Devant l’inconnu, nous avions beau marcher ensemble, je sais que chacun de nous était seul.
Je me rends compte que c’est l’amour de ma mère qui a déplacé les montagnes, et pas n’importe lesquelles, toute la cordillère.
Écrire mon histoire comme toutes ces femmes en moi à ressusciter.
J'étais observatrice et discrète comme mes deux seules amies, des fillettes gentilles, satisfaites, sans grandes ambitions. Je ne brassais pas d'air, j'étais coopérative, je ne répliquais pas aux sobriquets, à la douce violence que font subir les enfants aux autres enfants qui passe inaperçue aux yeux des adultes. Je roulais ma bosse. Ma personnalité tumultueuse s'était adoucie, polie par le frottement à cette nouvelle culture où j'apprenais à être sans grimper aux arbres.
Mon intégration d'enfant immigrante a passé par là honte de ce que j'étais, le rejet de ce qui me constituait et une série de petites trahisons envers moi-même et mes parents. J'ai commencé à me concevoir qu'à travers les yeux des autres, en tentant d'anticiper leurs réactions. [...] J'ai capitulé en me privant de ce qui me plaisait, me dépossédant de petits bouts de moi.
"Je n'aime plus ça" : le premier mensonge d'une longue série pour apprendre à devenir quelque chose comme une Québécoise.
Stupidement, au début de l’adolescence, je me suis construite contre elle (ma mère), contre ce qui la constituait, pensant que c’était bas, ordinaire ; méprisant sa culture, dédaignant ses lectures. Je ne me rendais pas compte que c’était parce qu’elle m’avait tant élevée que je pouvais maintenant la regarder de haut. p.149
Parce que la trahison que l'ascension suppose était non seulement attendue, mais espérée. p. 157