MALGRÉ LES SARCASMES DES UNS
malgré l'indulgence des autres
et au grand dam des uns
et au grand dam des autres
plaise à mon coeur
mis un instant à nu
d'afficher sur les murs et autres lieux de la ville
de crier à tue-tête sur les toits de la ville
à bas TOUT
vive RIEN
"TOUJOURS CES MOTS
toujours les mêmes
dont il ne semble pas
qu'elle ait encore
jamais jamais
saisi sur l'heure
toute l'inutile cruauté"
Nous les gueux
nous les peu
nous les rien
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres
Je suis né disais-tu au bout …
Extrait 10
Et n’enlevaient ce fort goût d’amertume
que laisse à la bouche au réveil une nuit d’insomnie
ni la tiédeur du soleil matutinal qui ranimait déjà toutes choses
ni la volubilité des vieilles édentées en madras calendé
martelant la chaussée d’aise au sortir du premier office
où le dieu de la veille
fut à nouveau loué
glorifié prié
et chanté à voix basse
ni l’odeur rose des dahlias du jardin qu’argentait la rosée
ni les cris savoureux de la rue qu’assoiffaient
la bié nan-nan
côrôssôl
papaye
coco
Et la maison était triste et basse
où la vie se déroulait mollement
en bordure de la rue étroite et silencieuse
qu e le bruit de la ville
traversait à peine
Mort au Cancre
au pou
mort au Chancre
au fou
et
sus au dévoyé
ont encore hurlé
ceux qui nombreux disent tous m'avoir à l'œil me regarder vivre
et ceux
ceux parlons-en
qui vagissent de rage et de honte
de naître aux Antilles
de naître en Guyane
de naître partout ailleurs qu'en bordure
de la Seine ou du Rhône
du Danube ou du Rhin
ou de la Volga
(...)
Ceux qui se refusent une âme
ceux qui se méprisent
ceux qui n'ont pour eux-mêmes et leurs proches
que honte et lâcheté
(...)
BLACK-LABEL À BOIRE
pour ne pas changer
Black-Label à boire
à quoi bon changer
AVEC UN RIEN MÊME DE DÉDAIN
dans le regard ouvert de stupeur
la lune
jaune ronde et belle
semble dire à voix basse
En auront-ils bientôt fini les fous
de mitrailler le ciel
de s'en prendre aux étoiles
de tonner sans vergogne
contre ces nuits
où j'eusse aimé
dormir
dormir un seul
et long soûl
d'homme ivre
et
rêver
rêver encore
tout à l'aise encore
d'ELLE
Graffiti - 1952
Je suis né disais-tu au bout …
Extrait 7
Les vacances toujours proches à Rémire
où les cousins parlaient si librement patois
crachaient si aisément par terre
sifflaient si joliment un air
lâchaient si franchement un rot
et autres choses encore
sans crainte d’être
jamais mis au pain sec
ni jetés au cachot
Désirs comprimés
…
Je suis né disais-tu au bout …
Extrait 3
De Buzaret dont l’ombre rafraîchit
et les rochers depuis toujours supportant
plus d’une amour ardente et chaude
De l’Anse des Amandiers
que nargue l’Enfant Perdu dans sa détresse de phare
De Catayé où vont crever de vanité les cerfs-volants des Amandiers
qui n’en peuvent mais de faire
le joli cœur au Ciel
Du Dégrad nouveau
De la Pointe qui mène à Kourou
où l’Indien eût
un soupçon de revanche
De la crique encombrée de pirogues
De la Place des Palmistes
à ton cœur pourtant si proche
ne parvenait guère
le souffle même de l’Orénoque
ton Orénoque
Rivé à la médiocrité du sort
petit-bourgeois crépu
ton âme était d’emprunt
ton corps emmailloté
ton cœur un long soupir
…
Je suis né disais-tu au bout …
Extrait 9
Le mot sale entendu quelque part et qu’un jour
mine de rien
tu servirais à table
au risque de te voir
ou privé de dessert
ou privé de sortie
ou privé des dix sous du dimanche
à mettre en tirelire
Désirs comprimés
dont s’emplissaient tes nuits qu’agitaient
des leçons ânonnées en dodine
…