Citations sur David Creem, tome 1 : La Confrérie de l'invisible (17)
On ne change pas une équipe qui gagne. Même si c'est un ramassis de têtes de mule.
Il voyait la masse sombre des arbres défiler avec appréhension et se remémorait l’épisode étrange vécu quelques instants plus tôt. Ce froid soudain, cette oppression. La certitude qu’une présence hostile l’observait. L’intuition qu’il s’agissait du Voleur d’Âmes. Puis les lucioles, grâce auxquelles il avait retrouvé ses esprits, son chemin.
Le jeune homme eut la conviction que c’était Lui. Le monstre de son cauchemar. Celui qui retenait Daddy.
Le Voleur d’Âmes.
Il fit encore quelques pas, chancelant.
S’écroula.
Il resta un moment sur le dos, luttant pour ne pas perdre connaissance. Dans cet état étrange, aux portes de l’inconscience, une intuition terrible monta en lui.
Il n’était pas seul.
Quelqu’un l’observait.
Ou quelque chose.
Une chose mauvaise, négative, dont David percevait la présence sans pour autant la voir.
Cap Rock était une véritable ville, divisée en quartiers, eux-mêmes reliés par des routes. Au loin, couvrant la partie ouest jusqu’à la mer, des bois touffus formaient une tache plus sombre. D’après la carte, le Schwarzenegger Hall se trouvait derrière.
Le phénomène dura quelques secondes puis s’arrêta. David, bien qu’étonné, mit cette petite distorsion du réel sur le compte de la fatigue. L’excitation de cette rentrée l’avait épuisé et il n’avait rien avalé depuis la veille.
Mais il y avait plus. Une sensation jamais éprouvée. Le jeune homme captait une multitude de signaux invisibles qui émanaient des élèves étendus sur l’herbe. C’était comme contempler des champs d’énergie pure. Il en percevait la densité, la tonalité, et presque la couleur.
Adepte de la métempsychose, Maude avait pris la chose très au sérieux. L’âme de son époux s’adressait à son petit-fils. Il fallait l’écouter.
Pourtant, malgré une longue série de tentatives menées avec la complicité de la vieille dame, David n’était jamais arrivé à entrer en contact avec quoi que ce soit. Pas plus avec Daddy qu’avec une autre entité.
Maude l’avait néanmoins convaincu de persévérer, de croire en son don. Puis elle lui avait parlé de Cap Rock – l’université dans laquelle Daddy avait enseigné la physique toute sa vie – et de son cursus unique en sciences paranormales.
Pour le jeune homme, la disparition de Daddy s’apparentait à un séisme. Son absence lui pesait et le cauchemar récurent qui agitait ses nuits n’avait rien arrangé. Un songe étrange, angoissant, apparut juste après la mort du chercheur dans l’explosion de son laboratoire et qui le réveillait de plus en plus souvent.
Le jeune homme avait quitté le domicile familial le matin même, une coquille vide perdue au fond de la vallée de San Fernando, dans laquelle il passait le plus clair de son temps avec Deefool, un épagneul recueillit à la SPA. Depuis la crise, sa mère tirait le diable par la queue. Élevant son enfant seule, elle cumulait plusieurs boulots pour subvenir à leurs besoins. Elle ne rentrait à la maison que pour y dormir.
Heureusement, il y avait Maude. Éprise de spiritualité asiatique et férue de cuisine bio, cette grand-mère new age refusait qu’on l’appelle autrement que par son prénom. Veuve depuis bientôt huit ans, elle retrouvait en son petit-fils un peu de son mari. Une ressemblance physique troublante, qui l’avait conduite à nouer avec David une relation particulière.