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Critique de Lamifranz


Mettre des étiquettes est certes une chose utile, qui permet de cataloguer tout de suite une oeuvre ou un auteur dans un genre précis, ou parfois, de façon plus contestable, de le placer sur un plan plus subjectif, à un niveau plus ou moins sujet à controverse.
Prenez Alphonse Daudet.
Alphonse Daudet, c'est un « gentil ». La chaleur, la bonhomie, la familiarité de ses écrits provençaux, l'empathie qu'il a créée avec ses personnages hauts en couleur et attachants, ont fait d'Alphonse Daudet un ami incontournable de notre enfance, et même après ; d'autant que dans ses autres oeuvres, il s'est souvent penché vers les pauvres, les déshérités, les maltraités, ce qui lui vaut, s'il en est besoin, un regain de sympathie. Mais si vous étudiez un peu sa biographie, vous verrez que c'était un personnage beaucoup plus ambigu : antisémite militant (il a prêté ses fonds et son assistance à la France anti-juive de Drumont) il était clairement anti-dreyfusard (on se demande même comment il pouvait être un ami d'Emile Zola), et sympathisant de l'extrême-droite de l'époque…
Son oeuvre, heureusement, ne reflète pas cet aspect de sa personnalité, en tous cas dans ses oeuvres les plus connues. C'est tant mieux, car ainsi, Alphonse Daudet reste pour nous un « gentil ».
« le Petit chose » dans cette oeuvre multiforme, est un roman un peu à part. Si le ton familier, à la première personne, évoque la confidence personnelle, et reste plutôt agréable et sympathique, on s'aperçoit assez vite que l'histoire de Daniel Eyssette est celle d'un perdant (un « loser » pour ceux qui ne comprennent pas le français) : rien ne va comme il faut pour ce pauvre Daniel : la ruine de sa famille l'oblige à travailler comme pion, mais il ne sait pas résister aux attaques et aux mesquineries de ses collègues ; tentant sa chance comme poète, il ira là aussi de désillusion en désillusion ; quant à la vie parisienne, il y laissera avec ses plumes, une partie de son amour-propre, et finira par se caser avec la fille de son ami Pierrotte, en se persuadant qu'elle lui était destinée. Daniel a toujours un temps de retard, c'est pour cela qu'il reste « le petit Chose », obscur et invisible, et incapable de faire entendre sa voix. D'où, derrière la bonhomie et la familiarité du ton, une nuance d'amertume qui persiste, amertume d'autant plus sensible que faute de volonté, elle ne peut pas se transformer en révolte.
« le Petit Chose » du fait de ces deux tons simultanés et contradictoires : amertume et bonhomie, laisse une impression étrange. le héros reste sympathique, attire même la compassion, mais on reste sur sa faim, on a l'impression qu'il subit sa vie au lieu de la vivre pleinement.
Reste le style de Daudet, familier et généreux, qui nous rend solidaire de ce héros (ou anti-héros) et fait du « Petit Chose » un roman initiatique prenant et attachant, avec des portraits sensibles (la « mère » Jacques, le doux Pierrotte, « les yeux noirs » …), un des chefs-d'oeuvre de l'auteur.
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