AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,85

sur 75 notes
5
9 avis
4
13 avis
3
4 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
En mars 2019, le cyclone Idai va dévaster le Mozambique. le narrateur, poète reconnu invité pour une conférence dans sa ville natale, Beira, ignore qu'il va bientôt être balayé par les éléments, alors que le lecteur, lui, le sait. Et c'est dans la tension d'un compte à rebours que se déploie l'histoire - ou plutôt les histoires.
Diogo Santiago est revenu sur les lieux de sa naissance moins pour tester sa gloire que pour enquêter sur sa famille et sur son pays, le Mozambique, lorsqu'il était à la veille de son indépendance, mais encore sous le joug de la dictature colonialiste portugaise. Une admiratrice, Liana Campos, lui remet une liasse de documents dont la mise au propre correspond au livre que nous tenons entre nos mains: elle a découvert ces papiers chez son père, ancien membre de la police politique de Salazar; ils avaient été rassemblés pour incriminer le poète, militant et journaliste Adriano Santiago, lui-même père de Diogo.
Le livre fait alterner la voix du narrateur, Diogo, et la retranscription des différents documents, interrogatoires, journal intime et de cet ensemble surgit moins une vérité que la mise en cause du récit par lui-même. Si certains faits ont pu être reconstitués, concernant notamment la disparition volontaire puis la mort de son frère Sandro, les motivations des différents protagonistes restent opaques, naviguant entre héroïsme et veulerie, sadisme et désir de se racheter. Ni la guerre de libération naguère, comme le cyclone de 2019, ne vont purifier le pays: le déchaînement de la violence n'aboutit qu'à plus de morts et la dictature communiste a succédé à la dictature coloniale.
Mia Couto a écrit un grand roman amnésique sur des gens qui ne peuvent compter sur leurs souvenirs. Dans "Le Monde", il a ainsi expliqué pourquoi ce livre gigogne relate l'impossibilité de savoir: « le Mozambique, comme tous les pays, est fait de mémoire et de souvenirs. Pour cette nation jeune, il est nécessaire d'oublier ce qui peut diviser. Dans mon roman, il y a l'intention d'oublier le massacre d'Inhaminga [commis entre 1973 et 1974 par les troupes portugaises]. Un pays est pour beaucoup une oeuvre de fiction. Oublier [...] est un choix que la nation a opéré pour créer un sentiment d'unité. La littérature est importante parce qu'elle ouvre une porte sur cet oubli, qui est toujours un mensonge. »
J'ai lu que Couto était nobelisable et je veux bien le croire. Sans doute aussi "Le Cartographe des absences" est-il un chef d'oeuvre. Mais je dois bien reconnaître ici mes limites: je sais gré aux écrivains qui laissent la possibilité de les lire avec innocence. Ici, trop de symboles pour ne pas se sentir obligé de les déchiffrer ; en guise de vice impuni, la lecture a tourné au pensum.
Commenter  J’apprécie          442
Ce roman, très personnel, du mozambicain Mia Couto avait tout pour me plaire : une histoire originale sur le passé colonial du Mozambique, un récit de filiation et d'héritage, et une pérégrination poétique au coeur de l'identité de ce pays du sud de l'Afrique que je connaissais si mal. Couto y déploie par ailleurs une écriture très soignée, poétique souvent, et la construction du récit est habile.

En effet, deux périodes se répondent dans les chapitres successifs du roman : d'un côté 1973, celle d'un père, alors que le Mozambique est encore sous domination portugaise (l'indépendance sera proclamée en 1975) et de l'autre, celle d'un fils qui revient dans sa ville natale, en 2019. A travers ces deux époques, Mia Couto trouve les mots justes pour dire le racisme, l'injustice, la barbarie de ce que fut la colonisation et ses conséquences sur le pays encore aujourd'hui.

Et puis il y a la poésie, incarnée par ce fils Diogo Santiago, qui revient à Beira sur les traces de sa mémoire, et par son père, Adriano, poète-journaliste. Ce dernier, très engagé dans la lutte anti coloniale (comme le père de Mia Couto) est soupçonné d'être communiste. Tout ce qui lui est confisqué par la police politique portugaise dans les années 70 (journaux, articles et autres documents) est restitué à Diogo à son arrivée à Beira. Ainsi le fils retrouve la mémoire d'un passé enfoui, et devient « gardien des histoires qui charrie des absences et des silences ». Mémoire de l'oubli.

Alors voilà, ce texte avait tout pour me plaire, je lui reconnais toutes les qualités énoncées plus haut, mais il m'a laissée en dehors, complètement spectatrice de ce récit pourtant intéressant. Je me suis perdue dans les voix des souvenirs, l'émotion n'a pas été au rendez-vous et j'ai fini par m'y ennuyer. Une première rencontre manquée avec l'oeuvre de Mia Couto pour moi.
Commenter  J’apprécie          130
2019, un cyclone menace la ville de Beira au Mozambique. Un poète arrive quelques jours avant la catastrophe, et retrouve son enfance et son adolescence au coeur des rues de la ville. Il va replonger au coeur de son histoire familiale, et des évènements qui ont changé sa vie pendant guerre qui a eut lieu dans les années 1970 entre le Portugal et le Mozambique.
Mia Couto a une plume fluide et poétique. C'est un roman qui alterne entre passé et présent de 2019, le passé étant raconté par le biais d'un rapport de police, du journal d'adolescent du poète et d'une correspondance familiale. le père du narrateur était également un poète, un journaliste qui était engagé pour mettre en lumière les agissements terribles de l'armée portugaise sur la population du Mozambique et on sent l'envie du narrateur de lui rendre hommage.
J'en ai appris plus sur cette guerre dont je ne savais quasiment rien. J'ai néanmoins trouvé que c'était difficile de suivre tous les liens entre les personnages et pour le coup la lecture était difficile.
Le cyclone est en toile de fond, une menace qui va arriver et dont on ne voit quasiment pas les effets. le centre du roman est la recherche du passé du narrateur et la découverte des secrets qui entourent sa famille.
Je n'ai pas accroché à la romance qu'il vit dans le présent, et j'ai trouvé toutes ses correspondances longues.
Bref, je reste avec un avis en demi teinte.
Commenter  J’apprécie          80
Mia Couto, de son vrai nom António Emílio Leite Couto, est un auteur mozambicain de langue portugaise, le Mozambique fut une ancienne colonie du Portugal jusqu'en 1975. C'est justement ce dont il s'agit dans ce roman dense et polymorphe, de la question de l'indépendance du pays, qui s'est déroulée non sans heurts, des pintes de larmes et sangs coulés, balles distribuées, corps entassés, d'hommes et de femmes trahis, vendus à l'ennemi, au nom d'une cause. Et de la mémoire de ceux qui sont passés au rouleau compresseur de la lutte entre colons portugais et le Front de Libération du Mozambique.


