AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,26

sur 91 notes
5
24 avis
4
5 avis
3
3 avis
2
1 avis
1
0 avis
Prix Orange de la BD 2023.

Yann Damezin, merveilleux dessinateur, s'est emparé d'un vieux conte oriental, Majnoun et Leïli, pour retracer cette belle et terrible histoire d'amour, la sous-titrant « Chants d'outre-tombe ». Édité par La Boîte à Bulles, ce superbe album est beaucoup plus qu'une BD et le Prix Orange 2023 de la BD a eu le mérite de sortir ce livre de l'anonymat.
Que c'est beau ! Quelle poésie !

Déjà, la couverture m'éblouit mais les premières pages sont un véritable enchantement alors que Yann Damezin n'oublie pas de rappeler les noms des trois poètes-écrivains à l'origine de cette douloureuse et pourtant belle histoire : Nezâmi, Jâmi et Khosow de Delhi.
Leïli est si belle, Qaïs est tellement amoureux qu'un étranger le nomme Majnoun, surnom donné aux fous, fou d'amour, ici. Ce nom lui restera.
Que de couleurs ! Que d'arabesques !

Majnoun donc ne cesse de déclamer son amour, de le chanter mais le père de Leïli, un homme dur, rigoriste, sévère, ne veut pas que sa fille l'épouse et le père de Majnoun est d'accord. On sépare donc les amoureux.
Que de tristesse ! Que de larmes !

