Nous avions déjà appris les codes imposés aux filles : il fallait être déniaisée mais pas guidoune, pétard mais pas pétasse, aguichante mais pas agace et voguer funambules sur ce fil de fer. Cette ligne si fine sur laquelle il était impossible de marcher en équilibre était pourtant celle que nous empruntions chaque jour… (Remue-Ménage, p.113)
Stupidement, au début de l’adolescence, je me suis construite contre elle (ma mère), contre ce qui la constituait, pensant que c’était bas, méprisant sa culture, dédaignant ses lectures. Je ne me rendais pas compte que c’était parce qu’elle m’avait tant élevée que je pouvais maintenant la regarder de haut.
(Remue-Ménage, p.149)
Le Québec comme toutes les terres d'accueil, aime présenter les réfugiés comme des success stories (...) souligner les réussites de celles qui sont devenues docteures, le succès de ceux qui sont désormais avocats. On ne sait jamais ce que sont devenus les réfugiés ordinaires qui s'emmerdent à Riviere-des-Prairies.
J'avais sept ans la première fois que j'ai décidé de ne pas me tuer.
L’odeur des vieux livres resterait pour moi source de réconfort ; pour ma mère, elle lui rappelait son incapacité à tout nous offrir.
J’ai toujours aimé fouiller dans les tiroirs des gens. J’ai d’abord cru que cela m’était venu avec l’immigration et la recherche de ma bête lumineuse - cette quête de l’énigme identitaire tassée au fond de la commode, remisée en espérant ne plus y penser, comme si le passé pouvait être enfoui dans le mobilier.
La biblio municipale a débroussaillé un sentier du désir que j’ai emprunté sans savoir qu’au bout il y aurait la possibilité de déplier d’autres destins que celui auquel j’étais promise.
Avec nos visites qui se renouvelaient chaque samedi, la bibliothécaire m'a rapidement reconnue, compris mes goûts et a commencé à me mettre des ouvrages de côté, m'offrant des livres un peu plus gros, un peu plus difficiles que ceux j'avais l'habitude de lire, me guidant hors des sentiers battus, me tirant, roman par roman à un niveau supérieur.
Nous nous déchaînions à former onomatopées, syllabes et mots. Sauf que nous ne disions rien. Parce qu’une langue, c’est collectif et nous, nous étions seuls au monde.
Aujourd’hui, je prends acte du fait que je n’écris pas seulement mon histoire, mais plutôt que ces histoires m’ont écrite et forment les racines dans lesquelles je me suis inscrite.