AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,03

sur 99 notes
5
20 avis
4
13 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
On pourrait penser que « Par-delà l'oubli » est un roman de plus sur la Shoah, mais il dépasse largement ce thème. La personne de René Blum, frère de Léon Blum, donne une autre dimension à ce livre.

Merci à Aurélien Cressely de nous faire découvrir la vie de ce grand homme oublié de l'Histoire. On est ému par les tourments personnels et le destin tragique de ce passionné d'art qui oeuvra toute sa vie pour la culture, en essayant de ne jamais se départir de son humanisme, même pendant sa déportation vers les camps de la mort.

A travers ce récit, c'est la complexité de l'être humain que l'on retrouve avec ses failles, ses joies, ses doutes, ses peurs. L'auteur décrit avec justesse les sentiments parfois ambivalents qui traversent ces hommes très éprouvés dans leur corps et dans leur âme.

Un livre avec une résonance toujours actuelle, qui interroge inlassablement sur la condition humaine et le rapport aux autres.

Un roman… qu'on n'oublie pas !
Commenter  J’apprécie          10
Un livre remarquable pour un homme si injustement oublié : René Blum, le frère de Léon. Il n'avait pas de talent politique mais c'était un amoureux de l'art et de la culture. Il a dirigé les ballets de Monaco dont il a été directeur et propriétaire. Sa troupe jouait en 1940 et 1941 à New-York, il pouvait donc y rester, mais un Blum ne fuit pas son pays quand il est en danger et que l'honneur de son nom est en jeu. Il est donc revenu à Paris, a été arrêté et est mort de façon atroce à Auschwitz, sans doute jeté vivant dans un four crématoire.

Le roman alterne les moments où René est interné et d'autres où on revit son glorieux passé. C'est une très bonne idée de construction car en découvrant tout ce que cet homme a fait pour le monde du spectacle on se dit mais pourquoi est-il tant oublié ? Je ne savais pas, par exemple, que c'est lui qui a convaincu Bernard Grasset de publier un amour de Swann de Marcel Proust dont il était un grand ami.

Les chapitres consacrés à son internement nous permet de croiser des personnalités qui ont tant donné pour la France, en effet René Blum a fait partie de la rafle des notables, des gens qui ont fait la guerre 14/18, sont revenus décorés et ont ensuite servi la France. Mais ces gens sont juifs et cela suffit pour sceller leur sort.

J'ai vraiment eu du mal à retenir mes larmes à la description des enfants qui avaient été arrachés à leur mère et qui arrivent à Drancy, des petits avec leurs doudous qui pleurent chaque nuit en appelant leur mère.

Le roman se termine pratiquement sur les cheminées d'Auschwitz, mais les mots de la fin sont ceux-ci