Le conte devient de plus en plus émouvant, bouleversant même, et je sens que cela va empirer, même si, en mon coeur, j'espère toujours… Les animaux se joignent de la partie, sont unis et solidaires avec les amants. Les dessins sont toujours aussi impressionnants, une vraie avalanche de couleurs très bien mises en valeur par l'imprimeur. Ce livre est un véritable délice pour les yeux sauf pour le texte que j'ai eu un peu de mal à déchiffrer alors qu'il est très beau.
Le livre devient même féministe défendant la cause des femmes au travers du sort de Leïli, obligée par ses parents d'épouser un homme qu'elle n'a pas choisi.
Dans le deuxième chapitre intitulé « le chant du pourrissement », cela vire au gore. La double page d'un réalisme poétique glaçant montrant le corps de Majnoun se décomposant m'a terriblement impressionné. C'est macabre et beau.
Le « Contrechant » du troisième chapitre tente d'apporter une conclusion positive au conte. Enfin, sans la moindre couleur cette fois, la page finale de lexique m'a été très utile.
Magnifique, émouvant, terrible, macabre, ce conte oriental a retrouvé une nouvelle vie grâce à Yann Damezin qui me l'a fait connaître avec un festival de couleurs. Aussi, je remercie Nicolas Zwirn et Lecteurs.com qui m'ont permis de me régaler, d'être attristé et emporté jusqu'au bout par l'histoire de ces deux amoureux fous : Leïli et Majnoun.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          962
Majnoun et Leïli de Yann Damezin, lauréat 2023 du Prix Orange de la BD est le plus célèbre conte amoureux du Proche et du Moyen Orient adapté en poème graphique. Cette triste et douloureuse histoire aurait été transmise oralement par les Bédouins jusqu'à sa versification en langue persane par Nezâmi au XIIe siècle. Khosrow et Djami écrivirent ensuite leur version.
Yann Damezin, illustrateur et auteur de bande dessinée villeurbannais nous offre avec cet album une version moderne de Majnoun et Leïli, une véritable ode à l'amour tragique.
Leïli et Qaïs s'aiment en secret depuis leur tendre enfance. L'amour va croissant, l'amant se fait poète et chante, psalmodiant partout le nom de son aimée. Tant de passion et de ferveur lui valent bientôt le surnom de Majnoun (le fou).
Cet amour fou va être contrarié, les pères des deux amants refusant leur union :
« Ainsi les deux tribus, d'un avis unanime,
séparèrent la rose de son rossignol,
tranchèrent violemment entre racine et cime,
cachèrent le soleil aux yeux du tournesol. »
La magnifique couverture augure déjà d'une belle découverte, mais elle n'est qu'une sorte d'apéritif tant le contenu est une véritable symphonie, une somptueuse alchimie entre la miniature persane et les alexandrins.
Un peu réservée au départ car n'ayant pas eu la chance de rencontrer un tel graphisme associé de plus à des alexandrins, j'ai, très rapidement, été conquise par la luxuriance, la précision, la finesse des dessins aux couleurs chatoyantes, inspirés des miniatures persanes, nous entraînant dans un monde onirique.
Le récit savamment transcrit en alexandrins ne se borne pas à relater un amour hors du commun. Il aborde également l'ascétisme, la mort, de façon parfois crue mais réaliste, le patriarcat, et la condition féminine.
Yann Damezin n'hésite pas à donner la parole à Leïli, lui permettant d'exprimer combien, à la différence de son amant, il est mal vu qu'elle se lamente publiquement sur son sort et pose également la question de ce qu'est un véritable amour.
Quant à laisser Leïli affirmer son goût irrépressible pour la liberté, difficile de ne pas apprécier cette magnifique initiative !
Les dessins dans un mélange d'horizontalité et de verticalité associés à quelques sublimes pleines pages, les couleurs flamboyantes, le tout porté par une poésie élégante et recherchée font de ce roman graphique un véritable objet d'art.
Mon seul bémol est l'absence de numérotation des pages…
J'adresse un immense merci à Nicolas Zwirn, à Lecteurs.com et à la Boîte à Bulles pour cet enchantement. Nul doute que je viendrai revisiter ce poème graphique !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          660
Poésie et onirisme ! Que c'est beau !
Quelle originalité folle dans ce roman graphique qui a puisé dans un conte ancien des bédouins arabes d'Irak au VIIème siècle, et d'une adaptation perse du XIIème siècle. Une superbe histoire d'amour à mort qui a inspiré au fil des siècles de nombreux poètes et artistes d'Asie centrale et du Moyen-Orient.
Un kaléidoscope de couleurs éclatantes, chatoyantes pour narrer l'histoire d'un amour éperdu, celui de Qaïs pour la belle Leïli. Qaïs va commettre l'imprudence de clamer son amour pour l'élue de son coeur, il s'enflamme de poèmes, les récite à qui veut les entendre. Grave erreur, car chez les Bédoins c'est aux pères d'arranger les mariages dans la tradition et non au fils (ou futur beau-fils) de désigner sa future épouse.
Par son emphase, Qaïs (renommé Majnoun qui signifie fou) a manqué de respect à son père et à son beau-père qui vont mettre un point d'honneur à rendre cette union impossible.
Yann Damezin a écrit des vers sous les différentes cases qui organisent les pages, le texte est magnifique, plein de charme et poésie. Où est-il allé chercher tout ça ? c'est époustouflant !
Les dessins expriment les rêves, les espoirs des personnages, l'oeil est charmé par les trouvailles graphiques, très inspirées des dessins perses et enluminures du moyen-âge, le tout mâtiné d'un gout prononcé pour représenter la mort qui rappelle l'art pictural mortuaire mexicain.
Une superbe odyssée aux confins de l'amour et de la mort, qui nous emmène dans un ailleurs fantasmagorique peuplé de créatures hideuses ou magnifiques. Un amour qui va prendre de plus en plus de place et de noirceur dans l'esprit de Qaïs, jusqu'à le consumer, lui faire perdre la raison et faire de lui un pur amoureux de l'amour mais … jusqu'où le mènera sa folie ?
Une réflexion sur la place des femmes également très intéressante, ainsi que le point de vue de Leïli qui s'exprime dans la dernière partie.
J'ai été complétement emportée dans l'ailleurs d'une imagination débridée sur un tapis volant de fakir, une lecture extra-ordinaire (au sens premier du terme) dévorée d'une traite, qui me laisse une forte impression.
Commenter  J’apprécie          5613
Sitôt, les mots se ruent à l'orée de sa lèvre
et, comme des oiseaux s'envolent à la ronde.
L'amant se fait poète et, brûlé dans la fièvre,
n'a de cesse qu'il n'ait tout révélé au monde.

