Dans le doute, je préfère garder le silence et laisser les trois anciens blablater sur leur époque, leurs techniques de drague, comment il ou elles perdaient dix kilos à l'envi, qui pour un bal, qui pour monter à la capitale... [...]
C'est quand même fou. Trois générations nous séparent, à la louche, et on se questionne toujours autant sur notre image ? C'est un peu triste, quand même, de se dire qu'on envoie des gens sur la Lune, qu'on peut communiquer instantanément avec le monde entier, que la somme des connaissances humaines est à disposition en un clic... et qu'on a fait zéro progrès de ce côté là.
Hallucinant, la facilité avec laquelle les gens nous enferment dans des petites cases, pour peu qu'elles collent avec le narratif dont ils ont habillé le monde.
Le jour où tu comprendras que c'est toi qui t'installes tes propres barrières, tu découvriras que tu en regorges, de caractère.
C'est normal, de se projeter, de se fantasmer dans une version plus aboutie, plus avancée. C'est ce qui nous motive à aller de l'avant, à tenter de nouvelles choses.
Je nous déteste, moi, mon corps, ma tête avec deux voix dedans et mon nez difforme.
- Non ma fille, tu ne me comprends pas...
Il prend une grande inspiration et me guette un instant, comme s'il jaugeait ma capacité ou non à recevoir son enseignement ultime.
Et je pense que je passe le test, parce qu'enfin, il se décide à conclure :
- Ce que je veux te dire, Victoire, c'est que ce n'est pas ton rôle de le sauver.
Le physique, c'est important. Crucial. Mais tu dois t'y sentir bien, Victoire. Toi, pas les autres. Tu n'as pas à entrer dans un moule, à répondre à des normes. Et tu dois te sentir bien dans ton corps pour accomplir des choses. Pour t'accomplir, toi. Devenir celle que tu dois être. Et ma puce, nous sommes tellement, tellement plus que nos corps.