Les frontières des hommes sont mouvantes.
Heureusement les mots sont plus rapides que les pieds
Il existe une expression, "simple comme bonjour", qui en sous-entend une autre, "compliqué comme un au revoir".
Au moment où elle prononce ces paroles, Poki a bien conscience que les autres vont encore la prendre pour une folle. Mais elle ne s'en soucie guère. Notre grand-mère a toujours fait le choix de parler librement. Personne ne lui a jamais imposé sa manière de penser.
« Une nuit suffira pour raconter notre histoire. Une seule nuit pour dire tout le bruit, le sang, la sueur, l'amour et les larmes qui ont rempli notre vie. Une nuit pour parler de notre grand-mère envolée, pour évoquer l'homme qui faisait le tour du monde à la recherche de son ombre, sans oublier notre père, le fils de l'ombre et de l'oiseau, et notre mère, la fille aux huit doigts. […] Nous sommes Elie et Elias, et bientôt nous entrerons tous les deux dans les livres d'Histoire comme ceux qui ont assassiné une légende… » p.11 (Rouergue 2016)
« De pacifique, cet océan n'a que le nom. Des vents y soufflent en désordre, des tremblements de terre y provoquent régulièrement des vagues d'une violence inouïe. Et pourtant, voilà déjà trois siècles qu'il porte ce nom. Tout ça parce que Magellan le découvrit plutôt calme, un jour de novembre 1520. » p.21
« À Mahina qui tente de la raisonner en déclarant qu'il est toujours bon de changer ce qu'on peut changer, mais qu'il est sage de savoir accepter ce qu'on ne peut pas changer, [Poki] répond qu'elle a justement envie du contraire. Changer ce qu'on ne peut pas changer. Ce que les autres refusent de changer. […] Cette forêt disparue, elle la retrouvera. Elle fera le tour du monde s'il le faut, mais elle la retrouvera, parole de Poki, et elle la ramènera jusqu'ici. […] Les humains en général la déçoivent, qui ne croient en rien, qui bradent leurs rêves pour de stupides raisons pratiques. » p.31-32
« Nos vies sont faites d'ombres et de mouvements, disait notre mère. Elles s'équilibrent entre le jour et la nuit. Ce que nous vivons pénètre dans nos rêves, ce que nous rêvons pénètre dans nos vies. C'est une spirale magique... » p.60
« [Elias et moi] sommes les dépositaires de leur étrange histoire à tous, et si cela fait d'eux et de nous des personnages de roman, cela ne remet nullement en cause notre existence. » p.71
Il dit que le trou où on enterre un mort, c’est comme un point qui termine une phrase. Il dit qu’un trou n’est pas non plus un point final, derrière il y a d’autres vies, d’autres phrases. Il dit que c’est juste un point, un point nécessaire, qui nous permet de reprendre notre respiration avant de continuer, avant d’écrire une autre phrase de vie derrière. Et tant pis si le corps n’est pas là, l’idée est la même, ce n’est pas pour le mort qu’on creuse mais pour ceux qui restent, nous les vivants.
– Tous les jours se ressemblent, répète Cosmo.
Et il ajoute aussitôt :
– De loin, ils se ressemblent. Ils durent vingt-quatre heures, ils comptent tous un matin, un midi et un soir. Même costume. Et pourtant ils sont différents. Ils sont différents dans les plis. Parce qu’en chacun d’eux il y a des choses cachées, des imprévus, des arrivées, des départs, des secrets. Comme en chacun de nous.
Une seule petite pression du doigt, et il sera mort. On attend juste qu’il ouvre les yeux. On veut qu’il nous voie. Qu’il sache qui on est.
C'est une erreur de suivre les rêves des autres. J'espère qu'en chemin, tu découvriras les tiens.
Leur île se nomme désormais l'Ile de Pâques, et c'est vertigineux de se dire qu'à deux mois près, elle aurait pu devenir l'Ile de la Chandeleur.