon magistrale et l'intrigue policière reste captivante.
Chapeau (de cow-boy) aussi à Pierre Szczeciner pour la traduction qui révèle bien la patte de cet auteur américain dont je vais m'empresser de lire les deux premiers romans.
Je termine ce billet en étalant ma culture Wikipediesque. L'Etat de Virginie s'appelle ainsi et non pas Bégonia ou Domitille car il vient de la reine Elisabeth the first d'Angleterre, dite la « reine vierge » (Virgin Queen). Pas étonnant d'y retrouver une telle proportion de culs bénis.
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Le chaos confédéré

Le saule pleureur a vu couler les larmes de sang des innocents enterrés à l'ombre de ses branches ruisselantes.
Titus Crown, ancien agent du FBI et premier shérif noir élu à Charon, un comté rural de la Virginie, contaste avec amertume que la liste des tragédies qui se déroulent sur les terres de son enfance ne fait que s'allonger.
Quelques jours plus tôt, M. Spearman, un professeur très apprécié du lycée, s'est fait tirer dessus par Latrell, un jeune Noir, avant se faire abattre lui-même par la police.
Titus Crown, sous le feu des critiques, se retrouve confronté au chaos. Acte terroriste pour les uns, bavure policière pour les autres. Cette funeste fusillade a mis en lumière une sordide affaire en lien avec la macabre découverte "du saule pleureur". M. Spearman ne serait pas vraiment celui que tout le monde pense être...

S.A Cosby avec ce nouveau thriller confirme tout son talent et s'installe confortablement aux côtés des meilleurs auteurs américains.
Ce roman musclé et d'une densité incroyable nous montre la réalité d'une Amérique chahutée par les fantômes du passé. le Sud, ses suprémacistes, son racisme et ses prêcheurs pas toujours en odeur de sainteté.
Un thriller gros calibre, percutant et qui coche toutes les cases d'un grand roman noir.


