Depuis le premier cours où Mme Élise a distribué des fonds de carte sur papier calque, je ne peux plus m’arrêter d’en dessiner… J’ai commencé sur mon grand cahier de travaux pratiques pendant les heures de permanence – quel beau mot, la « permanence »… Ça se passe dans la grande salle du réfectoire, rendue silencieuse par la vigilance des surveillants. Les élèves sont assis chacun à une table, empêchés d’être bêtes par les règles du silence… C’est merveilleux.
« Tata ? » Elle sursaute. « Mais qu’est-ce que tu fiches, à pleurer dans la rocaille ?
- Oh, oh ! Je ne pleure pas, esquive-t-elle en souriant. J’arrose simplement les pensées que j’ai mises en terre récemment... »
C'est étrange comme, parfois, " rien " a l'air d'être quelqu'un.
Maman racontait souvent que papa et elle avaient grandi en ville, mais comme deux fleurs des champs. C’est-à-dire qu’ils n’avaient pas d’attaches, pas de racines dans le béton.
Mais ce soir, je ne suis qu'un souffle, un vent faible qui enrage de ne pouvoir mieux appeler l'orage.
Je me rends compte que depuis toutes ces années, nos émotions, nos jugements la traversent. Notre folie aussi, c'est évident.
Avec le vent, c'est fou comme ça résonne, un trou comme le nôtre...
Depuis que pépé est mort, j'ai souvent froid, souvent peur. Il y a de plus en plus de choses que je ne comprends pas. Pourquoi il nous a retrouvés, pour finalement s'en aller soudain ? Jeanne dit qu'il était malade et qu'il ne m'en a pas parlé pour ne pas m'inquiéter. C'est vraiment prendre les enfants pour des billes… Je le savais bien qu'il était malade ! Ce n'est pas une raison pour mourir.
« Tata ? » Elle sursaute. « Mais qu’est ce que tu fiches, à pleurer dans la rocaille ?
- Oh, oh ! Je ne pleure pas, esquive-t-elle en souriant. J’arrose simplement les pensées que j’ai mises en terre récemment … » (page 98)
Je me réveille ce matin avec l'envie furieuse de brasser des cailloux et le désir affolant de tâter la chair d'un poisson. Qu'est-ce qui me prend ?