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Critique de Patlancien


« Golgoth se ramassa et se redressa de toute sa hauteur sur ses pieds, et il frappa des deux bras en même temps la paroi de métal blanc. À la vue du col, il souleva sa visière durcie de gel, inspira du plus fort qu'il put dans le tunnel de neige de son nez et cracha au vent. Puis il prit conscience de ma présence à sa droite et ça monta en lui, incompressible, énorme, aussi sourd d'abord qu'une avalanche puis, aussi clair dans les deux dernières syllabes, qu'un éclat de pierre :
— Noooorrr… Nnnnnooorrrr… Nnnnnooooorrrrr… NORS-KA ! Noooorrr… Nnnnooorrrr… Nnnnnooooorrrrr… NORS-KA ! »

Comment ne pas commencer la 610e critique du roman sans le cri du traceur Golgoth face au mur de la Nors-ka ?

Comment résumer un livre lu en 30 jours quand leur quête a duré 30 ans ?

Comment raconter l'histoire de 23 personnages aussi attachants les uns comme les autres ?

Comment définir un roman choral atypique qui commence à la page 521 pour finir à la page zéro ?

Comment réussir à convaincre de futurs lecteurs de devoir s'accrocher aux 20, 40, 50, 100 et même 150 premiers pages de l'ouvrage ?

Comment ne pas comprendre l'importance de l'origine du vent si on ne vit pas soi-même sur le monde de la Horde du Contrevent ? Si on ne vit pas comme moi-même dans les Hauts de France, à quelques pas des Deux caps (Gris nez et Blanc nez) où le vent souffle 365 jours par an.

Comment accepter que le feu soit un dérivé de la stèche, que l'eau soit un vent décéléré et épaissi venant du choon et que l'air soit un vent stationnaire… Qu'un chagrin d'amour soit comme une journée de spleen sous slamino.

Et comment ne pas se perdre sur la terre du contre ? Pour cela, il faut prendre l'axe de bellini une ligne imaginaire tracée à mi-chemin des pôles. C'est la route la plus directe qui va d'Aberlaas à Port choon, de Chawondasee en traversant la flaque de Lapasane jusqu'au Port Hurle dont le vent permet la lévitation d'Alticcio, et de camp boban au défilé de la Norksa…C'est la bande de contre qui doit vous permettre d'aller jusqu'au bout de l'extrême-amont qui a découragé tant de Hordiers par le passé.

Comment parcourir cette terre à la physique inconnue, où les moyens de transport comme les hélicornes ou les drakkairs et autres vélivélos n'existent pas dans notre monde, où certains animaux font des apparitions sans qu'on sache s'ils appartiennent au règne végétal ou minéral. Où les Chrones aériens côtoient les iloméduses, les gorces pâturent, le lorsque sommeille et le quoique dissone. Et où on ne saura jamais ce que sont les « muages ».

Comment savoir où l'on va si on ne sait pas d'où l'on vient… Sur cette bande de contre de 5 000 kilomètres de long avec à droite et à gauche des étendues de glace infranchissables, un vent furieux souffle de l'amont vers l'aval. Avec une ville de départ qu'est Aberlaas, située à l'extrême-aval et un lieu d'arrivée où prend naissance ce vent, il y a une horde de 23 hommes et femmes qui commence leur quête à l'âge de 10 ans et que l'on rejoint 30 ans plus tard. Une horde au numéro 34 qui porte tous les espoirs d'une humanité qui envoie depuis 8 siècles des individus ultras entrainés pour un seul but : remonter l'écoulement de ce vent à travers plaines, mers et montagnes et consigner leur périple pour aider les hordes suivantes s'ils échouaient comme leurs prédécesseurs.

Comment appréhender un livre au style innovant, aux mots inexistants, où le scenario lui-même est dépourvu d'entrée en matière… Où on se retrouve brutalement dans un roman bourré de métaphores, de néologismes, où il faut réapprendre à chaque page à lire et à comprendre le sens des phrases. Où des symboles remplacent le nom des personnages, des personnages qui ont des fonctions précises et qui parlent souvent par énigmes. Où même les mots d'insultes ou d'argots sont inventés. Et pourtant, on se muscle le cerveau et avec la magie opérant d'un Alain Damasio, on finit au fur et à mesure à comprendre son écriture et à l'apprécier.

Comment aussi réussir à convaincre de futurs lecteurs qu'Alain Damasio est de la même trempe qu'un JRR Tolkien ou qu'un Frank Herbert. Que la recherche des neuf formes du vent par sa Horde est du même acabit que la quête de Frodon Sacquet pour détruire l'anneau unique ou que la possession d'Arrakis et de son Épice par Paul Atrèides. La Horde fait partie de ces romans qui résistent à l'usure du temps, et qui feront encore parler d'eux comme s'ils étaient sortis hier, continuant à nourrir des débats, des interrogations, des polémiques…

Golgoth, Pietro, Sov, Caracole, Erg, Talweg, Firost, Tourse, Steppe, Arval, Darbon, Horst et Kars, Oroshi, Alme, Aoi, Larco, Léarch, Callirhoé, Silamphre, Coriolis, Sveziest, Barbak, attendez-moi…Je veux continuer l'aventure avec vous et contrer en diamant… dans le Pack !!!

Merci à Chrystèle, Paul, Eric pour leur enthousiasme communicatif et aussi à Bernard pour ses réticences, vos opinions m'ont été nécessaires pour rentrer dans le « Vif » de ce sujet…

« Quand j'en ai assez de l'ombre, je prends un livre sur le mur pour voir un peu de ciel. »
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