Servi par le talent de Yann Damezin, ce conte a traversé le temps inspiré de grands poètes comme Nizami ou plus près de nous Ahmed Chawqi. Même les occidentaux ont été sensibles à cette histoire orientale propagée par les bédouins arabes d'Irak.
Ce jeune lyonnais s'est donc approprié ces "Chants d'outre-tombe" en sublimant cette histoire d'amour malheureuse.
Le résultat se conclue par une bd réussie magnifiée par des planches inspirées des miniatures persanes et par un récit en alexandrins qui donnent à l'ensemble une cohésion éblouissante.
Ce mariage heureux entre poésie et illustrations dément le choc des cultures que Pamuk relatait dans "Mon nom est rouge". L'opposition de l'art pictural du XVI siècle entre orient et occident est ici balayée pour unir deux mondes et ajouter même un coté féministe. En effet Leïli amoureuse de Majnoun préfère sa liberté à un amour figeant.
Je pense que Damezin s'est inspiré de David B. pour libérer son imagination et peut-être de cartes de tarots divinatoires pour m'enchanter à cette lecture où la magie est une part de cette histoire tragique d'un "fou d'amour".
Une bd impressionnante et éblouissante de beauté.
Commenter  J’apprécie          351
Que c'est beau !
D'emblée, un choc visuel.
Mais arrivée à la page 176... j'étais un peu lassée.
Majnoun et Leïli c'est l'amour contrarié, la famille qui s'oppose au mariage et le gars qui en devient fou : il part dans le désert et prêche aux animaux.
Elle... elle va montrer davantage de sens pratique on va dire.
Le tout est conté en alexandrins : joli tour de force.
Mais les illustrations en sont un autre : des dessins façon miniatures persanes, pleins de détails et dans des couleurs éclatantes.
Sauf qu'à la moitié de l'album, ça a commencé à me faire un peu mal aux yeux tous ces pointillés et toutes ces volutes.
Dommage ; je n'ai sans doute pas apprécié cet album à sa juste valeur.

Challenge Bande dessinée 2024
Commenter  J’apprécie          344
"Ses dents étaient de sucre, et sa taille un cyprès, son ombre transformait en eram le désert.
La grâce de ses gestes purs et sans apprêts laissait comme muet l'homme le plus disert.

Deux amoureux, Leïli et Quaï dit Majnoun sont séparés de façon violente et injuste.

Voici leur belle et touchante histoire racontée avec créativité et poésie par le talentueux Yann Damazin.

Les dessins, et les alexandrins sont magnifiques, puissants, glaçants, lumineux.
L'ambiance est onirique, magique, orientale, colorée.

Mille mercis oranges vifs à lecteurs.com, à la Boîte à Bulles (Spécialisée en BD et bulles indépendantes) et au talentueux Yann Damezin.

Un ouvrage sublimé par le contexte dans lequel il a été réalisé, et par les personnes que l'auteur a rencontrées, appréciées, et aimées.

L'auteur est lauréat 2023 du Prix Orange de la BD.