Son souvenir restera comme celui d'un homme bon, d'un homme d'art et de culture, d'un homme bienveillant, d'un homme intègre, d'un homme au destin tragique. en cela, la mémoire de René restera, même par-delà l'oubli.
Lien : https://luocine.fr/?p=17883
Commenter  J’apprécie          50
Par-delà l'oubli, voilà bien le titre idéal pour ce premier roman signé Aurélien Cressely ! En effet, ce livre sort de l'oubli le jeune frère de Léon Blum : René. Ce dernier a délaissé la politique pour se consacrer entièrement à la culture, à l'art, en travaillant pour le théâtre, la danse, la musique et la littérature.
Pour faire partager la vie de René Blum, né à Paris en 1878, Aurélien Cressely s'est bien gardé d'offrir un parcours linéaire. Par touches successives, partant de 1941, revenant à 1899 puis 1926, 1942, 1937, jonglant habilement avec périodes heureuses ou dramatiques, il m'a permis de découvrir un homme qui, par exemple, a permis à Marcel Proust de publier chez Grasset, du côté de chez Swann, roman refusé par les autres éditeurs.
D'emblée, Aurélien Cressely raconte l'arrestation de René Blum, le 12 décembre 1941. Ce sont trois fonctionnaires de la Préfecture de police qui viennent le chercher, l'arrêter parce que Juif. Comme son frère, Léon, il a refusé de fuir, de quitter son pays. Emmené en bus à l'École militaire, il y retrouve Jean-Jacques Bernard, un dramaturge avec qui il partage la même religion mais surtout la même passion pour le théâtre.
Judicieusement, alors que ces hommes sont rassemblés dans le manège à chevaux, l'auteur rappelle qu'au même moment, au palais Berlitz, se tient une exposition nommée « le Juif et la France » et qu'elle cible principalement Léon Blum qui fut, entre autres, Président du Conseil, c'est-à-dire chef du gouvernement du Front Populaire, en 1936. Depuis 1940, il est interné en Auvergne.
Pour René Blum, c'est le début d'un parcours fait d'humiliations, de souffrances, de faim, de froid, parcours partagé avec des milliers d'autres. Aurélien Cressely emploie des mots très forts, une formulation juste et pleine de sensibilité. Même si son ouvrage est centré sur un homme, il permet aussi de ne pas oublier toutes ces vies sacrifiées par l'idéologie nazie, bien aidée par l'antisémitisme au plus haut dans notre pays.
La carrière de René Blum comme journaliste lui permet de côtoyer le monde du spectacle. Ses critiques font évoluer le genre. Évoluant dans ce milieu, il rencontre des gens célèbres comme Bernard Grasset, Théophile Gauthier, Tristan Bernard ou Marcel Proust, déjà cité.
Ce monde de la culture est assez élitiste et j'avoue que la partie consacrée aux Ballets russes de Monte-Carlo m'a un peu ennuyé mais cela a fait partie de la vie de René Blum et je comprends qu'il ne fallait pas l'occulter.
Il ne faut pas oublier aussi que René Blum a connu un camp de prisonniers pendant la Première guerre mondiale. Comme beaucoup d'autres, il a éprouvé l'angoisse du retour, redouté l'accueil qui lui serait réservé alors que la vie s'est organisée en son absence.
René Blum est aussi un père de celui qu'il appelle affectueusement Minouchou, Claude-René, dont Josette, la mère, est séparée de lui. Hélas, ce fils a rejoint l'Action française, un mouvement d'extrême-droite.
À Drancy, René Blum assiste à l'arrivée des enfants séparés brutalement de leurs parents, est effrayé par les conséquences de la rafle du Vél' d'Hiv'. Lui qui fut le premier président du premier ciné-club de France, a été obligé de vendre les livres qu'il avait reliés lui-même, tellement la vie était devenue difficile en cette année 1941 si funeste.
René Blum méritait vraiment que sa vie, son apport important à la culture, soient rappelés, sa fin tragique aussi, à Auschwitz. Aurélien Cressely l'a réussi tout en me faisant ressentir une fois de plus toute l'horreur, l'injustice, le scandale de toutes ces vies brisées, de toutes ces souffrances insupportables que seule l'espèce dite humaine sait infliger à ses semblables.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1123
Dans la famille Blum, je connaissais le grand frère Léon, mais n'avait jamais entendu parler de René, le plus jeune frère. C'est désormais chose faite grâce à ce premier roman d'Aurélien Cressely.
L'auteur a découvert l'existence de René Blum grâce au livre de Anne Sinclair sur la rafle des notables. Car en décembre 1941, René Blum, comme bien d'autres hommes qui n'avaient en commun que le fait d'être nés juifs, ont connu l'horreur absolue au nom de leur religion.

Cet homme là est un amoureux des arts. Passionné et travailleur, il refuse de suivre le chemin proposé par ses parents pour réaliser ses aspirations les plus profondes, la promotion de l'art, la danse, la musique sous toutes leurs formes. Il a été tour à tour critique d'art, journaliste, promoteur des ballets russes de Diagilev puis directeur des ballets de Monaco.

Il sera aussi celui qui permettra l'édition des romans de Marcel Proust avec qui il nouera une profonde et sincère amitié.

À la suite de la rafle de 1941, il sera déplacé de Compiègne à Drancy, puis à Auschwitz.

