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Citations sur La Science du coeur humain, ou la Psychologie des sen.. (32)

Il faut donc être bien prévenu contre cette œuvre, pour insinuer, ainsi que l’a fait M. De Laprade, que dans Tartuffe l’attaque dépasse le vice pour aller tomber sur la chose respectable qui se trouve la plus voisine, et qu’en frondant un vice Molière offense une vertu.
(...)
En premier lieu, ce serait une erreur que de supposer que l’exposition de l’hypocrisie puisse jamais être un antidote contre quoi que ce soit, qu’elle puisse empêcher les pervers d’adopter ce moyen quand {p. 96} ils sont aptes à l’employer. Cette comédie ne peut servir qu’à éclairer les personnes morales à cet égard, et à les empêcher de devenir les victimes des fripons qui chercheraient à les exploiter en simulant la vertu. En second lieu, bien que les personnes pieuses détestent, à n’en pas douter, les faux dévots, qui certainement les compromettent, il n’est pas moins vrai que la représentation de Tartuffe ne leur sera jamais agréable, par la raison que, l’homme étant porté à juger du particulier au général, on sait très bien que les passionnés irréligieux feront toujours retomber sur tout le corps des hommes religieux les fautes d’un seul de ses membres, et même les fautes des hypocrites qui, pour mieux tromper, feignent d’appartenir à ce corps.

Le Tartuffe
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L’hypocrisie religieuse, ce procédé de la scélératesse intelligente, méritait bien d’être dévoilée, afin que l’on fût averti et que l’on pût s’en préserver. Molière n’a pas manqué de rendre ce service à la société, et il l’a fait avec une supériorité digne de lui. Il n’est pas besoin de répéter après Molière lui-même que dans Tartuffe il a voulu stigmatiser le vice qui se revêt du manteau de la religion, tout en professant le plus grand respect pour tout ce qui touche au vrai sentiment religieux.

Le Tartuffe
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L’hypocrisie religieuse, ce procédé de la scélératesse intelligente, méritait bien d’être dévoilée, afin que l’on fût averti et que l’on pût s’en préserver. Molière n’a pas manqué de rendre ce service à la société, et il l’a fait avec une supériorité digne de lui. Il n’est pas besoin de répéter après Molière lui-même que dans Tartuffe il a voulu stigmatiser le vice qui se revêt du manteau de la religion, tout en professant le plus grand respect pour tout ce qui touche au vrai sentiment religieux.

Le Tartuffe
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Mais, quelque intelligent, adroit et rusé que soit le pervers qui emploie ce moyen, si les passions qui le dominent sont vives, il commettra indubitablement tôt ou {p. 93} tard quelque imprudence qui le fera découvrir lorsque ces passions, excitées par quelque circonstance, deviendront plus puissantes sur son esprit que la crainte d’être découvert. Tartuffe, vivement épris des charmes d’Elmire, commet une imprudence qui est tout à fait dans la nature des passionnés, en déclarant son amour à cette dame sans avoir au préalable tâté le terrain afin de s’assurer si elle y correspondra.

Le Tartuffe
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Tartuffe, convaincu de scélératesse et obligé de quitter son masque, prouve que son insensibilité morale égale au moins sa perversité. Loin de courber la tête devant les preuves de son infamie, il la relève pour écraser de ses menaces son bienfaiteur. Il prouve par sa nouvelle attitude que, comme tous les criminels dénués de conscience morale, il est sans honte et sans remords. Si Molière fait dire au sage Cléante, en parlant de Tartuffe dévoilé et arrêté par ordre supérieur :

« A son mauvais destin laissez un misérable
et ne vous joignez pas au remords qui l’accable. »

ce n’est pas qu’il croie que Tartuffe puisse éprouver le remords véritable ; car non seulement il ne lui en fait exprimer aucun, mais encore il l’a constamment présenté comme dépourvu des sentiments qui, froissés par quelque acte odieux, produisent cette peine morale. En faisant supposer par Cléante que Tartuffe éprouve du remords, Molière signale l’erreur dans laquelle tombent les personnes bien douées du côté des sentiments qui, supposant tous les hommes moralement conformés comme eux-mêmes, ne doutent pas que les criminels n’éprouvent du remords. Si Tartuffe ne le ressent point, il éprouve néanmoins, lorsqu’il est saisi par la justice, le regret égoïste de s’être laissé prendre, et c’est le seul qu’il lui soit possible de ressentir.

