Je suis né disais-tu au bout …
Extrait 3
De Buzaret dont l’ombre rafraîchit
et les rochers depuis toujours supportant
plus d’une amour ardente et chaude
De l’Anse des Amandiers
que nargue l’Enfant Perdu dans sa détresse de phare
De Catayé où vont crever de vanité les cerfs-volants des Amandiers
qui n’en peuvent mais de faire
le joli cœur au Ciel
Du Dégrad nouveau
De la Pointe qui mène à Kourou
où l’Indien eût
un soupçon de revanche
De la crique encombrée de pirogues
De la Place des Palmistes
à ton cœur pourtant si proche
ne parvenait guère
le souffle même de l’Orénoque
ton Orénoque
Rivé à la médiocrité du sort
petit-bourgeois crépu
ton âme était d’emprunt
ton corps emmailloté
ton cœur un long soupir
…
Je suis né disais-tu au bout …
Extrait 2
Du vieux Dégradé-des-Cannes
témoin de ce qui fut le temps des négriers
Des chutes de Rorota dont l’eau est belle à voir et bonne à boire
De Montalbo la Plage huppée
De Bourda le fief du vieux-blanc-en-chef de l’heure
De Châton dont le sable gris-deuil voit s’en revenir
non sans mal du Large
violâtres
défigurés
gonflés
pareils à de gros-ventres
les cadavres de ceux qu’attire Châton à Pâques et à Pentecôte
et que Dieu dans sa mansuétude
punit si gentiment en les noyant à Pâques et à Pentecôte
pour n’avoir pas à la Sainte Table
communié en Dieu à Pâques et à Pentecôte
mais pour avoir à Châton fait ripaille
à Pâques et à Pentecôte
…
Je suis né disais-tu au bout …
Extrait 1
‒ Je suis né disais-tu au bout
tout au bout du monde
là-bas
entre
la montagne Tigre
et le Fort-Cépérou qui regarde la Mer dîner de soleil
de palétuviers et d’algues
à l’heure où la nuit tombe
sans crier gare au crépuscule
…
Nous les gueux
nous les peu
nous les rien
nous les chiens
nous les maigres
nous les Nègres
MALGRÉ LES SARCASMES DES UNS
malgré l'indulgence des autres
et au grand dam des uns
et au grand dam des autres
plaise à mon coeur
mis un instant à nu
d'afficher sur les murs et autres lieux de la ville
de crier à tue-tête sur les toits de la ville
à bas TOUT
vive RIEN
AVEC UN RIEN MÊME DE DÉDAIN
dans le regard ouvert de stupeur
la lune
jaune ronde et belle
semble dire à voix basse
En auront-ils bientôt fini les fous
de mitrailler le ciel
de s'en prendre aux étoiles
de tonner sans vergogne
contre ces nuits
où j'eusse aimé
dormir
dormir un seul
et long soûl
d'homme ivre
et
rêver
rêver encore
tout à l'aise encore
d'ELLE
Graffiti - 1952
Mort au Cancre
au pou
mort au Chancre
au fou
et
sus au dévoyé
ont encore hurlé
ceux qui nombreux disent tous m'avoir à l'œil me regarder vivre
et ceux
ceux parlons-en
qui vagissent de rage et de honte
de naître aux Antilles
de naître en Guyane
de naître partout ailleurs qu'en bordure
de la Seine ou du Rhône
du Danube ou du Rhin
ou de la Volga
(...)
Ceux qui se refusent une âme
ceux qui se méprisent
ceux qui n'ont pour eux-mêmes et leurs proches
que honte et lâcheté
(...)
BLACK-LABEL À BOIRE
pour ne pas changer
Black-Label à boire
à quoi bon changer