Le roman de Mia Couto est une oeuvre assez complexe, un texte totalement éclaté ou alternent les chapitres de composition différente : les premiers incarnent le récit au présent de narration du professeur de littérature, Diogo Santiago, fils d'un des plus grands poètes du pays, Adriano Santiago, qui revient dans sa ville natale quelques jours avant le cyclone qui mettra Beira à genoux en 2019. Ce qui s'avère être une banale invitation de l'université, se transforme bien vite en une plongée dans le passé, dont tous les secrets restent encore soigneusement préservés. Jusqu'à l'arrivée de Diogo. C'est l'objet de cette seconde catégorie de chapitres, composés de différents extraits de correspondance ou de journaux. Cela par le biais d'une femme dont il fait la rencontre, Liana Campos, et qui elle-même recèle ses propres zones d'ombres. Diogo et Liana sont liés tout deux par un événement vieux de quatre décennies, l'arrestation du père du premier par le père de la seconde, alors inspecteur de la PIDE, la police politique de l'état fasciste. C'est d'abord la rencontre entre deux personnes dont les aïeux étaient officiellement opposants, la femme portant pour héritage la honte familiale d'avoir servi le colonisateur, Diogo étant le fils de l'homme chez qui se réunissait les « taupes blanches », groupe d'intellectuels et poètes qui avaient le but de faire tomber le gouvernement. Comme le goût pour la littérature, et l'exercice de la poésie, le passage de flambeau est symbolisé par la transmission des documents qui ont échappé au feu de la honte à l'héritier du poète, son fils.

C'est un roman très fouillé, qui enchevêtre une ribambelle d'histoires individuelles et l'histoire politique du Mozambique, où les chapitres qui rendent compte des témoignages de tous les protagonistes du passé de Diogo et son père font écho à la narration qui les implique, comme si un arbre déroulait ses branchages à l'infini, en laissant entrevoir ses innombrables ramifications. le tout ayant pour cadre la chute de l'état colonial, dont la PIDE était garante de la sécurité. Moins surprenant puisque l'on parle d'un pays colonisé, mais toujours aussi révoltant, il faut s'habituer à lire les relents de ce racisme pur et dur des autochtones, ceux qui ont le malheur d'avoir cette peau noire jusqu'à la prière même ou ces derniers sont affublés de cinquante Ave Maria contre trente pour les blancs. Chacun porte sa croix, et sa culpabilité aussi lourdement, et dans celle-ci il n'y a pas de distinction de race quand ce même prêtre noir, se veut délateur en chef de ses autorités coloniales. Mia Couto a su dépeindre toutes les contradictions d'un pays asservi, qui dépasse cette fracture que la ségrégation a imposée – les taupes blanches sont effectivement blancs de peau, le prêtre collaborateur est noir – mais par la possession du pouvoir, ou du moins de l'appartenance à ses sphères, et à la classe dominante. Celle qui se complaît à toiser les colonisés depuis leur statut de notable. Et entre les dominés et les dominants, il y a comme d'habitude les intellectuels, les auteurs, les poètes, qui essaient d'apporter un sens au monde, de le changer, de rééquilibrer les forces en question.

Le texte pourvu une richesse historique et narrative indéniable à un point tel que l'on s'y perd parfois, il est agrémenté d'une recherche stylistique soignée et délicate, de celle dont on aurait envie de relever des phrases à chaque page. La poésie n'est donc pas seulement un des motifs de la trame narrative, elle articule le récit, d'un passé, d'une histoire, tous très tortueux, qui ont pu à certaines fois me laisser sur le côté de la route. Mais force est de constater à travers le destin du père de notre narrateur que la littérature possède un réel pouvoir qui menace, peut-être celui de la réflexion, de la remise en question, qui dérangent les fascistes de tous poils.

C'est un nouvel écrivain que je découvre ici avec la rentrée littéraire des Éditions Métailié, c'est une nouvelle fois une ouverture sur un pays dont je connaissais bien évidemment l'existence, mais qui n'est pas évoqué si souvent que cela dans le paysage littéraire qui est le nôtre. C'est un point du vu contrasté que Mia Couto nous livre là d'un pays qui n'est pas encore prêt à faire face à son passé. Mais, encore une fois, l'histoire nous montre l'importance que revêt l'homme des lettres dès lors qu'il devient un opposant au pouvoir en place. Et s'il y a bien un dieu dans cette histoire, il n'est certainement pas dans les églises dévoyées par le régime, mais dans le pouvoir de création des poètes mozambicains.


Lien : https://tempsdelectureblog.w..
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (202) Voir plus




{* *}