Le récit alterne plusieurs époques et plusieurs voix. L'internement dans les différents camps de concentration, et le fil de la vie talentueuse et bien remplie de René Blum, fidèle par delà toute logique à la famille, à la droiture et à son frère. Lui qui avait une carrière toute tracée en Amérique revient en France pour aider son frère alors interné avant son procès. Au peril de sa vie, il reste toujours fidèle à sa ligne de conduite, garder sauf l'honneur des Blum en affrontant l'adversité sans jamais reculer face aux obligations. Retour qui le fait se jeter dans la gueule d'un loup à propos duquel trop peu avaient compris l'horreur qui les attendaient.
Il est indispensable de lire ce que les hommes ont été capables de faire pour comprendre qu'il faut encore et toujours tout faire pour ne plus jamais voir cela arriver. Mais hélas l'actualité brûlante nous fait craindre le pire.

J'ai aimé découvrir un homme passionnant, et ce rappel d'un contexte difficile qu'il ne faut jamais oublier.

https://domiclire.wordpress.com/2024/01/08/par-dela-loubli-aurelien-cressely/
Lien : https://domiclire.wordpress...
Commenter  J’apprécie          110
Vibrant hommage à un homme des Arts et des Lettres que fût René Blum, frère de Léon Blum.

Encore un très beau premier roman de cette rentrée littéraire de l'automne 2023.
Aurélien Cressely fait un splendide portrait de René Blum. Ce dernier ne nous est pas familier puisque sa vie n'a pas eu la même aura que celle de son frère. Mais la vie de cet homme n'en aura pas été moins méritante pour autant.
Pendant que Léon Blum est, de par le Front Populaire, sur le devant de la scène, René sera d'abord critique, puis journaliste, puis directeur du théâtre de Monte-Carlo pour enfin devenir diriger la compagnie de Ballets russes qui, au passage, fera le dit du grand danseur Nijinski. Il s'occupera de la troupe jusqu'à la toute fin de sa vie : il a alors 63 ans.
Aurélien Cressely nous fait voyager aux côtés de René Blum tantôt dans le monde des Arts aux cotés de grands peintres tels que Matisse, tantôt dans celui des Lettres aux côtés de Proust ou Pagnol. Il jouera par exemple les intermédiaires entre Marcel Proust et les éditions Grasset, puis auprès de Gallimard pour La Recherche.
Le cinéma l'attirera en toute fin de vie active.

On navigue judicieusement dans le temps. Au fil des chapitres, on se trouvera tantôt durant les périodes fastes et tantôt durant celle de sa fin tragique dans les camps de la mort.
En 1941 il décide, par dignité pour son nom, de rentrer en France. le 12 décembre 1941, sonnera sa fin tragique lorsqu'aura lui la rafle des notables de confession juive. Anne Sinclair a réalisé un documentaire concernant une partie de sa famille pareillement arrêtée et dans lequel elle nous parlait des mêmes scènes du quotidien de ces hommes enfermés. Documentaire aussi poignant que ce livre.
Cet humaniste a donc été arrêté, interné. On le suivra dans les camps français avec tout ce que cela sous-entend d'inhumanité. Il mourra comme tant d'autres sous les coups d'une barbarie sans nom.

La plume de l'auteur a cette sobriété qui sied à ce type de témoignage. Elle a cette finesse qui annonce la naissance d'un auteur français qui pourra se frayer un chemin parmi les grands.

Citations :
« Pourtant en ce jour si gris, elle n'avait pas su protéger ‘'son M. Blum'' lorsqu'ils pénétrèrent Elle le regarda s'éloigner, gravant dans sa mémoire chacun de ses mouvements, de ses gestes, passer la lourde porte en fonte, traverser la rue silencieuse, rentrer dans ‘'cette foutue voiture, avec ces foutus soldats, dans cette foutue guerre » s'écria-t-elle dans une colère froide et humide de larmes. »
« Il savait que les livres renfermaient l'âme du monde et, pour cela, il en cherchait le meilleur écrin. le livre est une porte vers l'ailleurs, vers tous les possibles qu'il faut chérir, qu'il faut protéger. Et restaient gravées en lui les images de ces livres brûlés, empilés, jetés, les flammes emportant toutes ces pages, tous ces mots. »
« René observait les autres hommes autour de lui. L'un d'eux, à quelques mètres, attira particulièrement son attention. Son regard était vide, ses yeux ailleurs. Où ? Nul ne le savait et ne pouvait le savoir, ses pensées étaient encore l'une des rares choses qu'il avait pu prendre avec lui. »