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Charon , c'est une ville qui répond à la fameuse règle des trois B :" la baston , la boisson et ..la baise ! " Et , oui , c'est écrit dans le livre alors moi , je ne fais que transcrire ce que j'ai lu , ne m'agressez pas .Bon , la baston , on la voit apparaître dés les premières pages et , croyez - moi , c'est terrible : fusillade dans un lycée , le prof le plus apprécié de l'établissement abattu par le jeune Larell , lui -même " neutralisé " par les hommes du shériff Titus Crown ...
Début de l'enquête , suspension de deux policiers , information des familles , début d'une vraie course à la vérité dans cette ville du Sud " hantée par le Christ ".
Titus Crown , ex agent du FBI , noir , èlu au grand mécontentement de toute la population blanche locale et considéré comme un traitre pour bien d'autre veut découvrir ce qui se cache sous ce drame .Le racisme est , hélas , encore bien présent malgré l'éloignement de la terrible guerre de Sessession .
Voilà pour le contexte général , le reste vous appartient et la qualité du récit qui vous attend n'a pas besoin d'être plus détaillée .Pas ou trés peu de temps morts , un portrait d'un homme complexe de premier ordre , des personnages secondaires bien campés dans leurs rôles , une écriture fluide et des dialogues enrichissants portent ce roman noir qui met en exergue tous les maux d'une société impitoyable , la violence , le racisme , la religion et ses interprétations rigoureuses ou déviantes .Bref , on ne perd pas son temps dans ce roman dont on tourne les pages avec avidité et gourmandise .
C'est le second livre de cet auteur que je découvre cette année , le premier étant " la colère " et même si j'ai préféré celui -ci , j'ai vraiment apprécié cet auteur que je ne connaissais pas . "Les routes oubliées " ne devraient pas tarder à suivre !
Les lecteurs et amateurs de roman noir ne s'y sont pas trompés si j'en crois la note globale sur Babelio ( Je n'ai pas encore lu les critiques ) et je ne puis que m'associer à ce brillant résultat .
Allez , à bientôt les amis et amies .Le week-end s'annonçant morose ...Pourquoi pas ? C'est bien vous qui voyez ...
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Après les nombreux et majoritaires avis dithyrambiques, vais-je oser publier ce billet ?
Une intrigue rondement menée à Charon, bled paumé dans le Sud des États-Unis, dans lequel les relents nauséabonds du racisme et de l'esclavagisme ne se sont toujours pas dissipés, encore plus à la sortie des bars après quelques verres de trop.
Pourtant Titus Crown n'a pas hésité à se présenter aux élections et à ainsi devenir le premier shérif noir du coin, alors qu'il est de retour au bercail après quelques années passées au FBI.
Années qui vont lui être fort utiles, car au lieu de passer son temps à verbaliser ses concitoyens pour excès de vitesse ou à les coller en cellule de dégrisement, Titus va devoir se confronter à un tueur en série ciblant tout particulièrement de jeunes adolescents noirs.
Le page turner est efficace, et j'avais plaisir à découvrir la suite de l'intrigue. Mais à l'heure du bilan, l'impression finale reste tout de même mitigée.
Je n'ai rien trouvé de bien original dans ce polar, l'histoire est linéaire, le final m'a un peu déçue, j'attendais quelque chose de plus percutant et surprenant quant à l'identité du meurtrier.
Les points forts sont l'humour, quelques personnages attachants, en particulier Albert, le père, et Marquis le frère de Titus.
A part ça, un certain nombre de personnages secondaires inutiles brouillent un peu les pistes (je ne savais plus bien qui était qui par moments) sans apporter grand-chose à l'intrigue.
Si j'ai apprécié le contexte venant mettre en lumière le racisme qui reste omniprésent aux États-Unis, j'ai tout de même eu des moments d'ennui pendant les passages consacrés aux amours de Titus avec sa compagne ou son ex (personnages assez dispensables) ou les flashbacks agaçants de son ancienne vie au FBI.
Je ressors de là avec l'impression d'avoir lu un scénario des Experts, pas inoubliable ni très bien écrit, et qui ne mérite pas un indispensable détour …
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Bonjour,
Aujourd'hui je vous propose : « Le sang des innocents » de S. A. Cosby. J'ai adoré ce roman magistral qui a pour décor le Sud des États-Unis. Nous suivons Titus Crown premier shérif noir à Charon County en Virginie, chargé d'une enquête complexe et bouleversante suite à l'assassinat d'un professeur de lycée par un jeune noir. le personnage principal, charismatique, attachant, tourmenté et prisonnier d'un passé douloureux est dépeint avec justesse et précision. Sa psychologie est finement analysée. L'atmosphère sombre et oppressante nous happe au fil des pages. Les émotions des personnages, leurs troubles, leurs angoisses donnent le tempo du récit qui décrit avec réalisme l'horreur et les abominations ainsi que la haine profonde véhiculée par le racisme. L'auteur dénonce habilement ce sentiment profond et viscéral, la tension entre communautés, les violences et assassinats dans les écoles et le poids de la religion et ses dérives fanatiques. Voici un troisième roman extrêmement dur, impressionnant de réalisme, à l'intrigue brillante, au rythme intense et à l'écriture superbe. Un gros coup de coeur !
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S.A. Cosby avait quarante-cinq ans lorsque sa première nouvelle a été publiée, puis primée, en 2018. Depuis, les romans s'enchaînent avec succès et il a pu abandonner son job alimentaire dans le funérarium de son épouse. Enfant, Cosby avait connu la misère, la vraie, dans la vieille caravane où il avait vécu avec son frère et ses parents.

S.A. Cosby est issu du Sud profond américain, un territoire où des Noirs sont, comme lui, à jamais hantés par les conditions d'esclavage imposées à leurs ancêtres, tandis que certains Blancs continuent à dénier la défaite des Confédérés dans la guerre de Sécession et restent nostalgiques d'une époque qu'ils glorifient, ne serait-ce que pour affirmer leur suprémacisme ou pour provoquer les militants progressistes, partisans des droits civiques. le Sud profond est marqué par des décennies de crimes et de vengeances atroces. Son sol est imbibé du sang d'innocents et des larmes qui l'accompagnent. Aujourd'hui encore, la violence peut exploser au moindre incident.

Cette violence latente est présente dès les premières pages du roman. Titus Crown est le premier Noir à être élu shérif du comté de Charon, en Virginie. Après douze ans de service au FBI, il est revenu sur sa terre natale avec l'intention de faire respecter les droits démocratiques de chacun, sans concessions. Il est inévitablement considéré comme illégitime par la frange la plus extrémiste de la population blanche. En même temps, il inspire une sorte de méfiance aux Noirs et aux progressistes, qui craignent qu'il ne finisse par s'incliner devant les arguments des puissants.

