Toubab or not toubab

En prison, les enfants sont les femmes des grands. Ils ne se défendent pas. Ils veulent manger à leur faim. C’est comme ça…

La richesse te donne le droit de déguiser le mendiant qui passe.

Les souvenirs cuisent plus que les coups. J’ai raconté mon père en train de compter les chèvres que la sécheresse lui arrache tous les jours, son inquiétude, sa voix lasse, mais je suis si petit… Je me souviens de mes courses solitaires dans les sekkhas de sel bleu qui ressemblent à des lacs, des dunes molles que je dévale en riant dans une cascade rose, des guerriers qui partagent notre repas au temps où l’eau coule des puits et que les troupeaux sont gras, des odeurs de sueur, de cuir, de thé et d’épices sous la grande tente, j’accompagne mon père la nuit au pâturage, pas un souffle, pas un murmure, l’impression d’avancer dans un monde enchanté au milieu de mirages phosphorescents… Trois choses obéissent au Touareg, me dit père : le feu, les chameaux, les étoiles.

Le monde était envahi de mains. Qui ne servaient à rien. Ou si peu. Mais qui, en revanche, ordonnaient, humiliaient, condamnaient…

« La parole, c’est une charge de fusil ! Si elle s’échappe, on ne peut plus la rattraper ! »

« À nous la grande aventure ! L’homme doit prendre des risques ! Sinon, à quoi bon vivre ! »

J’ai cambriolé des villas de toubabs, ah, j’ai même fait de la prison à neuf ans ! Ce que Dieu donne aux riches, je le volais pour rétablir la balance ! Mes petites sœurs étaient fières de me visiter en cellule ! Maman me suppliait d’apprendre un bon métier.
Et moi, je disais non, je suis tombé de ton ventre avec le don de voler, qu’il ne faut pas contrarier sous peine d’être damné par Dieu !

Les sorciers ghanéens, plus puissants, enfonçaient les seins des femmes en dedans.
Cette rumeur, écrivait le journaliste, n’était pas plus fondée que celle des amants collés après l’acte sexuel ou encore des portefeuilles qu’il ne faut surtout pas ramasser au risque d’être transformé en canard.

Ah, le temps de la colonisation ! La vie était si simple… Il y avait les Blancs d’un côté, et les Noirs de l’autre. Entre eux, la muraille de Chine ! Et tout le monde y trouvait son compte ! Nous, le pognon à la pelle ! Vous ? Les routes, les dispensaires et la chicote ! Mais l’indépendance vous a rendus si arrogants !

Les Touaregs préféraient compter les grains de sable au lieu de fouiller dans la poche du voisin !