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EAN : 978B001CB838M
F. Savy (30/11/-1)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Molière a été étudié sous des aspects si divers, qu’il semble difficile de pouvoir ajouter quelque chose de plus à tout ce qu’on a dit à son sujet. Ce vaste champ de découvertes n’est cependant point épuisé. Le côté scientifique de ses œuvres étant resté inaperçu, je me propose de le mettre en lumière, avec la conviction de démontrer que si par ses éminentes qualités littéraires il figure parmi les plus remarquables de nos écrivains, par ses conceptions psychologiqu... >Voir plus
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Que lire après La Science du coeur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d'après les oeuvres de Molière, par le Dr Prosper DespineVoir plus
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Il faut donc être bien prévenu contre cette œuvre, pour insinuer, ainsi que l’a fait M. De Laprade, que dans Tartuffe l’attaque dépasse le vice pour aller tomber sur la chose respectable qui se trouve la plus voisine, et qu’en frondant un vice Molière offense une vertu.
(...)
En premier lieu, ce serait une erreur que de supposer que l’exposition de l’hypocrisie puisse jamais être un antidote contre quoi que ce soit, qu’elle puisse empêcher les pervers d’adopter ce moyen quand {p. 96} ils sont aptes à l’employer. Cette comédie ne peut servir qu’à éclairer les personnes morales à cet égard, et à les empêcher de devenir les victimes des fripons qui chercheraient à les exploiter en simulant la vertu. En second lieu, bien que les personnes pieuses détestent, à n’en pas douter, les faux dévots, qui certainement les compromettent, il n’est pas moins vrai que la représentation de Tartuffe ne leur sera jamais agréable, par la raison que, l’homme étant porté à juger du particulier au général, on sait très bien que les passionnés irréligieux feront toujours retomber sur tout le corps des hommes religieux les fautes d’un seul de ses membres, et même les fautes des hypocrites qui, pour mieux tromper, feignent d’appartenir à ce corps.

Le Tartuffe
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LE TARTUFFE

Dans la première scène de cette comédie, tous les membres de la famille de dame Pernelle donnent successivement à cette dame d’excellentes raisons pour la désabuser sur le compte de Tartuffe ; mais aveuglée à l’égard de ce personnage, elle n’est point ramenée à la vérité par les considérations sensées qu’on lui a présentées, et elle clôture la discussion par un faux-fuyant qui prouve que, bien qu’elle n’ait rien à répondre, elle reste inébranlable {p. 85} dans la manière de voir que lui imposent ses petites passions :
« Tous ces raisonnements ne font rien à l’affaire. »
Et, plus loin, elle qualifie de contes bleus les vérités qui se disent sur les agissements de son protégé.
Rien n’irrite les passionnés comme la contradiction, et de cette irritation naît souvent un besoin de violence que ces passionnés satisfont sur tout objet quelconque auquel ils peuvent s’en prendre, sans risquer de voir leur excès retomber sur eux-mêmes: ils brisent un meuble, ils donnent un coup de pied au chien, ils rudoient un enfant, ils frappent un domestique, et cela sans motif aucun contre l’objet violenté. Dame Pernelle, après avoir terminé ses récriminations contre chaque membre de sa famille, finit d’épancher sa colère, dont la violence s’accroît peu à peu, en appliquant sans raison un soufflet à Flipotte, une petite servante qui est restée muette pendant le conflit, et en l’insultant par l’apostrophe suivante:
« Allons, vous, vous rêvez et bavez aux corneilles.
Jour de Dieu ! je saurai vous frotter les oreilles…
Marchons, gaupe, marchons… »
Cette péroraison brutale, cette ultima ratio des passionnés aveuglés et irrités par la contradiction, est on ne peut plus naturelle ; il faut être Molière pour trouver des effets si simples, si vrais, et d’un si puissant effet sur la scène.
La manière dont Molière expose l’envahissement de Orgon par la passion ridicule que celui-ci éprouve pour {p. 86} Tartuffe, passion qui a tous les caractères du fanatisme, démontre que cet envahissement peut être complet au point d’empêcher le passionné d’entendre ce que dit son interlocuteur ; ou encore, de n’entendre des paroles de celui-ci que celles qui peuvent avoir du rapport avec l’objet qui le préoccupe si vivement. Dorine a beau entretenir Orgon sur la maladie d’Elmire, son épouse, Orgon n’entend que ce qui peut intéresser Tartuffe ; aussi, à chaque phrase de Dorine, revient-il à son idole, d’où résulte cette répétition si bien trouvée et si comique :
« Et Tartuffe?… Le pauvre homme ! »
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La science qui s’occupe des manifestations de l’esprit a pour objet deux parties distinctes: celle qui étudie les facultés intellectuelles et celle qui traite plus spécialement des manifestations instinctives ou morales, c’est-à-dire des sentiments et des passions. Cette dernière branche de la psychologie étant la seule intéressée dans les œuvres de Molière, c’est d’elle uniquement qu’il sera ici question.
Quoique la moins étudiée, elle me paraît être néanmoins la plus importante des deux, puisque c’est à elle qu’appartient la solution du γνώτι σέαυτòν, de la connaissance de soi. Cette connaissance ne consiste pas précisément à apprécier les bonnes qualités dont on est doué, mais à connaître, à sentir ses instincts défectueux et pervers, afin {p. 13} de pouvoir les combattre et les réprimer. Or, pour avoir celle connaissance, certaines conditions sont absolument nécessaires. Lorsque les sentiments moraux sont présents dans son esprit en même temps que ses passions, l’homme, éclairé par les premiers sur la qualité des secondes, se connaît : il reste raisonnable en présence de ses passions, il apprécie leur nature irrationnelle ou perverse, et il peut leur résister s’il le veut, car il possède alors tous les éléments nécessaires pour se déterminer librement.

