J'ai longtemps résisté avant de lire
Vernon Subutex. Je ne suis pas une fan inconditionnelle de
Virginie Despentes et du registre qu'elle choisit d'adopter le plus souvent. Je n'ai rien, ni contre la violence ni contre ce qu'on appelle communément la vulgarité et que j'appellerai moi le sexe cru mais à condition que le récit l'exige, que violence et vulgarité le servent et non ne l'éclipsent et j'ai souvent eu l'impression que c'était le cas chez cette autrice.
Mais là, j'ai été surprise, très agréablement surprise par cette trilogie. Ça se boit comme du petit lait, cette descente aux enfers, un peu trop peut-être. Parce que c'est de ça qu'il s'agit au départ : comment même avec un job, un pote connu et un carnet d'adresse long comme le bras on peut se retrouver à la rue.
Bobos parisiens, fachos, stars du porno, artistes ratés, clodos, trader sous perf de cocaïne, trans, producteurs prédateurs, alcoolo de PMU, autant de peaux dans lesquels se glissent
Virginie Despentes, chapitre après chapitre, nous faisant découvrir un petit pan de l'histoire de chacun. Elle y développe jusqu'à la nausée des discours de haine, d'indifférence, des justifications faciles à des actes abjectes dont je suis à peu près certaines qu'elles existent vraiment dans la tête des agresseurs. Avec en première victime qui ? La femme bien sûr.
Hyper sexualisées, maltraitées, violentées, les héroïnes de cette féministe pro-sexe arrivent rarement indemnes à la fin de ses bouquins. Cette trilogie ne fait pas exception. Il est toujours facile de taxer tout de ça de clichés, de se cacher derrière la pudibonderie pour trouver qu'on ne devrait pas écrire ça. Il n'empêche qu'il suffit d'ouvrir le journal pour constater qu'il doit y avoir pas mal de vrai dans tout ça : Affaire Weinstein, MeToo, Ligue du LOL, féminicides, et j'en passe me semblent rendre tout à fait crédible l'idée qu'on peut labourer, asservir et massacrer le corps d'une femme et s'en sortir.
Voilà pour le globale. Quant à la lesbienne de l'histoire, parce que bien sûr il y en a une (d'abord parce que sinon je n'en parlerais pas ici, ensuite parce que c'est
Virginie Despentes il y a donc toujours ou presque une lesbienne) c'est pour moi le personnage le moins crédible de l'histoire de par sa trajectoire que je vous laisse découvrir histoire de ne pas spolier. Ensuite comme souvent, la Hyène (c'est son nom) est une lesbienne aux manières de mecs ce qui sans manquer de crédibilité reste, je trouve très réducteur. Il me semble que le monde des lesbiennes est plus vaste que ça… Au demeurant ce n'est pas le sujet du livre mais quand même c'est un peu systématique chez
Virginie Despentes.
C'est une trilogie vraiment intéressante, la fin est surprenante et bien trouvée même si le troisième tome souffre de quelques longueurs à mon sens.