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Citations sur Maïna, tome 1 : L'Appel des Loups (26)

Maïna voulait tuer. Planter sa lance et voir mourir avant qu'il fasse brun. Tuer, puis éventrer, éviscérer, écorcher et porter la bête encore chaude jusqu'au camp. Elle avançait à grands pas souples, mue par ce désir immense qui l'habitait tout entière. La veille, des hommes avaient ramené un caribou que l'hiver n'avait pas trop amaigri. Malgré sa grande faim, Maïna avait détourné son regard des entrailles fumantes. Le chef, Mishtenapeu, avait compris que sa fille renonçait à la nourriture afin d'amadouer les esprits avant d'accomplir un geste sacré. Maïna espérait qu'en échange le Manitou lui livrerait une bête.

Elle n'avait pas attendu que le soleil se lève en cherchant sa route dans le brouillard. Elle avait amorcé sa longue marche sous une lune blafarde. Les corbeaux volaient bas et les geais gris n'avaient pas crié. C'était bon signe.

Elle aurait pu chasser avec les hommes. Un passage de caribous avait été découvert dans la neige, des chasseurs épieraient la harde pour tendre une embuscade. Elle aurait pu poser des collets de racines ou attirer des porcs-épics en sifflant, mais Maïna avait laissé les esprits guider ses pas et ils l'avaient conduite ailleurs. La fille de Mishtenapeu avait atteint l'âge des grandes bêtes; toute la tribu savait qu'elle pouvait ramener des lièvres et des lagopèdes, il était temps de revenir avec une prise d'homme. Mais ce ne serait pas un castor, ni un caribou. Maïna suivait un loup.
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C'est en atteignant une petite clairière ensoleillée que Maïna aperçut enfin les sept loups. Ses entrailles se nouèrent et un désir impérieux naquit en elle. Une force irrésistible l'attirait vers ces bêtes.
Elle choisit le plus haut, le plus large, le plus noir, celui qui ne baissait jamais la queue: le chef. Toute la journée, elle marcha sous le vent, assez loin pour ne pas être sentie ni entendue. La neige lui racontait le passage des loups. Leurs arrêts, leurs hésitations. Maïna se sentait forte et, pourtant, elle tremblait.
Ils s'arrêtèrent dans une tourbière gelée. Le chef était aux aguets. Trois des petits se roulaient en grognant de bonheur sous les aulnes givrés. Maïna avait honte de son cœur qui battait trop fort. Elle avançait à genoux maintenant, calculant chaque pas, mesurant chaque geste, attentive à tous les bruits, inquiète des branches qui pouvaient craquer et des oiseaux cachés menaçant de s'envoler et d'alerter les loups. Maïna progressa lentement, la mâchoire serrée, tous ses membres tendus, sans même sentir l'eau glacée sous ses jambières de peau. Elle n'avait plus peur. Elle parlait doucement à l'esprit des loups, lui rappelant son offrande de la veille, lui promettant de respecter tous les interdits et de libérer l'âme de sa victime. Rien d'autre n'existait. La bête fabuleuse était devenue son seul univers. Maïna n'aurait jamais cru qu'on pouvait tant désirer une proie.
Les loups s'agitèrent. Ils semblaient prêts à poursuivre leur route, mais le chef lança un ordre et ils s'allongèrent dans la neige. Seul le grand loup noir resta debout, décrivant un large cercle à pas lents autour des siens.
Maïna brandit la lance. Ses gestes étaient sûrs, elle n'hésita pas. Le projectile siffla, fendant le vent d'hiver. À cet instant même, le loup tourna lentement la tête vers elle et leurs regards se croisèrent. La bête aperçut les yeux noirs, brillants de désir. Maïna vit les prunelles dorées, deux petits soleils résignés, et une grande paix l'envahit. Le loup savait et il acceptait. Maïna en était persuadée. Ces deux pierres jaunes, lumineuses, ne disaient pas la rage, ni même la peur ou la colère. Le loup se livrait. Les esprits avaient accepté d'aider Maïna.
Mais au dernier moment, alors même que la lance s'enfonçait dans son flanc, on eût dit que le loup changeait d'idée, qu'il refusait de mourir. La bête bondit. Un éclair noir creva le champ de neige. Le loup ne dansa pas, comme les caribous, avant de mourir. Il courut, porté par un dernier élan de courage, avant de s'écrouler, sans râle, sans cri, sans bruit.