Le Tartuffe

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Au troisième acte, Tartuffe entra en scène. Ce personnage, tel que l’a dépeint Molière, appartient à la classe dangereuse des scélérats, c’est-à-dire des malheureux que la nature a créés paresseux à l’excès, égoïstes, animés de sentiments pervers, dévorés du désir des jouissances, et surtout dénués de tout sentiment moral capable de combattre leurs mauvais instincts.
Mais, outre ces anomalies générales dont tous les scélérats sont atteints à des degrés différents, certaines dispositions intellectuelles et instinctives, ainsi que les conditions dans lesquelles ils naissent, créent parmi eux un grand nombre de variétés de scélérats. Celui qui est dans l’opulence et qui n’a pas besoin d’avoir recours au vol pour satisfaire ses passions, apparaît sous un des personnages dont Molière a exposé le type dans Don Juan. Celui qui sort {p. 91} de la classe pauvre et dont l’intelligence vulgaire n’offre pas de ressources, vole directement et bêtement par la violence. Celui qui est doué d’une intelligence supérieure et qui est animé d’un certain amour-propre, croirait compromettre sa dignité en se servant des procédés employés par le voleur vulgaire ; aussi dérobe-t-il d’une manière détournée. Son intelligence, dirigée par de mauvais instincts, loin de l’éclairer, ne fait que favoriser la satisfaction de ces instincts par des moyens ingénieux ; elle crée le voleur intelligent et spécialiste qui arrive à s’emparer du bien d’autrui, à jouir des plaisirs de la vie sans travailler, par la ruse, l’adresse, la rouerie, et à l’occasion par l’hypocrisie. Tartuffe, ayant rencontré un homme religieux, crédule, faible d’intelligence et bon à duper, l’exploite par l’adresse, la ruse et l’hypocrisie. Tout ce qui caractérise le pervers dépourvu de tout sentiment moral se trouve admirablement dessiné par Molière dans ce nouveau type de criminel qu’il présente.

Le Tartuffe
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Orgon, n’ayant rien à répliquer aux sages observations de Cléante, mais ne restant pas moins convaincu qu’il est dans le vrai, que lui seul est raisonnable, se défend par des paroles ironiques qui ne répondent à rien et qui prouvent la persistance de son aveuglement moral :
« Oui, vous êtes sans doute un Docteur qu’on révère,
tout le savoir du monde est chez vous retiré ;
vous êtes le seul sage et le seul éclairé,
un oracle, un Caton dans le siècle où nous sommes,
et près de vous ce sont des sots que tous les hommes. »
Ou encore, il hausse les épaules de pitié et de mépris en quittant la partie et en prononçant ces paroles :
{p. 90} « Monsieur mon cher beau-frère, avez-vous tout dit?
Cléante.

Oui.
Orgon.

Je suis votre valet …»
De même, aux sages considérations que Dorine lui présente pour le dissuader de poursuivre le projet insensé de marier sa fille avec Tartuffe, Orgon répond en colère par une phrase ironique qui ne dit rien :
« Je vous dis qu’il me faut apprendre d’elle à vivre ! »

Ces réponses ironiques ou évasives sont éminemment psychologiques dans la situation du passionné qui n’a, pour motiver sa conduite, que les impulsions de sa passion.

Le Tartuffe
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Dans la scène vi de l’acte I, Orgon étale son aveuglement à l’égard de Tartuffe et découvre tous les procédés hypocrites, sans les apercevoir néanmoins comme tels, par lesquels ce malfaiteur s’est emparé de son esprit. C’est en vain que Cléante conseille à Orgon de se méfier de son fatal entraînement : ce passionné reste réfractaire aux considérations les plus sensées de son frère. Celle qui est basée sur l’imperfection de la nature humaine mérite d’être citée. La raison complète n’est point le lot de la pauvre humanité. L’homme même qui possède les sentiments moraux, éléments constitutifs de la raison, ne sait pas toujours se tenir dans les limites du vrai, du juste, du bien, ce qui est le cas d’Alceste et d’Orgon. L’exagération l’entraîne alors au-delà des bornes de la raison, le fanatise, ce qui est si bien exprimé en ces termes par Cléante :
« Les hommes, la plupart, sont étrangement faits;
dans la juste nature on ne les voit jamais ;
{p. 89} la raison a pour eux des bornes trop petites,
en chaque caractère ils passent ses limites,
et la plus noble chose ils la gâtent souvent
pour la vouloir outrer et pousser trop avant. »