Et une phrase choisie par l'auteur et qui est de Chris Marker :
« Rien ne distingue les souvenirs des autres moments : ce n'est que plus tard qu'ils se font reconnaître, à leurs cicatrices. »
Commenter  J’apprécie          4810
Quand l'aîné avait la passion de la politique, le cadet avait celle des arts. Les deux avaient en commun l'engagement chevillé au corps. Quand on lui demandait s'il avait un lien avec Léon Blum, son frère aîné, René esquivait la question. On ne mélange pas la politique et les arts.
De décembre 1941 à septembre 1942, ce premier roman retrace les derniers mois d'un homme passionné et engagé. Alternant le récit de ces derniers mois et les moments importants de sa vie d'homme, de critique et de directeur de théâtre, l'auteur met sur le devant de la scène, un homme de l'ombre qui a oeuvré toute sa vie pour faire avancer le monde des arts.
Adolescent, René passe ses soirées dans les théâtres. Il vibre sous les tirades des classiques, il admire les metteurs en scène de l'époque. Ses journées sont occupées à observer les artistes et les critiques de la Revue blanche. Il n'est pas question pour lui de travailler dans l'entreprise familiale.
Il plonge dans l'art, écume les salles de spectacle de la capitale et critique à son tour. Dans son bureau, près de l'Opéra, il rédige des articles avec un regard qu'il veut passionné et neutre. Déjà, se pose la question de séparer l'homme de l'artiste et les critiques parlent parfois plus des polémiques autour d'un spectacle que du spectacle lui-même. René veut défendre les artistes. Il côtoie les comédiens, les écrivains et les peintres avant-gardistes de son époque. Dès qu'il peut apporter sa contribution, il n'hésite pas. Il se fait le lien entre les artistes et les financiers. Il est prêt à se ruiner pour qu'une compagnie survive. Il mettra toutes ses économies pour la survie de la compagnie des ballets de Monte-Carlo avec toujours comme mantra : Faire rêver les spectateurs pendant quelques heures, leur permettre de s'évader et de réfléchir autrement.
Arrêté au cours de la rafle des notables, René Blum passera ses derniers mois dans les camps de Compiègne et de Drancy, puis à Auschwitz où il perdra sa vie. Pour ne pas laisser la violence des événements prendre le dessus, il mettra en place des conférences sur les arts dans les camps, récitera des poèmes de tête accompagnés d'autres hommes de la scène.
D'une écriture maîtrisée et pleine d'émotions, l'auteur dessine le portrait d'un esthète, cultivé et amateur d'art qui passera sa vie à oeuvrer pour les artistes.

Lien : https://www.quandleslivresno..
Commenter  J’apprécie          40
C'est un très beau premier roman qui met en avant le destin oublié de René Blum, le frère oublié de Léon.

Par un jeu de double fil narratif, on va découvrir l'homme et la vie de René d'une part, et de l'autre sa fin tragique dans les camps depuis le moment de son arrestation à l'âge de 63 ans.

René est avant tout un homme d'honneur qui a toujours refusé tout privilège, il se devait de montrer l'exemple car l'honneur de son patronyme Blum était en danger.

René Blum a toujours été un défenseur des arts et de la littérature. Attiré par ce domaine dès son plus jeune âge, il a été critique pour le journal "Gil Blas", a contribué à faire connaître Proust, Pagnol. Il a dirigé le théâtre de Monte Carlo, est devenu propriétaire en 1937 de la Compagnie des Ballets qui avait rendu célèbre Nijinski et "Le sacre du printemps". Il a dirigé la troupe jusqu'à son arrestation. Il était rentré des États-Unis, toujours dans le but de sauvegarder l'honneur du nom des BLUM, c'était son devoir d'être là.

