J'ai découvert cette jeune auteure,
Maëlle Desard, avec un roman aux antipodes de celui-ci : "Les tribulations d'Esther Parmentier, sorcière stagiaire", reçu à l'époque en MC privilégiée. Et ce fut un gros flop, hélas, je n'avais pas du tout adhéré à cette histoire pleine de créatures étranges et dont l'écriture truffée de références qui m'étaient inconnues m'avait laissée sur le bas-côté. Par contre il plaît énormément au public ciblé, c'est-à-dire les ados/jeunes adultes, notamment ceux qui fréquentent mes CDI.
C'est donc avec une certaine méfiance que j'ai abordé ma lecture, après avoir découvert la critique enthousiaste de @Marina53, mais aussi du fait que ce roman ait été sélectionné par le comité de lecture ado dont je fais partie. Soulagement, on n'est pas du tout dans le même univers, (même si le récit se déroule aussi à Strasbourg, ma ville natale où l'auteure a passé une partie de sa vie). Non, ici on est bien ancré dans le réel, le quotidien d'une jeune fille de 16 ans atteinte d'alopécie, cette maladie qui se manifeste par la chute des cheveux, et dont on apprend qu'elle touche bien plus de femmes que je ne l'aurait pensé (environ 20%, et bien plus chez les femmes Noires).
Cette jeune fille, c'est Emma, sorte d'alter ego de l'auteure à quelques détails près. Dans son ancien lycée, à Orange, elle en a tant bavé, victime d'un harcèlement particulièrement odieux, que sa famille a décidé de lui offrir un nouveau départ en déménageant à Strasbourg. Pour mettre toutes les chances de son côté, Emma a décidé de porter une perruque et de cacher sa maladie à ses nouveaux camarades. Elle peut compter sur l'aide de son frère Christophe, qui ayant redoublé sa première est maintenant dans la même classe qu'elle. Mais les choses ne sont pas aussi faciles qu'elle l'envisageait ! Déjà, il va falloir renoncer à la natation, alors qu'elle était championne dans sa catégorie précédemment. Et d'autres situations potentiellement "à risque" vont se présenter, notamment lorsqu'elle va croiser d'anciennes connaissances qui risquent de la trahir. Et comment gérer une relation amoureuse naissante sans se trouver confrontée à un moment donné à un douloureux dilemme : continuer à mentir, ou risquer de faire fuir son crush ? Et ses parents, bienveillants mais parfois un peu maladroits, ne sont pas toujours les meilleurs conseillers, du moins à son avis. Emma va se faire une nouvelle amie, Anis, jeune fille assez atypique férue de streaming, mais qui elle aussi cache de douloureux secrets. On passe toute l'année de première en compagnie de cette petite bande et de leurs camarades, au rythme de leurs émois et de l'évolution de leurs relations.
Je n'aurais pas pensé être aussi séduite par ce roman dont la seule originalité est de s'axer autour d'une maladie méconnue, surtout auprès des ados. Mais le ton est malicieux, l'écriture agréable bien que le vocabulaire soit forcément celui des jeunes, cela ne m'a pas du tout heurtée, alors que dans "Esther Parmentier" j'avais été excédée. L'auteure a mûri, et n'abuse plus des références hermétiques à tout lecteur de plus de 20 ans, ni des kaomojis, dont l'usage immodéré m'avait tant gênée. le récit est structuré, ça ne part pas dans tous les sens, et des thèmes graves sont abordés sans lourdeur : harcèlement et cyber-harcèlement, complexes dont souffrent de nombreux (et sutout nombreuses !) adolescent(e)s, parents négligents, difficultés à faire admettre sa différence, etc. On s'attache aux personnages, notamment l'héroïne, Emma (narratrice pleine d'humour très caustique) et son frère Christophe, victime lui aussi, mais d'une admiratrice indésirable !
J'ai acquis ce roman pour le CDI, je viens de le mettre en circulation et j'ai hâte d'avoir les premières réactions d'élèves. J'ai mis quatre étoiles, non que j'aie des bémols, mais simplement parce que ce n'est pas mon genre de lecture favori, mais si je l'avais découvert à l'adolescence j'aurais peut-être eu un coup de coeur !