Le Tartuffe
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Les fanatiques qui veulent prouver l’excellence de l’objet qui les enthousiasme, sont souvent embarrassés de dire pourquoi ils sont enthousiasmés. Il leur semble cependant que, pour motiver leur admiration, les raisons vont abonder dans leur bouche ; mais quand ils arrivent à vouloir formuler un seul motif, ils sont arrêtés tout court, car la cause de leur enthousiasme réside entièrement dans leur manière de sentir. Cet effet des passions a été on ne peut mieux saisi et rendu par Molière :
orgon a cléante.

« Mon frère, vous seriez charmé de le (Tartuffe) connaître ;
et vos ravissements ne prendraient point de fin.
c’est un homme qui… Ah !… un homme… un homme enfin!»

Voilà tout. Molière a su arrêter là son passionné, afin de montrer que le seul motif de son admiration réside dans la vivacité de son fanatisme. Les sentiments et les passions en effet ne se motivent pas toujours; une force intérieure et organique les soulève parfois sans cause excitante extérieure, sans motif plausible, et détermine leur explosion.

Le Tartuffe
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LE TARTUFFE

Dans la première scène de cette comédie, tous les membres de la famille de dame Pernelle donnent successivement à cette dame d’excellentes raisons pour la désabuser sur le compte de Tartuffe ; mais aveuglée à l’égard de ce personnage, elle n’est point ramenée à la vérité par les considérations sensées qu’on lui a présentées, et elle clôture la discussion par un faux-fuyant qui prouve que, bien qu’elle n’ait rien à répondre, elle reste inébranlable {p. 85} dans la manière de voir que lui imposent ses petites passions :
« Tous ces raisonnements ne font rien à l’affaire. »
Et, plus loin, elle qualifie de contes bleus les vérités qui se disent sur les agissements de son protégé.
Rien n’irrite les passionnés comme la contradiction, et de cette irritation naît souvent un besoin de violence que ces passionnés satisfont sur tout objet quelconque auquel ils peuvent s’en prendre, sans risquer de voir leur excès retomber sur eux-mêmes: ils brisent un meuble, ils donnent un coup de pied au chien, ils rudoient un enfant, ils frappent un domestique, et cela sans motif aucun contre l’objet violenté. Dame Pernelle, après avoir terminé ses récriminations contre chaque membre de sa famille, finit d’épancher sa colère, dont la violence s’accroît peu à peu, en appliquant sans raison un soufflet à Flipotte, une petite servante qui est restée muette pendant le conflit, et en l’insultant par l’apostrophe suivante:
« Allons, vous, vous rêvez et bavez aux corneilles.
Jour de Dieu ! je saurai vous frotter les oreilles…
Marchons, gaupe, marchons… »
Cette péroraison brutale, cette ultima ratio des passionnés aveuglés et irrités par la contradiction, est on ne peut plus naturelle ; il faut être Molière pour trouver des effets si simples, si vrais, et d’un si puissant effet sur la scène.
La manière dont Molière expose l’envahissement de Orgon par la passion ridicule que celui-ci éprouve pour {p. 86} Tartuffe, passion qui a tous les caractères du fanatisme, démontre que cet envahissement peut être complet au point d’empêcher le passionné d’entendre ce que dit son interlocuteur ; ou encore, de n’entendre des paroles de celui-ci que celles qui peuvent avoir du rapport avec l’objet qui le préoccupe si vivement. Dorine a beau entretenir Orgon sur la maladie d’Elmire, son épouse, Orgon n’entend que ce qui peut intéresser Tartuffe ; aussi, à chaque phrase de Dorine, revient-il à son idole, d’où résulte cette répétition si bien trouvée et si comique :
« Et Tartuffe?… Le pauvre homme ! »
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