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Citations sur Les Derniers Géants (15)

Le peuple yurok vit ici, le long de cette rivière, depuis des centaines de générations, depuis plus longtemps encore. Beaucoup de tribus dans ce pays ont été chassées de leur terre, mais pas nous. Ici, c’est notre Réserve : sur deux kilomètres de chaque côté de la Klamath et soixante kilomètres à partir de son embouchure, les Yurok sont chez eux. Même si une grande partie de ce territoire a été vendue, nous avons conservé notre droit de pêcher. Nous sommes responsables de notre rivière, nous assurons son entretien. Nous avons toujours été ici. Nous avons toujours pêché. Toujours, toujours. C’est comme respirer l’air. Si je ne peux pas pêcher, je ne peux pas vivre. Mon grand-père m’a appris cela. Comme son grand-père le lui avait appris. Mes filets ont été saisis par les gardes-pêches. J’ai pêché la nuit. J’ai été battu, pour avoir pêché. J’ai été jeté en prison, pour avoir pêché. Je suis allé au tribunal à Washington. J’ai vu votre Capitole ; ce n’est rien comparé à un séquoia, c’est juste un petit arbre rabougri.” Le vieil homme tendit une main devant lui pour indiquer la hauteur de l’arbre. “Le Tribunal a rendu sa décision : ici, c’est la Réserve yurok ; ici, c’est un territoire indien ; nous pouvons pêcher. Et pourtant, vous cherchez encore un moyen de nous empêcher de respirer, de mener notre vie, de protéger notre rivière.” Il croisa les bras. “Je suis vieux maintenant. Mes enfants sont adultes. Mais si c’était moi, si c’étaient mes enfants qui naissaient sans cerveau, je me poserais la question : est-ce que cela en vaut la peine ? Juste pour continuer à abattre la forêt de cette manière ? Mais vous, non, vous ne renoncerez pas tant que vous n’aurez pas tué tous les chevreuils, tous les saumons, tous les arbres, tant que vous n’aurez pas empoisonné toutes nos sources d’eau fraîche. Que mangerez-vous alors ? De l’argent ? Avec quoi construirez-vous vos maisons ? Que boirez-vous quand vous aurez soif ?
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Dix degrés, et Lark était en maillot de corps maculé de taches, ses cheveux gris et sa longue barbe lui descendant jusqu'aux épaules, des rouleaux de papier toilette rangés en pyramide dans le fauteuil roulant qui lui servait de brouette.
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Vous ne renoncerez pas tant que vous n'aurez pas tué tous les chevreuils, tous les saumons, tous les arbres, tant que vous n'aurez pas empoisonné toutes nos sources d'eau fraîche. Que mangerez-vous alors ? De l'argent ? Avec quoi construirez-vous vos maisons ? Que boirez-vous quand vous aurez soif ?
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Mon père aussi est mort dans la forêt, lui confia Rich. Et mon grand-père avant lui. Tu as beau être hyper prudent, un séquoia est un monstre, tu dois l’admettre. Ne regarde pas par terre. Lève les yeux. Un câble relâché, une branche faiseuse de veuves qui tombe du ciel – même une petite de dix centimètres de diamètre peut te rompre le cou si elle chute de cent mètres de haut. Observe le vent.
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Il y eut un craquement que Rich sentit dans sa cage thoracique. La terre parut s'ouvrir sous la violence du choc. Quelqu'un hurla comme un loup. Il avait réussi ! Le piégeux étendu de tout son long reposait sur son lit de chute comme un cadavre dans son cercueil, depuis la base du tronc -un mur de six mètres de haut- jusqu'à la tête.
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Mon père – Lesley Bywater, certains ici l’ont connu –, il triait le bois d’œuvre à la scierie. Nous sommes le peuple de la rivière Klamath. D’abord, vous nous avez tués. Ensuite vous avez tué le saumon. Et maintenant c’est vous-mêmes que vous tuez.” Le vieil homme éleva la voix. “Quand vous empoisonnez la terre, vous empoisonnez votre propre corps. Le saumon remonte la rivière chaque année, et vous ne remerciez pas. Pour vous, le saumon, ce n’est que de l’argent, un bien matériel. Notre peuple mange les offrandes de cette rivière depuis plus de temps qu’il n’a fallu à ces arbres pour pousser. Nous mangeons les mêmes familles de saumon depuis tant de générations que nos ADN sont entrelacés. Nous portons le saumon en nous, et le saumon nous porte en lui. Tout ce que nous possédons provient de la rivière. Quand la rivière est malade, nous sommes malades ; avec elle aussi, nous sommes uns.