Mais il n’en est plus de même lorsque les sentiments moraux lui font plus ou moins défaut, soit parce qu’un vice congénial ou une cause pathologique accidentelle empêchent leur manifestation, soit parce que, les passions les ayant momentanément étouffés, paralysés par leur violence, ces passions occupent totalement l’esprit. Dans ces diverses circonstances, l’homme, n’étant plus éclairé à l’égard de ses inspirations passionnées par la raison, c’est-à-dire par les sentiments moraux, ne peut plus apprécier les bizarreries, les immoralités, que ses passions lui suggèrent; il les prend pour raisonnables, comme étant l’expression du bien, de la justice et de la vérité. Il est donc aveuglé à leur égard. C’est cet aveuglement moral par les passions, causé par l’effet naturel que je viens d’indiquer et non volontairement, qui constitue la folie humaine. Et celle folie affecte non seulement les infortunés chez lesquels une maladie cérébrale a fait surgir en eux des passions insolites, {p. 14} étrangères à leur caractère; mais plus fréquemment encore et à un égal degré, a démontré Molière, les hommes en santé, sous l’influence de leurs passions naturelles.

Introduction
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Au troisième acte, Tartuffe entra en scène. Ce personnage, tel que l’a dépeint Molière, appartient à la classe dangereuse des scélérats, c’est-à-dire des malheureux que la nature a créés paresseux à l’excès, égoïstes, animés de sentiments pervers, dévorés du désir des jouissances, et surtout dénués de tout sentiment moral capable de combattre leurs mauvais instincts.
Mais, outre ces anomalies générales dont tous les scélérats sont atteints à des degrés différents, certaines dispositions intellectuelles et instinctives, ainsi que les conditions dans lesquelles ils naissent, créent parmi eux un grand nombre de variétés de scélérats. Celui qui est dans l’opulence et qui n’a pas besoin d’avoir recours au vol pour satisfaire ses passions, apparaît sous un des personnages dont Molière a exposé le type dans Don Juan. Celui qui sort {p. 91} de la classe pauvre et dont l’intelligence vulgaire n’offre pas de ressources, vole directement et bêtement par la violence. Celui qui est doué d’une intelligence supérieure et qui est animé d’un certain amour-propre, croirait compromettre sa dignité en se servant des procédés employés par le voleur vulgaire ; aussi dérobe-t-il d’une manière détournée. Son intelligence, dirigée par de mauvais instincts, loin de l’éclairer, ne fait que favoriser la satisfaction de ces instincts par des moyens ingénieux ; elle crée le voleur intelligent et spécialiste qui arrive à s’emparer du bien d’autrui, à jouir des plaisirs de la vie sans travailler, par la ruse, l’adresse, la rouerie, et à l’occasion par l’hypocrisie. Tartuffe, ayant rencontré un homme religieux, crédule, faible d’intelligence et bon à duper, l’exploite par l’adresse, la ruse et l’hypocrisie. Tout ce qui caractérise le pervers dépourvu de tout sentiment moral se trouve admirablement dessiné par Molière dans ce nouveau type de criminel qu’il présente.

Le Tartuffe
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Tartuffe, convaincu de scélératesse et obligé de quitter son masque, prouve que son insensibilité morale égale au moins sa perversité. Loin de courber la tête devant les preuves de son infamie, il la relève pour écraser de ses menaces son bienfaiteur. Il prouve par sa nouvelle attitude que, comme tous les criminels dénués de conscience morale, il est sans honte et sans remords. Si Molière fait dire au sage Cléante, en parlant de Tartuffe dévoilé et arrêté par ordre supérieur :

« A son mauvais destin laissez un misérable
et ne vous joignez pas au remords qui l’accable. »

ce n’est pas qu’il croie que Tartuffe puisse éprouver le remords véritable ; car non seulement il ne lui en fait exprimer aucun, mais encore il l’a constamment présenté comme dépourvu des sentiments qui, froissés par quelque acte odieux, produisent cette peine morale. En faisant supposer par Cléante que Tartuffe éprouve du remords, Molière signale l’erreur dans laquelle tombent les personnes bien douées du côté des sentiments qui, supposant tous les hommes moralement conformés comme eux-mêmes, ne doutent pas que les criminels n’éprouvent du remords. Si Tartuffe ne le ressent point, il éprouve néanmoins, lorsqu’il est saisi par la justice, le regret égoïste de s’être laissé prendre, et c’est le seul qu’il lui soit possible de ressentir.

Le Tartuffe

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