Commenter  J’apprécie          240
Après avoir été ébloui par son premier roman graphique “Concerto pour la main gauche”, j'attendais le suivant avec fébrilité. Je dois dire que suis à nouveau impressionné.Le genre et le style sont pourtant très différents. Yann Damezin s'inspire d'un conte oriental, une histoire d'amour, d'amoureux séparés par leur famille. Les illustrations sont chatoyantes, dans le style des enluminures orientales, d'une richesse iconographique époustouflante. La colorisation nous en met plein les yeux, mais l'aspect visuel ne serait rien sans ce texte magique et si bien écrit, tout en alexandrins, fantastique et poétique.
On peut s'extasier pendant des heures devant une seule illustration, l'ornement est fort, magistral, on pourrait se perdre dans les méandre du texte poétique, le rythme nous donne envie de le chanter ou même de le slamer, une musique orientale semble nous accompagner.
La fin nous réserve une surprise inattendue, le ton dérive légèrement vers une modernité qu'on ne soupçonnait guère, tout en jouant sur l'aspect ancien, le propos est intelligent, féministe, amené avec finesse.
Du grand art. J'avais comparé le travail de Yann Damezin à celui de David B. pour lequel j'ai une admiration sans faille, ce deuxième roman graphique en est largement digne, Cette bande dessinée est une pure merveille.
Commenter  J’apprécie          231
Ce magnifique roman graphique s'inspire d'une des plus belles et plus connues histoires d'amour contrarié et tragique de la culture moyen-orientale qui a fait l'objet de nombreuses versions. Yann Demezin a choisi d'adapter celle de Nizami, un célèbre poète persan du XIIème siècle.
Leïli et Quaïs s'aiment depuis l'enfance; Quaïs, devenu poète, déclame tout le temps et en tout lieu son amour pour Leïli, à tel point qu'il reçoit le surnom de Majnoun, le fou. Les deux amants sont séparés par leur famille et dépérissent. Leïli sera mariée, sans son consentement et Majnoun, qui s'était déjà laissé mourir dans le désert, une première fois, mais avait été sauvé par les animaux sauvages, meurt de désespoir et appelle Leïli à le rejoindre.
Alors que la poésie ne m'émeut pas, que son langage m'est étranger, dont la musicalité ne déclenche que rarement l'émotion, j'ai été très touchée par ce roman graphique en alexandrins que ce soit par l'histoire tragique d'un amour impossible, ou par la beauté et la musique des vers en alexandrins ou par l'enchantement visuel que procurent le graphisme et l'explosion de couleurs. le fait que le texte soit au-dessus ou au-dessous des dessins mais pas à l'intérieur laisse l'oeil totalement s'en imprégner. D'ailleurs, les couleurs sont tellement éclatantes, les formes tellement riches en spirales et arabesques qu'elles en écrasent parfois les mots qu'on a tendance à ne pas voir. Les dessins sont très poétiques, oniriques mais savent aussi se faire très crus en particulier lorsque est évoquée la mort, la décomposition charnelle, le corps dévoré par les animaux sauvages.
J'ai trouvé le personnage de Leïli très intéressant par son modernisme et son féminisme; en effet, elle est soumise à sa famille, à la tradition, à l'honneur mais arrive à s'affirmer dans l'espace étroit qui lui est octroyé en refusant de se donner à son mari ou de rejoindre son amant dans la mort; elle s'affranchit des chaînes sociales et culturelles en partant vers la liberté, seule.
Le lexique que l'auteur a pris soin d'ajouter à la fin du roman graphique est fort utile pour comprendre le texte mais aussi pour approfondir certains points et éveiller l'envie d'aller plus loin dans la connaissance de la culture persane.
Une très belle découverte.
Commenter  J’apprécie          150
Attention ! Charme addictif pour ce roman graphique original, puissant, somptueux, poétique ! Tout simplement BEAU !

Pourtant, en découvrant un texte en alexandrins, un graphique très coloré, très contrasté, je suis sceptique… Il ne correspond pas du tout à ce que j'apprécie habituellement.

Et…. je me suis laissée embarquer par la musicalité du texte, par les dessins inspirés des miniatures persanes et de l'iconographie orthodoxe, avec des couleurs primaires, aux tons très contrastés.
Séduite, subjuguée par cette harmonie parfaite entre poésie et graphisme.
Le portrait de Leïli :
« Leïli, quant à elle, avait en héritage
Des paupières battant comme ailes de colombe,
Des lèvres de rubis, la lune pour visage,
Des collines pour seins, un val au creux des lombes. »

L'histoire est inspirée d'un poème persan du 12ème siècle de Nizami
Qaïs, appelé Majnoun (celui qui devient fou par amour) et Leïli s'aiment passionnément. Leurs familles respectives vont s'opposer à cet amour.
« Mais les deux tribus, d'un avis unanime,
Séparèrent la rose de son rossignol,
Tranchèrent violemment entre racine et cime,
Cachèrent le soleil aux yeux du rossignol. »