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Vous ne trouverez personne qui aime les arbres autant qu’un bûcheron. Si vous regardez bien, tout au fond, je vous garantis que dans chaque bûcheron il y a un « écolo ». Mais la différence entre nous et les autres, les militants, c’est que nous, on vit ici. On chasse. On pêche. On fait du camping. Eux, ils retourneront là d’où ils viennent, mais nous, on se réveillera ici demain. C’est chez nous. Le bois d’œuvre nous apporte à manger sur nos tables, des vêtements sur le dos de nos enfants. C’est difficile de tuer un séquoia, vous savez. Quand on l’abat, il produit des rejets de souche. Même un incendie ne le tue pas. Mais ces géants là-haut, à Damnation, ils sont vieux. Bientôt ils vont mourir, tomber tous seuls, et pourrir. C’est comme si vous mettiez le feu à un gros tas d’argent sous nos yeux en nous obligeant à regarder.
— Exactement, lança quelqu’un.
— C’est pas facile de gagner sa croûte au pays des séquoias. On ne mène pas la grande vie. Mais tout le monde ici apprend à se débrouiller avec presque rien. On sait comment nourrir nos familles. Tout ce qu’on vous demande, c’est de nous laisser continuer à le faire.
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“Imaginez, commença l’homme. Il y a deux cents ans…
— Toute la côte était couverte de forêts de grands séquoias, continua la femme en figurant l’espace avec un ample geste de la main. Des guillemots à cou blanc nichaient dans leurs cimes. Des grenouilles à queue et des salamandres tachetées vivaient au bord des ruisseaux. Chaque année, le saumon remontait les cours d’eau pour frayer…
— Nous avons détruit quatre-vingt-dix pour cent de cette forêt ancienne, dit l’homme. Partout, nous avons abattu les arbres et répandu des produits chimiques…
— Et tout ce qu’il en reste, expliqua la femme, c’est une infime portion, des terres acquises par des citoyens qui ont souhaité les protéger, des terres qui sont devenues des parcs nationaux. Damnation Grove est l’un des derniers vestiges de la forêt primaire en Californie. On y contemple des géants hauts de cent mètres, plus grands que la statue de la Liberté, une majesté que les parcs conservent à l’abri. Mais aujourd’hui…” La femme marqua une pause. “… les mains avides de l’industrie aiguisent leurs tronçonneuses et se préparent à sacrifier sur l’autel du capitalisme ces ancêtres vivants…
— Des arbres vieux de mille ans ! Ils existaient déjà avant la chute de Rome. Avant l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique. Ils ont résisté aux flammes, aux inondations, aux tsunamis…
— Et ils sont toujours là ! Nobles. Forts. Et nous, nous tous ici aujourd’hui, nous avons une chance de les sauver.
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Ces herbicides qu’ils épandent – pas seulement Sanderson, mais aussi l’Office des forêts, le comté – sont les deux composants de l’agent orange, dont le mélange produit de la dioxine TCDD. Ils sont toxiques, pour les plantes, pour les animaux” – s’adressant encore une fois à Colleen – “et pour les gens. Depuis le début de l’épandage, dans les années 1950, on constate une accumulation biologique, c’est-à-dire une concentration nocive à différents niveaux de la chaîne alimentaire, les poissons, les chevreuils, et vous mangez du chevreuil…
— J’en ai assez entendu, monsieur…
— Daniel.“
Rich se leva.
“Ils contaminent l’eau. Tout ce qui est pulvérisé arrive là, dans votre café.” Daniel posa son mug.
“Ça tombe bien, dit Rich en allant ouvrir la porte de la maison. Vous ne pouvez pas l’emporter pour la route.
— Ce sont des produits très dangereux. Ils causent des malformations congénitales, des cancers.” Les yeux de Daniel se fixèrent sur Colleen. “Les études révèlent un nombre croissant de fausses couches en Oregon. On vous raconte qu’ils sont inoffensifs, qu’ils ne tuent que les herbes. Si on vous disait qu’il existe une balle inoffensive, vous accepteriez qu’on tire dans la tête de votre petit garçon ? J’ai vu votre conduite d’eau. Autant déverser ces saletés directement dans votre citerne ! Il y a une pétition que vous pouvez signer. Je suis désolé… Je sais que…
— Non, vous ne savez pas, coupa Rich en tenant la porte ouverte.
— Vous êtes des gens discrets, Mr. Gundersen. Vous ne voulez pas avoir d’ennuis, je comprends.” Daniel se leva, garda à nouveau les yeux sur Colleen. “Mais si c’était moi, je préférerais savoir.
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Ils ont pulvérisé il y a deux jours. Encore. Heureusement que j’avais entendu l’hélicoptère arriver, cette fois. J’ai eu le temps de remplir la baignoire. Si tu voyais le ruisseau… L’eau est blanchâtre, presque laiteuse, avec de la graisse qui flotte sur le dessus. Et elle sent le diesel.
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