Qui ne peut pas pleurer en souffre davantage.
La larme qui n’est pas en un sanglot versée
s’écoule à l’intérieur et y commet ravage.
Le mal est invisible, et l’âme transpercée.
Ainsi les deux tribus, d’un avais unanime,
Séparèrent la rose de son rossignol,
Tranchèrent violemment entre racine et cime
Cachèrent le soleil aux yeux du tournesol.
Qui pourrait reprocher au ruisseau de couler,
à la hyène de rire, au fauve de rugir,
au saule de trembler, à l’oiseau de voler,
à la rose d’éclore et au bœuf de mugir ?
Leïli, quant à elle, avait en héritage
des paupières battant comme ailes de colombe,
des lèvres de rubis, la lune pour visage,
des collines pour seins, un val au creux des lombes.
Ils versèrent tous deux des larmes si amères
Qu’une seule aurait pu changer en bile, en fiel
Les rivières, les lacs, l’océan et les mers
Un seul de leurs sanglots aurait troublé le ciel
Leurs âmes transpercées, comme lardées d’échardes,
D’épines par milliers et de morceaux de verre,
Ils erraient, gémissant, vêtus de pauvres hardes
un seul de leurs soupirs aurait ému la Terre.
Leïli, quand à elle, avait en héritage
Des paupières battant comme ailes de colombe,
Des lèvres de rubis, la lune pour visage,
Des collines pour seins, un val au creux des lombes.
D’autres bêtes venues des sept climats du monde,
attirées par la voix de ce frère d’Orphée,
s’immergeaient à leur tour dans la transe profonde
de ceux qui sont entrés dans un cercle de fée.
Ainsi Majnoun devint roi d’une étrange cour
Entouré d’animaux à ses lèvres pendus.
Son cœur était l’oiseau et Qaïs l’oiseleur.
Or, de son geôlier, elle était geôlière et détenait
la clef du cœur de l’engeôleur.
Maints poètes d'hier ont tressé lignes d'encre
Y ont enchâssé lots de rubis, de diamants,
Ce lac de joailler l'ont jeté telle une ancre
Pour amarrer nos cœurs à l'île des amants
Pudeur et honneur sont une muselière dont l'homme a recouvert la bouche de la femme.