Majnoun se réfugie alors dans le désert pour chanter son amour et sera sauvé de la mort par les animaux sauvages qui l'entourent et le protègent. Cri de l'amour, de la vérité que les animaux perçoivent.
« La compassion de l'homme envers les malheureux
N'est souvent qu'un fardeau, un joug supplémentaire,
L'animal, lui, sait être un ami silencieux
Parfois, pour consoler, il faut d'abord se taire. »

Le thème de la condition de la femme est traduit de façon très juste et sensible. Car Majnoun exprime son amour, mais Leïli ne peut que se taire, qu'obéir à ses parents, et souffrir en silence :
« Et elle aussi souffrait, mais d'une autre manière.
Sa détresse restait enclose dans son âme.
Car pudeur et honneur sont une muselière
Dont l'homme a recouvert la bouche de la femme ».

Thème intemporel de l'amour que rien ne peut endiguer.
Et d'ailleurs, j'ai trouvé que Yann Damezin le sublimait de la même façon qu'un roman pourtant très moderne, de 2023 : « le soldat désaccordé » de Gilles Marchand, prix des Libraires. Les contextes sont complètement différents et la puissance du sentiment est également démontrée parfaitement.

Thème intemporel de la mort. C'est là, où la légende orientale se dissocie de Tristan et Yseult, de Roméo et Juliette. Malgré l'appel de l'être aimé qui est mort, doit-on le rejoindre, ou au contraire poursuivre la vie pour pérenniser son souvenir et cet amour ?

Un roman graphique difficile à résumer car il est très riche, tant au niveau du texte, que du graphisme. En le reprenant, je m'aperçois que je n'ai pas bien retransmis la beauté de la calligraphie et des planches. A chaque relecture, je découvre autre chose. Chaque page est un tableau.

J'avais adoré « Hoka Hey » de Neyef, un autre finaliste du prix Orange de la BD, mais Yann Damezin m'a accrochée dans ses filets poétiques et colorés, pour mon plus grand plaisir.
Comme quoi, on sort de nos sentiers battus, de nos habitudes avec la lecture !
A lire, à offrir pour un trop bon moment de lecture !

BD lue dans le cadre du prix BD Orange 2023.
Merci à la fondation Orange, aux Éditions La boîte à Bulles qui ont pris le risque de sortir un ouvrage « hors cadres » par rapport aux autres.

Lien : https://commelaplume.blogspo..
Commenter  J’apprécie          140
Majnoun et Leïli, l'amour et la mort, Eros et Thanatos, Yann Damezin s'empare du plus célèbre conte amoureux d'orient, l'adapte en poème graphique – les bulles sont toutes en alexandrins.

Une belle découverte (je n'avais jamais eu entre les mains « un poème graphique ») et un véritable cadeau de Noël, reçu après avoir postulé à un concours organisé par le site Lecteur.com. Au-delà de la couverture magnifique, il faut entrer dans le monde immense de cet illustrateur hors normes : le foisonnement des couleurs vives, au début et à la fin, sombres dans le chaos du milieu, enchante. Avouons une petite inquiétude à la lecture de la première partie, celle de la pression dominatrice de la famille, autour du discours religieux qui s'abat sur les amoureux avant d'appréhender plus tard la cohérence de l'ensemble orchestré brillamment par l'auteur.

J'ai aimé les illustrations, m'imprégnant des dessins chargés – les cases trop petites pour contenir toute l'imagination graphique de Yann Damezin – et de l'orgie de couleurs. J'ai apprécié le travail colossal que représente un tel volume, coloré à la gouache, motifs répétés, volutes, remplissage des cases donnant de la vie au dessins, on ne sait parfois où regarder...

Le premier chapitre le chant des amoureux occupe une bonne moitié de l'album. Leïli est belle, Qaïs en est amoureux, une union impossible car ils ne sont pas du même clan, rappel d'un thème universel décliné chez nous à travers Roméo et Juliette. Qaïs errant sur les routes en divaguant est surnommé Majnoun, ce qui signifie fou en arabe. Leïli s'affirme déjà en refusant que le mari imposé par sa famille ne l'approche de trop prêt.

