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Citations sur Mort et printemps (9)

LA ROUTE


Mon âge mûr rejoint ma rose adolescence
Sans faire nul effort, mère triste qui va
Retrouver dans l'Hier la fillette qu'elle a,
Que toujours elle aima malgré la longue absence.

Mon âge mûr aussi, dans l'avenir trop sûr,
Va visiter au loin ma vieillesse, grand'mère
Qu'il faut bien consoler d'être la vieille amère
À qui la longue vie a fait ce regard dur.

Nous voici toutes trois en moi qui ne suis qu'une,
Et nous nous en allons en nous tenant la main,
D'un pas qui traîne, vers l'identique infortune
De dormir dans la terre un éternel demain.
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PRINTEMPS


Depuis de lointaines enfances
Je sais qu'en mai l'herbe, les fleurs,
L'azur, toutes les innocences,
Parfums et charmes et couleurs,

Les esprits du printemps, à l'aise
Sous l'averse ou sous les rayons,
À travers prés, bois ou sillons,
Ne se parlent qu'en langue anglaise.

Enfants de Shakespeare, tous deux,
Jeune âge et fraîcheur, il me semble,
Ont leur nid avec ses œufs bleus
Près de la Tamise qui tremble.

Je le sais depuis bien longtemps,
Quand des filles d'Albion, si douces,
Sur mes premiers chemins de mousse,
M'enseignaient les fées du printemps.

Et quoique allant toujours plus vite
Du côté de l'âge où l'on meurt,
Je sens encore cette douceur
Que j'appris quand j'étais petite.
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ULULEMENT


La chouette crie,
Féerie,
Triste conte bleu,
Un peu
monotone,
De la grande automne.

Ce cri vient de soi, on croit,
Quand on est poète
Et bête.
Pourtant ce n'est rien,
Je suis bien,

Qu'un oiseau qui passe
Et chasse
Et qui ne sait pas
Son glas Identique
Au cœur romantique.
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JE SAIS...


Je sais que je suis un poète
Assez grand, ou qui le sera,
Le jour où le suprême drap
Sera replié sur ma tête.

Mais qu'advienne ce lendemain,
Gloire tout de suite ou future,
Qu'importe ? On n'est rien qu'un humain,
Peu de chose dans la nature.

Un nuage traversant l'air,
Un couchant sur un paysage,
Une fleur, un arbre, la mer
Dépassent la plus belle page.

J'aurai trop aimé la beauté,
Moi qui suis comme née en transe,
Pour n'avoir pas l'humilité
Qui va jusqu'à l'indifférence.
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NUIT DE MAI


Sous le ciel nuageux qui luit,
les arbres noirs, ombres énormes,
Sans détails ne sont que des formes.
Les grillons remplissent la nuit.

Leur craquement tient tout l'espace,
Racontant ce qu'on ne voit pas,
Les boutons d'or dans l'herbe grasse,
Le trèfle, les derniers lilas,

Racontant le mai qui s'exalte,
Enivré dans son bain d'or vert,
Le bouton de rose entr'ouvert,
La sève qui monte sans halte.

Ainsi tout ce qu'on ne peut voir
Emprunte aux grillons leur romance...
O grillons, petit bruit immense
De la nuit, printemps blanc et noir !
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LA JEUNESSE


La jeunesse au beau cou gonflé
     De sève rose,
Je la regarde, cette rose,
Et j'assiste à son jubilé.

Je ne regrette pas son âge
     Que je n'ai plus.
Je me souviens de trop d'orage
Quand j'étais parmi ses élus.

D'où je suis je la vois tragique,
     Vouée au feu,
Elle veut tant, sachant si peu,
Va si droit dans un monde oblique !

L'âge mûr, terrestre au-delà,
     Future tare,
Elle ne prévoit pas cela,
Ne sait pas ce qui se prépare.

Elle court comme un homme saoûl,
     Pleure, rit, aime.
Elle attend le Pactole même
Et n'en aura que pour un sou.

O pauvre jeunesse naïve,
     O passion,
Additionne ! L'Heure arrive
De la morne soustraction.

Vingt, vingt-cinq, ou trente ans... On joue
     À la douleur.
Après on vit. ‒ Donne ta joue
Que je l'embrasse dans sa fleur.
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DISTIQUES


Squelette, notre maître à tous,
Maigre captif au fond de nous,

Squelette, constante présence
Qui t'effaces jusqu'à l'absence,

Un domino, ‒ la chair, la peau, ‒
Te couvre de son oripeau,

Sous quoi, de manières discrètes,
Tu ne fais voir que tes arêtes.

Cheville ouvrière, pourtant,
Seul solide, seul important,

Pauvre squelette qu'on libère
Seulement à six pieds sous terre,

Etre muet, aveugle et sourd,
Toi qui ne vois jamais le jour,

La chair orgueilleuse et fantasque
À beau te couvrir de ce masque,

L'apparent rire de tes dents
Révèle le reste en dedans.

Et cependant la chair t'ignore.
Elle te hait, elle t'abhorre !

Parent pauvre écarté du jeu,
Chaste ascète en un mauvais lieu,

Invisible, tu te promènes
Parmi les amours et les haines.

C'est en vain, timide holà,
Que tu dis parfois : « Je suis là ! »

Au dur fantôme qui la hante,
La chair molle, la chair changeante

Répond : « je sens battre mon cœur,
Je vis ! Tais-toi ! Tu me fais peur ! »

Mais va ! Ton élégance blanche
À son heure aura sa revanche,

Car l'usurpatrice, au tombeau,
Cèdera lambeau par lambeau.

Car, lentement, sa pourriture
Délivrera ton armature,

Et, couché dans le dernier lit
Sur l'oreiller du grand oubli,

Toi, sous la pierre délaissée
Dont la date s'est effacée,

Tu crieras du fond de la mort :
« Petit bonhomme vit encore ! »
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À la mémoire de la doctoresse
Jacqueline Fontaine

JACQUELINE


VII
Te souviens-tu, mon petit naufrageur,
C'était ton nom quand nous étions ensemble !
Si nous avons bourlingué cœur à cœur,
Main dans la main, sur le vaisseau qui tremble ?

Nous naviguions, matelots imprudents,
Quand d'autres son à l'abri dans la rade,
Qu'elle était folle et belle, la tornade,
Et que joyeux le rire de nos dents !

Je revoyais, plus tard, quand nos poitrines
Eurent cessé de braver ce grand vent,
Le souvenir des tempêtes d'avant
Saler encor tes prunelles marines.

Il y avait ces choses entre nous,
Rien qu'à nous deux, et dites à personne.
Notre amitié courageuse, si bonne,
Tanguait encor des anciens remous.

Cela du moins me reste, belle image
Que je contemple en secret. O douleur !
En plein effort, le petit naufrageur
A fait sans moi le suprême naufrage.
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AU RETOUR


Une géographie en moi,
Avec ses verts, jaunes et roses,
Amusant mes heures moroses,
Les remplit de charme et d'émoi.

J'ai vu tant et tant de ce monde,
Depuis que je bourlingue au loin !
Assise seule dans un coin,
Je soupèse la mappemonde.

À quoi je pense, quelquefois,
Quand je reste immobile et sage ?
Fermant les yeux, croisant les doigts,
O mes souvenirs ! je voyage.
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