Il n'est pas mauvais de rappeler que, si Versailles a pu s'élever, c'est parce que Louis XIV - avec Colbert - a su restaurer les finances ruinées par la Fronde. Il n'est pas mauvais de rappeler que c'est après chaque guerre - après chaque victoire - que Versailles a grandi. La paix d'Aix-la-Chapelle (1668) a donné le départ de la grande construction de Le Vau. Celle de Nimègue (1678) a permis à Mansart de réaliser ses plans. Après celle de Ryswick (1697), Louis XIV pourra parachever son œuvre.
Versailles est pour le grand roi une conquête après toutes les autres.
Les fêtes de 1668, qui coûtèrent un million de nos francs actuels, furent les dernières auxquelles assista La Vallière. Sans doute se rappelait-elle avec amertume les Plaisirs de l'île enchantée, quatre ans auparavant. Alors, c'était en son honneur que le roi donnait une fête. Maintenant, au même banquet, assistaient La Vallière, la Montespan et Mme Scarron : "le passé, le présent et l'avenir".
Louis se figeait peu à peu dans l'image grandiose que nous gardons de lui. Il s'enivrait de sa puissance, de ses victoires. La Flandre devenait française. La Franche-Comté nous était acquise. Louis XIV avait trente ans et, déjà, il était Louis le Grand.
Le titre de ce livre souligne son propos.
D'autres ont retracé l'histoire de la construction du château de Versailles. Les épures des architectes et les devis des entrepreneurs n'ont plus pour eux de secrets. Il m'a semblé stérile de recommencer les études définitives d'un Pierre de Nolhac ou d'un Charles Maurichau-Beaupré.
Retracer les événements politiques auxquels Versailles servit de cadre ? Cela signifierait écrire l'Histoire de la France.
J'ai voulu à Versailles, évoquer des ombres.
Je suis allé à leur rencontre. Je les ai interrogées. J'ai cru entendre leurs voix, leurs rires, leurs sanglots, dans les salles sonores où retentirent jadis leurs pas.
Ces héros, romanesques sans être de roman, je les ai observés, travaillant à la grandeur de l'état, dans l'extraordinaire décor d'une monarchie qui se voulut absolue......
(extrait de l'avant-propos inséré en début de l'édition parue chez "Presses Pocket" en 1962)