Le 12 décembre 1941, lors de la rafle des notables, lui français est arrêté, coupable d'être juif et devient un étranger dans son propre pays.

Aurélien Cressely décrit alors son internement, la vie des camps en France, où René va organiser et participer activement à des causeries pour oublier leur condition, la déshumanisation qu'on leur fait subir. On va vivre avec lui les fausses libérations, la déportation et son rendez-vous avec la mort.

Ce livre est très documenté, il nous fait découvrir un homme attachant, profondément humain. Il permet de mettrre en lumière sa vie, son combat pour les arts et de le sortir de l'ombre.

La plume est sensible, sobre et d'une très grande justesse. Un premier roman prometteur et bouleversant.
Lien : https://nathavh49.blogspot.c..
Commenter  J’apprécie          60
Rentrée Littéraire 2023

Aurélien Cressely a reçu pour son premier roman les Talents Cultura 2023. A l'occasion de la remise de ce prix début octobre à Paris, il a expliqué comment il a découvert l'existence de René Blum : grâce à un panneau de nom de rue devant lequel il passait tous les jours.

Après avoir effectué des recherches, il a décidé de remettre dans la lumière celui qui fut un grand défenseur de la Culture en France, en plus d'être le frère cadet de Léon Blum et grand ami de Marcel Proust.

Arrêté en décembre 1941 par la police française en raison de sa judéité avec d'autres notables, incarcéré dans des conditions terribles, il n'eut pourtant de cesse de faire vivre malgré tout la culture dans ce camp.

» René dédia sa vie à promouvoir la représentation artistique. L'art permettait de traduire la conscience, de retranscrire des époques, de révéler des peurs, et contribuait à réduire l'ignorance. René s'était battu jusqu'à sa ruine pour donner aux artistes les moyens d'exprimer leur art. Une vie passée auprès d'eux. Pour eux. «

En dépit de toutes les infâmies subies, René Blum décida d'être jusqu'au bout un homme digne. Par conviction d'une part mais aussi en raison de la position de son frère Léon.

» Il restait néanmoins le frère de Léon Blum. Depuis l'évocation du Front populaire, René avait bien senti les regards sur lui, directement ou subrepticement. Au camp, l'information avait largement circulé sur la présence du frère de Léon Blum. René le savait bien. Toute sa vie, il avait vécu avec ce halo fraternel. Il était parfois pesant. René avait ainsi toujours fait le nécessaire pour éviter toute suspicion de connivences pouvant mettre en difficulté Léon. »

J'ai été touchée par le destin de René Blum auquel Aurélien Cressely rend hommage avec une plume tout en délicatesse et intelligence. Un très beau roman.
Commenter  J’apprécie          60
Librairie Chantelivre- Issy- les- Moulineaux/ 14 octobre 2023


Un gigantesque choc d'émotions bouleversantes et dans un même élan, une toute aussi gigantesque gratitude à l'auteur, Aurélien Cressely, pour avoir sorti de l'ombre cet homme incroyable, René Blum, le frère cadet du célébrissime Léon...

Autant de Léon Blum, presque chacun connaît le très courageux parcours politique , autant on méconnaît les talents et la personnalité fort charismatique du cadet, René. Ce dernier, toutefois, était réfractaire et désintéressé de la politique. En contrepartie, il était totalement investi par le domaine multiple des Arts...

Son parcours est d'ailleurs fort impressionnant que cela soit dans les domaines du Théâtre, de la Musique, de la danse, de l'édition, etc.

Ses engagements étaient aussi absolutistes que ceux de Léon...mais...dans le Monde artistique..

Ce 1er roman fort documenté commence par l'arrestation de Léon, en décembre 1941; le récit alternera entre la remontée dans le passé
( depuis 1893) et le présent atroce de ses différents lieux d'emprisonnement, d'internements...jusqu'à l'ultime septembre 1942...

(*Les toutes 1ères lignes: )

" 12 décembre 1941

En ouvrant la porte, il n'exprima aucune surprise. Il savait.
En rentrant en France, à Paris, il savait que ce jour adviendrait.Comment feindre la surprise ? Les trois hommes qui lui faisaient face, ils étaient tels qu'il les avait imaginés, durs, sans regard, sans émotion. " Monsieur Blum?" lui demanda le premier homme.Attendait-il au moins une réponse ?
Lui, René Blum, directeur de théâtre, Croix de guerre et frère de Léon."

