En résumé, « des garçons, il y a beaucoup à dire, mais en même temps pas grand chose ».
Au fond, Boris avait raison. J'étais dans l'erreur, décalé. L'amour ne passe pas certaines frontières, en dépit des illusions que mon caractère romantique m'avait collées dans la tête. J'étais condamné à l'aimer en secret. Ce serait un monologue. Pourtant, à bien y réfléchir, le dialogue pourrait s'établir autrement, dans un temps long.
Je décidai d'assumer mon état de fantôme : j'accompagnerai ma petite princesse vers sa destinée, discrètement, comme un garde du corps invisible. Une vie d'humain est rapide à l'échelle temporelle des fantômes, tôt ou tard elle me rejoindrait dans notre monde.
- Mes chers petits, vous devez d'abord savoir de quelle manière exactement naissent les fantômes ; vos parents ne sont qu'à moitié responsables de votre existence. C'est une chose que l'on n'apprend pas aux bébés fantômes : on leur dit qu'ils sont nés au sein d'une famille, comme cela se passe chez les humains. Or la vérité est ailleurs, une vérité que les humains connaissent : les spectres sont le résultat de l'émanation d'un défunt. C'est ainsi : nous sommes, vous êtes, l'émanation d'un mort. La décantation, l'essence ultime d'un dernier souffle.
Tous les chiens n’ont pas la délicatesse de Boulette.
Les fantômes ne meurent pas, que je sache !
De toute façon, un mort ne fait pas obligatoirement un fantôme, même un pendu dans un grenier.
Un fantôme peut-il vraiment mourir ? Je veux dire, mourir vraiment, puisqu'il n'est pas vivant, ou meurt-il pour un temps donné, des siècles peut-être avant de se réveiller d'une toute autre humeur ? Un fantôme n'est-il pas suffisamment virtuel pour éviter cette étape bien réelle qu'est la fin de la vie ?
Nous étions encadrés par des Fantômes Acides blond-jaune, que Robinson trouvait d’ailleurs sympathiques, et qui nous enseignaient la haine par le jeu ; activités physiques, camaraderie virile, célébration de la beauté et de la pureté héritées de notre ascendance. Nous avions un ennemi commun, disaient-ils, qui voulait notre perte, la fin de nos valeurs. Nous formions une entité indivisible, disaient-ils encore, nous avions la raison et l’Histoire avec nous. Il était de notre devoir de détruire cet ennemi, et de détruire tout ce qui pourrait nuire à l’intégrité de notre peuple.
Lili et moi étions à ce moment-là dans un épisode d’insouciance naïve. Ce fut une période précieuse mais courte, nous étions loin de nous douter des bouleversements qui nous attendaient. L’allégresse de Lili avait réussi à me faire oublier mes tourmentes, les journées étaient alors trop denses en émotions.
Un grand changement s’était opéré en moi. Un sentiment de fierté guidait dorénavant mes actions. J’avais grandi.
Je n’étais plus le petit fantôme domestique.
À présent, j’étais :
LE PETIT FANTÔME RÉSISTANT.