Citations sur Fortunes (35)
Clopin-clopant s'en allaient des aveugles,
Des béquillards, des goitreux, des bossus,
Des gendarmes et des ivrognes.
Souflant aux vitres des cafés
Une buée à perdre cent navires,
Les sirènes de sept heures disaient à tous :" Il est temps d'être ivre."
Don Juan s'arrêta dans un endroit
Où je sais qu'il y a une fontaine Wallace,
Un avertisseur d'incendie et une brouette enchaînée à un banc.
Il y resta jusqu'à minuit,
Il y resta sans ennui,
Il y resta seul dans la nuit.
Un, deux, trois :
Vous avez le bonjour,
Le bonjour de Robet Desnos, de Robert le Diable, de Robert Macaire, de Robert Houdin, de Robert Robert, de Robert mon oncle»...
J'en passe et des meilleurs.
Mes sans cou, mes chers sans cou,
Hommes nés trop tôt, éternellement trop tôt,
Hommes qui auriez trempé dans les révolutions de demain
Si le destin ne vous imposait de faire les révolutions pour en mourir,
Hommes assoiffés de trop de justice,
Hommes de la fosse commune au pied du mur des fédérés,
Malgré les balles pointillées autour du cou.
Hommes des enclos ménagés en plein cimetière,
Car on ne mélange pas les étendards avec les torchons.
On cloue ceux-ci aux hampes,
Et c'est eux qui, humiliés,
Claquent si lamentablement dans le vent de l'aube
A l'heure où le couperet en tombant
Fait résonner les échos des Santés éternelles.
AUX SANS COU
Maisons sans fenêtres, sans portes, aux toits défoncés,
Portes sans serrures,
Guillotine sans couperet...
C'est à vous que je parle quin'avez plus d'oreilles,
Plus de bouche, de nez, d'yeux, de cheveux, de cervelle,
Plus de cou.
Vous surgissez d'un pas ferme au détour de la rue qui
mène à la taverne.
Vous vous attablez, vous buvez, vous buvez sec, vous
buvez bien,
Et bientôt le vin circule dans vos cœurs, y amène une nouvelle vie :
« Qu'as-tu fait de ta perruque? » dit un sans cou à un autre sans cou,
Qui se détourne sans mot dire
Et qu'on expulse, et qu'on sort et qu'on traine et qu'on foule aux pieds.
Et toi, qu'as-tu?»
« Je suis celui contre lequel se dressent toutes les lois. Celui que les partis extrêmes appellent encore un criminel.
Je suis de droit commun
IL ÉTAIT UNE FEUILLE
Il était une feuille avec ses lignes
Ligne de vie
Ligne de chance
Ligne de cœur
Il était une branche au bout de la feuille
Ligne fourchue signe de vie
Signe de chance
Signe de cœur
Il était un arbre au bout de la branche
Un arbre digne de vie
Digne de chance
Digne de cœur
cœur gravé, percé, transpercé
Un arbre que nul jamais ne vit
Il était des racines au bout de l'arbre
Racines vignes de vie
Vignes de chance
Vignes de cœur
Au bout des racines il était la terre
La terre tout court
La terre toute ronde
La terre toute seule au travers du ciel
La terre.
LES HOMMES SUR LA TERRE
Extrait 4
La croupe luisante d’un cheval
Le cri d’un oiseau dans la nuit
Le clapotis des fleuves sous les ponts.
L’un des quatre est mort
Deux autres ne valent guère mieux
Mais je suis bien vivant et je crois que c’est pour longtemps.
Les collines couvertes de thym
La vieille cour moussue
L’ancienne rue qui conduisait aux forêts.
O vie, ô hommes, amitiés renaissantes
Et tout le sang du monde circulant dans des veines
Dans des veines différentes mais des veines d’hommes, d’hommes sur la
terre.
Églantines flétries parmi les herbiers
O feuilles jaunes
Tout craque dans cette chambre
Comme dans l'allée nocturne les herbes sous le pied.
De grandes ailes invisibles immobilisent mes bras et le retentissement d'une mer lointaine parvient jusqu'à moi.
Le lit roule jusqu'à l'aube sa bordure d'écume et l'aube ne paraît pas
Ne paraîtra jamais.
Verre pilé, boiseries pourries, rêves interminables, fleurs flétries,
Une main se pose à travers les ténèbres toute blanche sur mon front,
Et j'écouterai jusqu'au jour improbable
Voler en se heurtant aux murailles et aux meubles l'oiseau de paradis, l'oiseau que j'ai enfermé par mégarde
Rien qu'en fermant les yeux.
(extrait de "The night of loveless nights", 1930) - p.53
Dormons, dormons
Ou faisons semblant de dormir
Ne manie pas ce livre à la légère
A la légère à la légère à la légère à la légère p.30
Au coin des rues Saint-Martin et de la Verrerie
Une plume flottait à ras du trottoir
Avec de vieux papiers chassés par le vent.
Un chant d’oiseau s’éleva square des Innocents.
Un autre retentit à la Tour Saint-Jacques.
Il y eut un long cri rue Saint-Bon
Et l’étrange nuit s’effilocha sur Paris.
Poème, je ne vous demande pas l'aumône,
Je vous la fais.
Poème, je ne vous demande pas l'heure qu'il est,
Je vous la donne.
Poème, je ne vous demande pas si vous allez bien,
Cela se devine.
Poème, poème, je vous demande un peu...
Je vous demande un peu d'or pour être heureux avec celle que j'aime.
(extrait de "Comme" / "Les hommes sans cou", 1934) - p.80
(...)
Craignez qu'elle ne s'éveille,
Plus affolée qu'un oiseau se heurtant aux meubles et aux murs.
Craignez qu'elle ne meure chez vous,
Craignez qu'elle ne s'en aille toutes vitres brisées,
Craignez qu'elle ne se cache dans un angle obscur,
Craignez de réveiller la furtive endormie.
La furtive