C'est mon jour de chance ! Addiction au jeu et fausses croyances

[…] les toxicomanes et les analystes ne font pas bon ménage, pour la bonne raison qu’ils se rencontrent rarement. L’un, tout occupé par sa drogue, l’autre, trop occupé à oedipianiser la jouissance.


-Jean-Louis Aucremanne, revue Quarto n°42-

Nous ouvrons sous cet intitulé [les sourdines du masochisme] une catégorie de cognitions erronées dans lesquelles le masochisme n’est pas nié. Il est même énoncé mais cet énoncé s’accompagne de propos qui viennent en atténuer l’intensité. Eric parle de son jeu comme d’une maladie, dont il n’est donc pas responsable. Le masochisme est énoncé comme le symptôme d’une maladie dont il est victime. Le masochisme vient de lui mais, selon lui, il est imposé par sa « maladie »

[…] il me faut tout un tas de signes de reconnaissance, mais si j’étais honnête je devrais dire de signes d’amour, pour rétablir un peu l’équilibre en moi. Alors forcément, quand un serveur me refuse un verre ou m’amène un verre sans glaçons alors que je le voulais avec des glaçons, tout ça pendant que je suis en train de me détruire à la roulette à coups de plaques de 10 000 euros, je suis capable de péter les plombs et de faire un esclandre. Ces cons de croupiers ne comprennent pas ça et pensent qu’on est des emmerdeurs ou des capricieux au seul motif qu’on a de l’argent. Ils n’ont rien compris. Si je suis capable de faire tout un souk à cause d’un whisky pas assez frais, c’est comme si je leur disais à tous « mais aimez-moi, bordel » pour compenser à quel point, moi, je me déteste.

Geoffrey Miller […] affirme que les habitants d’autres planètes négligent de conquérir notre galaxie car « ils sont trop occupés à jouer à des jeux sur leur ordinateur ». Ce serait, selon lui, le destin des cerveaux évolués : les jeux en ligne, paris sportifs, lotos, casinos, jeux de poker et autres courses de chevaux absorbent tout leur temps. La réalité intéresse-t-elle encore quelqu’un ? Pas sûr.

-Préface de Corinne Maier-

A l’inverse du présupposé des cognitivistes, qui consiste à considérer que le comportement du joueur vise le seul but conscient de gagner, nous proposons de poser le présupposé suivant : le joueur pathologique est simultanément animé par un but conscient et par un but inconscient. Le premier vise le gain et le second vise la perte.
Ces deux buts sont entravés. Le gain est entravé par l’aléa défavorable au joueur tandis que la perte est entravée par la négation du masochisme.
Pour libérer les deux buts de leurs entraves, le joueur développe des cognitions erronées dont la fonction est de rendre possible la réalisation des buts. Il existe donc des cognitions erronées au service des buts conscients et des cognitions erronées au service des buts inconscients.

La jouissance, elle intervient avant le jeu. Quand on gagne, le plaisir, il dure à peine quelques secondes. Je me souviens d’une situation où j’ai vraiment ressenti du plaisir, alors que je n’avais rien gagné du tout. Un jour, j’avais perdu 10 000 balles (francs) d’un coup. Et puis j’ai joué et je les ai récupérés. J’étais dans un état de satisfaction alors que je n’avais rien gagné. Mais je me suis battu. Mon objectif était de récupérer ce que j’avais perdu.

[…] questionner sans relâche le hasard est une façon de comprendre ce qu’il en est du réel en interrogeant une loi qui se dérobe toujours. C’est dans la série que le ludopathe tente de lire le chiffre de son destin. A travers le jeu de hasard, il essaie de déchiffrer son sort.

-Préface de Corinne Maier-

A l’instar de Jacques Lacan, énonçant que tout acte manqué est un discours réussi, nous pouvons conclure que, avec l’aide indispensable des cognitions erronées au service des buts inconscients, tout jeu perdant est un discours réussi.

[…] il existerait des cognitions erronées ayant pour fonction de concilier volonté consciente de gagner et désir inconscient de perdre. Pour préserver sa cohérence interne, le joueur ne mettrait-il pas en scène des cognitions erronées destinées à attribuer à autrui une volonté de le faire perdre ?

[…] Si l’hypothèse est infirmée, nous en déduirons que seul le champ du conscient, déjà largement étudié par les travaux des cognitivistes, fait appel au concept de cognition erronées. Si elle est confirmée, nous pourrons nous proposer d’enrichir et d’élargir le concept même de cognitions erronées et d’en proposer une nouvelle typologie.