Mon coeur est trop vain
Trop vil trop vilain
Trop gai trop volage
Il est faux il feint
Il est plein d'outrages
Il est hors du sens
Il n'a pas bon sens
Par mauvais usage
C'est un pauvre enfant
Paresseux et lent,
Obscur par ombrages.
(Thibaut d'Amiens)
Hélinand de Froidmont, "Les vers de la mort"
5.
Mort qui nous prends tous au collet,
Qui en tous lieux nous fais glisser
Sur verglas que tu fais tomber,
Certes il est vrai que je te hais,
Mais ceux à qui t'ai envoyée,
Ne le fais que pour les consoler,
Pour chasser loin d'eux vanité
Qui n'a cesse de les pourchasser
Jusqu'à ce que mat elle les ait faits.
Mais qui te voit le prendre au lacs
Tes bras étreindre son âme entière
Fol est s'il ne quitte ses joies.
Hélinand de Froidmont, "Les vers de la mort"
4.
Mort, je t'envoie à mes amis,
Non pas comme à mes ennemis,
Ni comme à gens que je haïsse,
Mais priant Dieu (qui au cœur m'a mis
Que je m'acquitte comme j'ai promis)
Qu'il leur donne longue vie et grâce
De vivre bien tout leur espace.
Mais toi qui joues à la chasse
De ceux qui peur de Dieu n'ont mie,
Tu fais grand bien par ta menace,
Car ta peur filtre et purifie
L'âme comme par un tamis.
Hélinand de Froidmont, "Les vers de la mort"
3.
Mort, qui en tous lieux tiens tes rentes,
Qui as sur tous marchés tes ventes,
Qui les riches sais dépouiller,
Qui les haut placés précipites en descente,
Qui les plus puissants mets en pente,
Qui sais bouleverser les honneurs,
Qui aux plus forts causes des sueurs,
Qui les plus braves fais trembler,
Qui cherches les voies les sentes
Où l'on peut s'enmarécager :
Je veux mes amis saluer
De ta part, qu'ils s'épouvantent.
Hélinand de Froidmont, "Les vers de la mort"
2.
Mort, va chez ceux qui d'amour chantent
Et qui de vanité se vantent,
Apprends-leur donc à chanter
Comme font ceux qui t'enchantent
Pour ce qu'eux hors du siècle se plantent
Que tu ne puisses les supplanter.
Mort, tu ne sais pas enchanter
Ceux qui ton chant savent chanter
Et qui la peur de Dieu enfantent :
Cœur qui tel fruit peut enfanter,
Pour vrai je peux l'acréanter*,
Nul piège tien ne le déplante.
*acréanter, promettre, assurer, garantir
Hélinand de Froidmont, "Les vers de la mort"
1.
Mort qui m'as mis à muer en mue
Dans cette étuve où le corps sue
Ce qu'il a fait au siècle d'outrages,
Tu lèves sur nous tous ta massue
Sans que pour autant nul de peau ne mue
Ni ne change son vieil usage.
Mort, te craindre ont coutume les sages :
Mais chacun court à son dommage :
Qui n'y va pas au pas s'y rue.
Pour quoi j'ai changé mon courage
Et j'ai quitté le jeu la rage :
Mal se mouille qui ne s'essuie.
Hélinand de Froidmont, "Les vers de la mort"
1.
Mort qui m'as mis à muer en mue
Dans cette étuve où le corps sue
Ce qu'il a fait au siècle d'outrages,
Tu lèves sur nous tous ta massue
Sans que pour autant nul de peau ne mue
Ni ne change son vieil usage.
Mort, te craindre ont coutume les sages :
Mais chacun court à son dommage :
Qui n'y va pas au pas s'y rue.
Pour quoi j'ai changé mon courage
Et j'ai quitté le jeu la rage :
Mal se mouille qui ne s'essuie.