Le roman commence par une alerte malheureusement récurrente outre-Atlantique, une fusillade dans un lycée. Un adolescent noir a ouvert le feu et tué un professeur blanc estimé de tous. le meurtrier est abattu quelques minutes plus tard par deux adjoints blancs du shérif. Ce dernier les suspend immédiatement, conformément aux procédures… Les conditions sont en place pour que chaque communauté s'en vienne à tour de rôle au bureau du shérif crier à l'injustice.

L'affaire va s'avérer plus complexe et plus sordide, qu'elle n'en a l'air. Les premiers éléments de l'enquête vont révéler au shérif Crown des pratiques monstrueuses de tortures et d'assassinats d'enfants noirs, puis l'existence d'un serial killer, ordonnateur de ces pratiques : un criminel psychopathe et mystique.

Mystique, le tueur n'est pas le seul à l'être, sur le territoire de Charon. Noir ou Blanc, chacun semble avoir été nourri d'enseignements bibliques et les avoir revisités à la sauce des prédications émises dans l'église évangélique qu'il fréquente. Certains se livrent même à leur propre interprétation et ce n'est jamais sans risque. D'autres ont pris du recul et fait la part des choses, comme le shérif Titus Crown himself. Cela ne supprime pas les sentiments de culpabilité diffuse, qui amènent chacun à chercher sa rédemption où il le peut.

Le sang des innocents est un thriller assez classique dans sa construction et dans ses péripéties, tant pour les éclaboussures d'hémoglobine, qui n'impressionnent plus personne, que pour les rebondissements, qui ne m'ont pas surpris. Les quatre cents pages du livre forment un tout cohérent et bien rythmé, qui se lit sans déplaisir, même si l'on n'est pas un amateur idolâtre de ce genre de littérature. La scène finale est, comme il se doit, ultraviolente et sanglante. Les pages qui la suivent et qui clôturent le roman font redescendre en douceur la tension.

L'élément attachant de l'ouvrage est son personnage principal, le shérif Titus Crown. Droit dans ses bottes, confiant en ses valeurs, en ses méthodes et en sa détermination, Titus n'en a pas moins ses failles et un secret qui l'honorent, l'humanisent, mais le fragilisent. En le créant, l'auteur a certainement projeté ses propres espérances d'Afro-Américain du Sud.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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[Lu dans le cadre du Grand Prix de lectrices de Elle]

Titus Crown est le premier shérif noir de la petite ville de Charon (!), en Virginie. Après un passage au FBI, il est revenu s'installer dans sa ville natale, dans ce Sud profond qui n'en finit pas de porter en lui les traumatismes du passé. L'élection d'un Noir au poste de shérif prouve que les choses changent, mais les vieux démons du racisme sont toujours bien vivants et le fanatisme religieux pollue souvent les tentatives d'apaisement. Alors, quand un adolescent noir tue un prof blanc avant d'être abattu par un des collègues blancs de Titus, les vieux antagonismes s'exacerbent, et de sensible, la situation devient explosive. Mais qu'est-ce qui lui a pris, à Latrell, de tirer sur M. Spearman, ce prof formidable, qui donne beaucoup de son temps à tous ces jeunes et qui réussit à être apprécié des deux communautés ?
***
Dès la préface de David Joy et la présentation du comté de Charon en guise d'avant-propos, j'étais ferrée ! Mon attention ne s'est d'ailleurs pas relâchée et j'ai beaucoup apprécié le Sang des innocents. Les difficultés pour le nouveau Sud de cohabiter avec l'ancien sont rendues évidentes. Par exemple, le drapeau confédéré brandi dans certaines manifestation ou déployé devant des maisons rappelle sans cesse les affrontements entre les communautés, des atrocités de l'esclavage et des injustices de la ségrégation aux horreurs de la guerre de Sécession et aux ressentiments actuels. Si Titus est accepté par une minorité blanche progressiste, il est repoussé et méprisé par d'autres, et son statut de policier lui vaut la méfiance de sa propre communauté. J'ai bien aimé le personnage de Titus, sensible mais tentant de rester impassible, conscient qu'il est des conséquences que pourrait provoquer l'expression de ses sentiments dans les situations délicates. On comprend qu'il s'est passé quelque chose au FBI pour que Titus quitte le bureau, mais on ne sait pas quoi. S. A. Cosby procède comme si le lecteur connaissait déjà les détails de l'histoire, au point que je suis allée voir les résumés des deux ouvrages précédents parce que je me demandais si Titus était un personnage récurrent. Eh bien non ! il faudra attendre pour mieux comprendre les causes de certaines attitudes de Titus. J'ai bien aimé ce polar sans pause et sans concession. Il se trouve que, juste avant de le lire, j'avais regardé sur Arte une série intitulée Mystery Road : les origines, qui se déroule en Australie. Un jeune policer aborigène est le premier à exercer la fonction de policier dans la petite ville où il est né... Si l'enquête n'a rien à voir, j'ai trouvé qu'il y avait vraiment beaucoup d'échos de l'un dans l'autre, jusqu'à l'histoire d'amour et la figure du père qui présentent certaines similitudes. J'avoue que cela parasitait ma lecture par moment. N'empêche, je lirai les deux autres romans de S. A. Cosby traduits en français. Je suis sûre de me régaler…
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Quand le polar devient la quintessence du roman social (dixit Megan Abbott)