En sus de la tragédie , et des barbaries historiques de la 1ere et 2nde guerre mondiale que l'on " relit", ce récit nous fait revivre et découvrir les événements culturels allant de la fin 19e aux années 40...
Le premier éclat culturel raconté est daté du 10 novembre 1893, représentation et mise en scène audacieuse d'" Un ennemi du peuple" par Lugné- Poe, aux Bouffes du Nord....René y assistait; il n'avait que 15 ans...et pour lui, c'est le choc et la conviction est née qu'il est fait, d'une manière ou d'une autre, pour ce monde fantastique du Théâtre....

René sera en effet un brillant directeur de théâtre...mais pas que...il s'essaiera sans vrai succès à l'Édition (*** Toutefois, rappelons qu'il sera un artisan non négligeable pour faire publier son ami, Marcel Proust), pour réaliser au final, son rêve en s'endettant, en s'engageant totalement pour reprendre une direction et pas des moindres : celle des Ballets russes, après Diaghilev...

Juste INCROYABLE !...

Cependant René Blum n'est pas seulement un homme exceptionnellement compétent, talentueux, curieux de tout, passionné sans limites pour tout ce qui touche l'ART et la CULTURE....c'est aussi un être bienveillant, un homme d'honneur et de fidélité absolue...à ses amis, ses frères, sa famille, etc.

Ainsi, il aurait pu "sauver sa peau" en restant aux États-unis où il réussissait brillamment dans son domaine...Mais profondément préoccupé par le sort et l'emprisonnement de son frère, Léon, il décide de revenir en France, pour être près de lui, agir pour le protéger...

Décision qui , très malheureusement, signera le pire pour lui...

Une lecture indispensable mais combien tragique, interpellante...dérangeante dans le rappel et les répétitions désespérantes des Barbaries créées par les hommes, les gouvernements , les États...

Je renouvelle ma gratitude à l'auteur de nous avoir fait rencontré cet homme fantastique, que fut René Blum, Homme de Culture et "Sage parmi les sages"...Une destinée exemplaire , donnant , par son chemin, ses choix, une sacrée leçon d'humanité et de tolérance, en ces temps s'assombrissant extrêmement...

J'aimerais achever sur un extrait exprimant l'amplitude du goût de René Blum pour la Culture, et aussi plus spécialement pour les Livres, qu'il reliait lui-même...sans oublier sa conviction, quen dépit de tout, la Lecture, les Livres sont des lumières, des boucliers contre le racisme et la haine...

"Quand reverrait-il cette belle
bâtisse ? Sa bibliothèque et ses livres, si chers à son coeur, livres qu'il avait reliés lui-même , choisissant les cuirs les plus précieux, les plus épais.Il avait voulu en faire des objets raffinés et rares, telles des oeuvres d'art.
Il connaissait l'importance du beau, lui qui avait fait de l'esthétisme son métier, son obsession, son fardeau, le cherchant, le prônant, l'instruisant tout au long de sa vie.
Il savait que les livres renfermaient l'âme du monde, et, pour cela, il en recherchait le meilleur écrin. le livre est une porte vers l'ailleurs , vers tous les possibles qu'il faut chérir, qu'il faut protéger. Et restaient gravées en lui les images de ces livres brûlés, empilés, jetés, les flammes emportant toutes ces pages, tous ces mots. "


Impossible de sortir indemne de cette lecture !
Commenter  J’apprécie          386

Quelle belle écriture ! Simple, précise, juste. Elle accompagne parfaitement l'histoire de René Blum, le frère de Léon.
Le frère oublié, quasiment inconnu, auquel l'auteur rend un juste hommage : « J'ai voulu rendre hommage à la mémoire de René Blum, mais aussi à tous ceux qui ont disparu avec lui. Ce récit leur est dédié. »

12 décembre 1941 : la rafle de l'élite intellectuelle des hommes juifs de nationalité française. René Blum a 63 ans, il en fait partie.
« René ne demanda pas non plus la raison de son arrestation, il en connaissait le motif. Il était juif. Coupable d'être juif. (…) Il entra français et juif et en ressortit juif et français. Cette simple mention lui attribuait désormais un statut et une race et lui ôtait ses droits et ses libertés. Il avait cette impression singulière de devenir étranger dans son propre pays. Un pays qu'il ne parvenait plus à reconnaître. »

Deux temporalités pour ce récit :
- le destin tragique de René Blum à compter de décembre 1941.
- Sa personnalité et sa vie à partir de 1893.

