Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu'une forêt qui pousse.
C'était une forêt monotone, organisée afin de faciliter plus tard, au mieux, la coupe et le débardage. Les arbres, qui avaient poussé très droit et très vite, s'étendaient comme une armée immobile. Ils étaient innombrables mais j'ai pensé que le sous-bois était si sec qu'il suffirait d'une étincelle pour les réduire tous en cendre.
- Il y a des gens et des idées qui sont comme des larves dans l'écorce des beaux arbres.
L'idée qu'on devait être redevable, d'une façon ou d'une autre, pour ceci ou pour cela, m'était insupportable. Toujours des liens invisibles vous retenaient au ventre qui vous avait mis au monde, à tous ceux qui estimaient vous avoir élevé, appris, construit. Et un jour, vous deviez bien le comprendre, il fallait payer pour ça, en juste retour. Ce n'était peut-être pas une règle mais ça participait d'une morale. C'était à gerber.
Dans le monstrueux, on a toujours une marge de progression énorme.
C’était frappé au coin du bon sens ! Évidemment, il fallait que quelqu’un paie. C’était une idée que je ne pourrais pas lui sortir de la tête, à cause du mal qu’on lui avait fait, à lui et aux autres. Ça n’avançait à rien de manifester et de séquestrer le patron. N’avais-je pas vu comment ça se finissait ? Toujours de plus en plus mal pour le plus faible. Les vieilles méthodes ne fonctionnaient plus. Il fallait arrêter avec les négociations qui n’aboutissaient jamais. Prendre l’ignoble dans un recoin et le fumer. Il fallait que ça saigne. Je n’avais pas encore compris ? Que ça serait désormais la bonne solution ?
Le fait est que très souvent les mesures compensatoires ne compensaient rien du tout. Un risque que ça règle le problème pour les hommes mais pas pour les animaux ni les plantes. On se souvenait encore, à l’occasion d’un chantier de terminal méthanier dans le nord du pays, de tout le soin qu’un grand opérateur d’énergie avait mis pour « déplacer » une plage où nichaient des sternes naines. Epaulé par des naturalistes compétents, il avait tout bien fait mais les sternes étaient parties voir ailleurs. Les animaux sauvages ne se laissent pas dicter leur conduite.
Un humain qui naissait était d’abord un consommateur, et ça commençait avec la première couche qu’on lui collait au cul. Plus d’humains et plus de couches au cul ! Et tout à l’avenant !
J’étais encouragé dans mon activité mais je devais agir dans une certaine discrétion, ce qui était très excitant, à cause des ayatollahs verts. Les amis des arbres. Les partisans d’une absurde et dangereuse décroissance. Les mangeurs de carottes bio. Les ennemis de la prospérité. Les traîtres à la civilisation. Ils étaient déjà venus me faire chier. Ils reviendraient. (Alexis)
Est-ce que ça changera quoi que ce soit si nous nous laissons aller à compatir au-delà du raisonnable ? La vie est trop courte ! Si on se mettait à souffrir pour tout, tout le temps, le fardeau serait bien lourd à porter. Aussi la vie doit vite reprendre le dessus. Sinon on devient fou. Allez ! Fi des torpeurs, des horreurs, des malheurs ! Allons nous dorer la pilule sur la plage !