Les autres loups hésitèrent un peu avant de fuir. Maïna se mit au travail. Elle ramassa du bois sec et des excréments puis creusa la neige pour trouver de la mousse. Elle prit son arc-à-feu dans le sac de peau qu'elle portait en bandoulière, le déposa cérémonieusement sur le sol et s'agenouilla devant ces deux précieux morceaux de bois qui permettaient de faire apparaître le feu. Elle retira alors ses mitaines de fourrure et glissa ses mains sous plusieurs épaisseurs de peaux pour les réchauffer en les aplatissant sur ses petits seins.
— À peine plus gros que des crottes de lièvre, se moquait sa cousine Mastii.
Maïna frotta sans répit, toujours au même rythme, comme sur une musique secrète, la mince baguette contre le morceau de bois dur. Elle retenait son souffle, tous ses sens en alerte, guettant l'apparition magique. Elle avait, tant de fois déjà, répété ces gestes précis et pourtant elle ne se départait jamais de la terrible crainte que le feu ne renaisse pas.
Un filet de fumée, si mince qu'on l'aurait cru imaginé, finit par s'élever. Maïna redoubla d'ardeur, chauffant le bois en le frottant énergiquement pour que la fumée épaississe. Des miettes de mousse et d'excréments puis des brindilles alimentèrent bientôt une flamme fragile. Après, les gestes de Maïna s'enchaînèrent plus rapidement. Elle retourna à la bête, retira la lance, pressa ses lèvres contre la plaie et but avidement le sang chaud.
Maïna ouvrit sa proie en lui tranchant le ventre avec son couteau à pointe de pierre. Puis, plongeant les mains dans le creux sombre et odorant, elle dégagea les entrailles. Elle écorcha ensuite son loup, caressa longuement la magnifique fourrure, puis fit brûler la chair et les os, car les Presque Loups ne mangent jamais leur semblable. Lorsque la faim les terrasse et que les caribous, les castors et les poissons se refusent, les Presque Loups se gavent de plantes comme la tripe de roche, ils dévorent jusqu'à la panse pulpeuse du castor, grugent la chair blanche sous l'écorce des arbres ou creusent le sol de leurs doigts meurtris en quête de racines, mais ils ne goûtent jamais à la chair du loup.
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Tekahera se réjouissait secrètement du cheminement de Maïna et lorsque celle-ci lui présentait ses trophées de chasse, becs d’oiseaux, pattes de lièvres et queues de renards, elle ne pouvait dissimuler sa joie.
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Maïna ouvrit sa proie en lui tranchant le ventre avec son couteau à pointe de pierre. Puis, plongeant les mains dans le creux sombre et odorant, elle dégagea les entrailles. Elle écorcha ensuite son loup, caressa longuement la magnifique fourrure, puis fit brûler la chair et les os, car les Presque Loups ne mangent jamais leur semblable. Lorsque la faim les terrasse et que les caribous, les castors et les poissons se refusent, les Presque Loups se gavent de plantes comme la tripe de roche, ils dévorent jusqu'à la panse pulpeuse du castor, grugent la chair blanche sous l'écorce des arbres ou creusent le sol de leurs doigts meurtris en quête de racines, mais ils ne goûtent jamais à la chair du loup
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Maïna attendit l’heure brune où les bêtes sortent de leurs terriers.
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Finalement, la tente s’agita, les esprits parlèrent. Mais ce qu’ils révélèrent sema la panique dans le cœur du
chaman.
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Elle avait hâte de vivre là où les hommes n’ont jamais faim, ni soif, ni froid, quelle que soit la nature de cet extraordinaire territoire.
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Les mots sortis de sa bouche s’insinuaient comme des couleuvres parmi les membres de la tribu.
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Le corps de Manutabi était différent. C’était un vaste territoire, magnifique et nouveau, à explorer, à parcourir, à apprivoiser.
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Il y avait, dans ces yeux, des crépuscules et des fourrures de loup, de l’écorce et de la terre, des montagnes noires et des ciels d’orage.
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