La partie la plus émouvante se situe dans les différents camps d'internement français où René Blum a été « baladé » durant 9 mois, avant d'être déporté à Auschwitz.
A deux reprises, on lui fait même croire qu'il va être libéré.
Il raconte la tentative de survivre, de rester des hommes. L'organisation des soirées où pendant quelques heures, les détenus oublient leur statut. Je pense notamment aux soirées à thèmes, comme celle de la présentation du fonctionnement de l'aiguillage des trains : « Ce soir là, peut-être pour la première fois depuis leur arrestation, on vit quelques hommes sourire. Entre ces quatre murs, aussi sinistres soient-ils, on apprenait, on interrogeait, on plaisantait, on s'évadait. »

Il évoque ses souvenirs, ses regrets : « les échecs, la déception, la peur avaient été présents. Il aurait souhaité allé chercher au plus profond de lui ce qu'il avait à dire mais il n'en avait rien fait. Lui dont le métier est d'exprimer et de retransmettre, quel paradoxe…
Il y évoque la peur : « René restait dans l'obscurité. (…) Il savait que s'il ouvrait les yeux des hommes lui feraient face. Des hommes comme lui. Comme dans un miroir, il y verrait la peur sur leurs visages, la douleur dans leurs yeux, la colère sur leurs bouches. Il y verrait des humiliés, effrayés par l'idée de la mort. »
Le désespoir aussi, surtout à partir du moment où les enfants sont déportés : « Mais où était l'humanité ? L'humanité n'existait plus à Drancy. Elle avait laissé place à l'immonde. »

L'autre partie du récit est consacré à « sa vie d'avant ». A partir de 1893, où il est critique pour le journal Gil Blas ( un quotidien français à forte tonalité littéraire). On comprend vite qu'il a envie de s'engager plus loin, toujours plus loin au service de l'art. Il devient alors directeur du théâtre de Monte-Carlo. Il finira par la reprise de la Compagnie des Ballets russes de Diaghilev.
Sacré challenge que de reprendre après Diaghilev ! Il y laissera d'ailleurs des plumes, au niveau financier et personnel. Quelqu'un qui s'engage jusqu'à se mettre en danger, pour ce en quoi il croie. Ce qui a porté sa vie d'un bout à l'autre.
Il aime le Beau. Qu'il s'agisse des livres, de l'art, de la danse.
« René dédia sa vie à promouvoir la représentation artistique. L'art permettait de traduire la conscience, de retranscrire des époques, de révéler, des peurs et contribuait à réduire l'ignorance. René s'était battu jusqu'à sa ruine pour donner aux artistes les moyens d'exprimer leur art. Une vie passée auprès d'eux. Pour eux. »
Un très beau portrait tout en retenue pour évoquer les émotions, les peurs de René Blum. Je pense d'ailleurs que l'auteur a parfaitement saisi sa personnalité, et l'a bien restituée. Un homme qui ne s'épanche pas, qui garde pour lui ses émotions, les refoule même, si elles gênent son projet.

Merci Aurélien Cressely d'avoir rendu hommage à ce passionné, cet homme de valeurs. Quelqu'un de bien.
Et félicitations, pour un premier roman ! Récit maitrisé, bien documenté et plume magnifique !

Merci à lecteurs.com et aux Editions Gallimard de m'avoir permis de découvrir cette biographie et cet auteur.

Instagram : commelaplume

Lien : https://commelaplume.blogspo..
Commenter  J’apprécie          170




Lecteurs (282) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3236 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}