Alors "merdeaprètout" je me chiendefusille au creux des draps, les couvrantes remontées au ras des naseaux .
Il m'attend devant l'ascenseur, Alex. Ses enjambées me rappellent la belle époque, quant il montait à l'essai, sa pastèque de cuir sous le bras en guise de bagage, mettant les adversaires dans le vent, feintant admirablement en de fausses passes diaboliques, revenant en arrière pour repérer une trouée, puis montant en force dans les derniers mètres, avec trois balèzes accrochés à ses basques, à ses bras, à ses couilles, sanglier fou assailli par la meute, et écrasant enfin la balle, entre les poteaux le plus souvent.
- Et puis d'ailleurs, sa complicité ne fait aucun doute puisque je l'ai confondue, tout à l'heure au téléphone : «Vous avez agi comme des cons ! » a-t-elle déclaré à son correspondant ; c'est signé non ?
- Indubicontestablement, renchérit le Copieux.
[séance de spiritisme]
- Pétrus ? ... Bonjour, c'est Catherine Katarina, vous vous souvenez ? ... Eh oui, je vous avais prédit que vous péririez d'une mort violente, mon pauvre ami... Ben vous voyez... Ça a été dur ? ... Pas trop ? ... Tant mieux. Dites-moi, Pétrus, pourriez-vous me dire à quoi ressemblait le sale bonhomme qui vous a électrocuté ? ... Comment ? ... Ce n'était pas un homme, mais une femme déguisée ? ... Vous êtes sûr ? ... La garce ! Et elle ressemblait à quoi, cette gueuse, Pétrus ? ... Plutôt grande, oui... Très brune ? ... Avec une petite tache café au lait sur le cou, au niveau de l'oreille gauche... Autre chose ? ... C'est tout ce que vous pouvez me dire ? ... Eh bien, je vous remercie... Ça se passe bien, «là-bas» ?.. Pardon ? ... Je n'ai pas compris Pétrus ... Vous, quoi ? ... Ah ! vous vous faites chier... Bien sûr, que voulez-vous... L'au-delà hein ?... C'est pas le Club Med ! ... Je suis de tout cœur avec vous, Pétrus. Si vous avez l'occasion de rencontrer Wladimir Katerini, mon défunt, passez-lui le bonjour de ma part.
- Je ne lui ai pas fait «la cigogne déplumée», non plus que «le battant à cloche», Gros, penaudé-je.
- Dommage, soupire-t-il, t'aurais dû lui débiter tout le chèque-liste, parti comme t'étais !
- Par contre, elle a eu droit «au petit caporal», à «l'aumonière trouée» et à «la sarbacane indonésienne» que tu as oublié de mentionner.
A cette heure, les gens sont chez eux dans ce coin de Bretagne, à regarder leur bonne télévision ruisselante de lots, de fric et de voyages autour du monde à gagner. De nos jours, c'est ça l'aventure, l'ultime : la téloche. Tu peux y décrocher du flouze, une chambre à coucher, une bagnole, des bijoux certifiés avec des rubis et des émeraudes pur fruit d'une valeur de deux mille balles ! Elle t'envoie en cure aux Antilles, à Dache ! On te fournit des fiancées d'un soir ! Des œuvres d'art galvanisées !
Elle te prend en charge. Si t'es joueur, tu peux ramasser le pactole. Suffit que tu répondes bien à des questions perfides telles que "combien fait dix fois douze" ou "quelle est la capitale du Dannemark" et tu gagnes le canard, décroche la timbale. C'est la fée Marjolaine, la télé ; l'enchanteur Merlin ou Bouygues ; elle relègue lotto et tiercé, petit à petit. On vit d'elle, par elle, pour elle. L'ogresse nous a pris possession. Elle nous fait rêver avec ses ricaneries et bander avec ses films X. Nous enniaise, nous embobeline, bandelette, pétrifie.
Mais un jour viendra où l'homme sortira de l'asservissement. Il brisera les tubes cathodiques à coups de hache ! Il grimpera scier l'antenne de la tour Eiffel ! Les animateurs se laisseront pousser la barbe, pour ne pas être reconnus ; on les contraindra à porter une étoile rouge avec «T.V.» écrit dessus en gothique ! Le sursaut se produira, j'annonce haut et fort. Juste les très vieillards et les grabataires auront encore droit à visionner un peu. On retrouvera la campagne, la pluie, les fleurs, la baise, bref, la liberté !