Citations sur La Petite Dernière (143)
Je détestais qu’on m’appelle « ma belle ». (page 21)
Ils disent qu’oublier mon traitement, c’est refuser de prendre soin de moi, de mon corps, de ma santé.
« Ils » : ceux qui ont essayé de me faire comprendre ma maladie, que je ne comprends pas.
Pneumologues, médecins, infirmiers, kinés. (page 20)
Je m’appelle Fatima. Je suis une petite chamelle sevrée.
Je suis la mazoziya, la dernière. La petite dernière.
Avant moi, il y a trois filles.
Mon père espérait que je serais un garçon.
Pendant l’enfance, il m’appelle wlidi, « mon petit fils ».
Je crois que je communique mieux qu’avant. J'arrive à dire “ça me fait plaisir que…”, “merci pour…”, “j’ai aimé passer du temps avec toi”, mais j’ai encore l’impression d’en dire trop. Parfois, j’exprime mes émotions avec distance et retenue. Parfois, ça ne donne rien. Parfois je me bloque. Je me tais. Parfois, je parle trop.
Je m’appelle Fatima.
Je porte le nom d’un personnage symbolique en islam.
Je porte un nom auquel il faut rendre honneur. Un nom qu’il ne faut pas « salir » comme on dit chez moi.
Chez moi, salir, c’est déshonorer. Wassekh, en arabe algérien.
Après un certain temps je ressens la fatigue des transports, celle qui te conduit à avoir une migraine à peu près à la même heure chaque soir, qui te fait découvrir la vieillesse de ton organisme prématurément, qui empiète sur ton humeur, t’incite à avoir des réactions excessives, à râler presque tout autant que les parisiens et à voir des montées de colère difficilement contrôlables.
Je me sens obligée de jouer à la justicière, de défendre les autres, de parler à leur place, de porter leurs paroles, de les rassurer, de les sauver.
Je cherche une stabilité. Parce que c’est difficile d’être toujours à côté, à côté des autres, jamais avec eux, à côté de sa vie, à côté de la plaque.
C’est savoureux de reconnaître un visage, une voix, une expression, une mimique.
Je ne supporte plus les phrases qui se terminent par “avec le temps”. Je ne supporte plus trop l’attente.