Voilà un auteur qui, faute d'être né dans une famille aisée, s'est tracé son propre chemin et s'est auto-cultivé, auto-formé, auto-instruit. Elevé dans une caravane dans une famille très pauvre, S.A. Cosby, né Shawn A. Cosby, a vécu dans l'ancienne capitale de la Confédération sudiste en Virginie et nous livre ici le fruit d'un parcours méritant. A 50 ans, il sait de quoi il parle, il y a été plongé jusqu'au coup depuis sa naissance. Et ça se sent pour chacun des thèmes qu'il aborde.
Pour l'instant je n'ai lu que ce polar, ce ne serait que le troisième traduit en français ; les deux autres ont atterri directos dans ma PAL. Pourquoi ? Parce qu'il a su attirer mon attention sur cette vieille épine dans le pied des « blancs » : le racisme noir. Ces dernières années, l'islamisme et le djihadisme ont pollué d'autres injustices dont celle du « blanc » ennemi du « noir » ou du « noir" contre le « blanc ». Je me permets de le formuler ainsi puisque Cosby le présente ainsi…pourvu qu'il ne lui arrive pas ce qui est arrivé aux « Dix petits nègres » d'Agatha Christie. Je ne l'espère pas et me dis, qu'au fond, l'auteur a judicieusement résumé l'ambiance de la région en écrivant qu'ils sont « tous soit descendants d'esclaves, soit descendants d'esclavagistes ».

Autant qu'un thriller, ‘'Le Sang des Innocents'' est aussi une étude sociologique, celle du Sud des Etats-Unis. Au travers de la double attaque que subi le personnage principal Titus Crown, à savoir celle d'une grand partie de la population blanche mais aussi celle des noirs qui le considèrent comme un traite, l'auteur rapporte l'atmosphère pesante et persistante aux States. 1 siècle 1/2 après les quatre années de la guerre de Sécession, rien n'aurait donc changé ? A croire que non.

Une fusillade perpétrée devant un lycée par Latrell, un jeune noir immédiatement abattu par la police, va mettre le shérif Crown, ancien agent du FBI, dans une très mauvaise posture. S'agit-il d'un acte de fanatisme terroriste ? D'une nouvelle bavure policière ? Il faudra qu'il dénoue rapidement le vrai du faux.

Le lieu : Charon, petite ville de Virginie qui a pour signification ‘' fondé dans le sang et l'obscurité ‘'. Elle va soudainement devenir un authentique nid de guêpes. On y côtoiera des suprémacistes blancs, des nationalistes chrétiens, des milicien patriotes qui, sans scrupules, vont démonter cette affaire à tel point que Titus Crown va devoir boucler au plus vite son enquête. Ce personnage est une lumière à lui tout seul ; il est beau, complexe, ce qui en fait une personnage rare et intemporel.
S'en suit un polar, dont David Joy dit dans la préface, que dans ce « roman de poids » on ne trouve « pas de sentimentalisme ni de lyrisme malvenu ».

La traduction par Pierre Szczeciner est à signaler comme participant à la réussite de ce polar, tant le texte est fluide et ferait presque penser que Cosby l'a rédigé en français. Il faudra que je pense à lire le ‘' Dictionnaire amoureux de la traduction ''.

La perfection faite du thriller américain ou un futur classique qu'on étudiera un jour en classe en raison de l'excellence du sujet traité à savoir celle de la condition humaine ? Va savoir. Pourquoi pas les deux.
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