Le deuxième chapitre intitulé le chant du pourrissant est introduit par des vers de Louis Aragon. C'est ainsi que je découvre que le poète s'est inspiré de ce conte pour écrire le fou d'Elsa.

« Tu avais beau faire et beau dire
Je fus là l'hiver et l'été
Un air dans la tête resté
D'avoir été sans fin chanté
Ou simplement d'avoir été. »

Majnoun apparaît au-delà de la mort. du pourrissement aux promesses de paradis, avec des cases sombres, chant d'outre-tombe torturé et pénible : Majnoun exige de retrouver son aimée dans la mort « Je t'en prie meurs », voire « Je te l'ordonne : meurs ! Rejoins-moi au tombeau ». Esthétique morbide, religieuse et guerrière, dont se sont servis bien des armées et des terroristes de par le monde…

Le troisième chapitre intitulé Contrechant vient clore cette histoire. Il constitue la bonne surprise puisqu'il est entièrement consacré à Leïli qui ose s'affranchir de ses chaînes. Elle prend la route, s'éloigne vers l'inconnu de sa libération dans un message moderne, chemin incertain mais prometteur, comme toute liberté nouvellement acquise.

Dans cet album, l'auteur emprunte le chemin de la spiritualité version paternalisme, commune aux religions monothéistes, emporte le lecteur subjugué (comme moi) par les illustrations inspirées des miniatures persanes, rappel aussi de nos livres d'enfance, de leurs images naïves, le bouscule ensuite vers la sortie des corps pourrissants et des promesses de paradis digne du conte qu'il nous livre, puis seulement dans le troisième chapitre rompt le dilemme funeste au côté d'une Leïla surprenante, affirmant son être propre en dehors des codes imposés.

Yann Damezin, né en 1991, est un jeune illustrateur issu de l'école Émile Cohl. La littérature, le livre et l'image sous toutes leurs formes le passionnent. Ce Lyonnais aime les univers étranges et oniriques, et son travail se nourrit d'influence très diverses : miniatures persanes, primitifs italiens, expressionnisme... Après avoir participé à l'album Émulsion en 2018, il publie en 2019 Concerto pour main gauche, également à La Boîte à Bulles, dans lequel il narre en noir et blanc l'histoire du pianiste autrichien Paul Wittgenstein. Majnoun et Leïli est sa deuxième bande dessinée, librement inspirée de la version persane du poète Nézâni, pour laquelle il a reçu le Prix Orange de la BD 2023.

Un album somptueux, véritable livre d'art, qui va rejoindre mes BD essentielles, celles que je parcours régulièrement.
******
Chronique avec photos, illustrations et citations sur blog Bibliofeel ou page Facebook Clesbibliofeel.
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
Commenter  J’apprécie          131




Lecteurs (164) Voir plus



Quiz Voir plus

Les personnages de Tintin

Je suis un physicien tête-en-l'air et un peu dur d'oreille. J'apparais pour la première fois dans "Le Trésor de Rackham le Rouge". Mon personnage est inspiré d'Auguste Piccard (un physicien suisse concepteur du bathyscaphe) à qui je ressemble physiquement, mais j'ai fait mieux que mon modèle : je suis à l'origine d'un ambitieux programme d'exploration lunaire.

Tintin
Milou
Le Capitaine Haddock
Le Professeur Tournesol
Dupond et Dupont
Le Général Alcazar
L'émir Ben Kalish Ezab
La Castafiore
Oliveira da Figueira
Séraphin Lampion
Le docteur Müller
Nestor
Rastapopoulos
Le colonel Sponsz
Tchang

15 questions
5241 lecteurs ont répondu
Thèmes : bd franco-belge , bande dessinée , bd jeunesse , bd belge , bande dessinée aventure , aventure jeunesse , tintinophile , ligne claire , personnages , Personnages fictifsCréer un quiz sur ce livre

{* *}